PARIS: Après la responsabilité des réseaux sociaux, celle des parents et des professionnels: les députés ont adopté lundi des mesures pour protéger l'intimité des enfants dans l'univers numérique, avant de s'atteler à leur surexposition aux écrans.
La proposition de loi sur le droit à l'image des mineurs, portée par le député macroniste Bruno Studer (Renaissance), a été votée en première lecture à l'unanimité dans un climat consensuel, loin des débats virulents sur les retraites.
Le texte, qui doit désormais être examiné par le Sénat, vise à protéger les enfants des dérives de certains parents les exposant sans retenue, en particulier sur les réseaux sociaux.
Les députés ont aussi commencé dans la soirée l'examen d'un second texte, porté par une autre élue du camp présidentiel, Caroline Janvier, pour sensibiliser les adultes aux risques d'une exposition excessive des plus jeunes aux écrans.
Jeudi dernier, c'est vers les plateformes de réseaux sociaux que s'était tournée l'Assemblée en votant en première lecture l'obligation pour les TikTok, Snapchat ou autre Instagram, de vérifier l'âge de leurs utilisateurs ainsi que l'accord parental pour l'inscription des moins de 15 ans.
Ces différentes initiatives "constituent un arsenal juridique qui permettra de compléter les dispositifs de protection des enfants en ligne", s'est réjouie la secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance, Charlotte Caubel.
Pas de «droit absolu»
Le texte du député Studer adopté lundi introduit la notion de "vie privée" de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale du code civil.
Il précise que le droit à l'image des mineurs est exercé en commun par les deux parents. En cas de désaccord, le juge pourra interdire à l'un d'eux de publier des images de l'enfant.
Dans des situations graves, la voie est même ouverte "à une délégation forcée de l'autorité parentale", permettant à un juge de confier à un tiers l'exercice du droit à l'image de l'enfant.
Cette loi vise à "responsabiliser les parents", mais aussi à montrer aux mineurs que "les parents ne disposent d'un droit absolu sur leur image", a fait valoir M. Studer.
Selon des chiffres cités par les parlementaires, un enfant apparaît en moyenne "sur 1.300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans" et "50% des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux".
Des associations dénoncent des dérives, comme celles des "vlogs" familiaux (blogs vidéo) tenus par des parents faisant la course aux "likes" en exposant leurs enfants, en quête pour certains de revenus publicitaires, avec parfois des mises en scène dégradantes.
Certaines images peuvent mener à du "cyberharcèlement" ou "compromettre leur crédibilité pour des candidatures scolaires ou professionnelles" futures, a souligné le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti qui a soutenu le texte "avec force et conviction".
«Mal du siècle»
Le second texte, dont l'examen doit reprendre mardi, traite de la surexposition aux écrans des enfants jusqu'à 6 ans, un "mal du siècle encore largement sous-estimé par l'entourage des jeunes enfants" selon la députée Caroline Janvier.
Sa proposition de loi prévoit d'inclure dans le code de santé publique une formation aux risques pour les professionnels de santé et de la petite enfance, et l'insertion de messages de prévention sur les emballages d'ordinateurs, tablettes et téléphones.
Elle prévoit aussi que les structures de la petite enfance et des écoles intègrent des règles restrictives d'utilisation des écrans pour les encadrants.
Pour les parents, le texte demande l'insertion de recommandations sur une bonne utilisation dans le carnet de grossesse.
L'excès d'écran est un "phénomène de grande ampleur", avec des "risques accrus d'obésité", de "troubles du sommeil" et "d'hypertension artérielle", a alerté Mme Janvier.
Des députés LFI et LR ont déploré que les mesures ne soient ciblées que sur les plus jeunes enfants. Des amendements demandant d'interdire les tablettes dans les lieux d'accueil de jeunes enfants ont été repoussés.
Ce texte "permet de sensibiliser encore plus et encore plus tôt enfants et parents, dans les services de Protection maternelle et infantile (PMI), dans les écoles ou maternelles, mais aussi dans les centres aérés ou pendant les activités périscolaires", a estimé Mme Caubel.