Sabrina Ouazani, ou «l’envie de parler du poids du regard de l'autre»

Rien ne la prédestine à embrasser le métier d’actrice. Petite, elle est très sportive, alternant rugby et danse classique. Pourtant, à l’âge de treize ans, elle répond à une annonce de «casting sauvage» pour le film L’esquive (2004) d’Abdelatif Kechiche (Photo, AFP).
Rien ne la prédestine à embrasser le métier d’actrice. Petite, elle est très sportive, alternant rugby et danse classique. Pourtant, à l’âge de treize ans, elle répond à une annonce de «casting sauvage» pour le film L’esquive (2004) d’Abdelatif Kechiche (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 03 décembre 2020

Sabrina Ouazani, ou «l’envie de parler du poids du regard de l'autre»

  • Pour préparer son rôle de break-danseuse dans Break (2018), elle s’entraîne pendant dix mois, huit heures par jour, tous les jours
  • Elle contribue avec 20 personnalités culturelles françaises à l’album «Jours de Gloire», un projet décrit par ses instigateurs comme une initiative «citoyenne non partisane»

Sa banlieue, elle en est fière. Elle parle avec enthousiasme de la solidarité qui y règne. «Quand une personne est en deuil, toute la cité est en deuil. Quand il y a un mariage, nous faisons tous la fête», explique-t-elle au journal l’Humanité.

Sabrina Ouazani est une actrice française née le 6 décembre 1988 à Saint-Denis, de parents d'origine algérienne. Elle a grandi dans la Cité des 4 000 à La Courneuve, théâtre d’un drame qui avait mené à une intervention musclée de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur. 

Rien ne la prédestine à embrasser le métier d’actrice. Petite, elle est très sportive, alternant rugby et danse classique. Pourtant, à l’âge de treize ans, elle répond à une annonce de «casting sauvage» pour le film L’esquive (2004) d’Abdellatif Kechiche qui recherche des «jeunes de 14 à 17 ans». Ce premier contact avec la caméra lui procure une sensation de «liberté incommensurable». 

Sans avoir jamais pris de cours de théâtre, elle décroche l’un des rôles principaux et obtient même une nomination aux César dans la catégorie du meilleur espoir féminin. Une star est née.

Elle poursuit tout de même ses études, obtient un bac ES et s’oriente vers une licence d’histoire «pour assurer ses arrières». Mais son nom est désormais connu, et elle reçoit de multiples propositions.

Actrice au talent indéniable, elle s’investit à fond dans ses personnages. D’abord cantonnée à des personnages de banlieusardes, puis de « beurette » dit-elle, elle n’hésite pas à travailler son accent pour interpréter une jeune banquière venue de la capitale dans De l’autre côté du périph (2012) (Photo, AFP)

La Graine et le Mulet (2007), Adieu Gary (2009), Tout ce qui brille (2010), Des hommes et des dieux (2010), Inch’Allah (2013), Pataya (2016), Taxi 5 (2018)Sabrina Ouazani multiplie les rôles et se fait une place de choix dans le cercle fermé du cinéma français. 

Actrice au talent indéniable, elle s’investit à fond dans ses personnages. D’abord cantonnée à des personnages de banlieusarde, puis de «beurette» dit-elle, elle n’hésite pas à travailler son accent pour interpréter une jeune banquière venue de la capitale dans De l’autre côté du périph (2012). 

Son investissement dans les rôles ne fait aucun doute. Pour préparer celui de danseuse de breakdance dans Break (2018), elle s’entraîne pendant dix mois, huit heures par jour, tous les jours, ce qui lui permet de se passer de doublure. «C’était un beau défi, je me suis éclatée!», dit-elle.

Ses parents ont quitté l’Algérie, encore enfants, pour venir s’installer en France, et n’y sont plus retournés, «par manque de moyens», dit-elle. À sa majorité, sa première vraie dépense est donc de s’offrir un voyage vers ce pays qu’elle ne connaît pas. 

Comédies, drames, films d’action, Sabrina est à l’aise dans différents genres: «Il est vrai que j’ai longtemps été attirée par les rôles tragiques», explique-elle au journal La Croix, «mais une actrice doit savoir passer d’un genre à l’autre».

En 2018, Sabrina passe de l’autre côté de la caméra et endosse pour la première fois la casquette de réalisatrice. Elle met ainsi en scène le court-métrage présenté à Cannes On va manquer. Le film raconte l’histoire d’une jeune fille qui prépare un couscous  pour sa grand-mère qui arrive d’Algérie à l’occasion de l’Aïd. «J'avais envie de parler du poids du regard de l'autre, de notre capacité à nous travestir pour plaire à l'autre et être aimé. Ce sujet était important pour moi», explique-elle lors d’un entretien dans l’émission La Clique.

À l’automne 2020, elle contribue avec 20 personnalités culturelles françaises à l’album Jours de gloire, un projet décrit par ses instigateurs comme une initiative «citoyenne non partisane, qui vise à fédérer tous les français, quelle que soit leur origine, autour d’une humble fierté: l’héritage commun que constituent les valeurs de la république française».

 

 

Ces portraits ont été choisis et rédigés pour mettre l’accent sur des parcours remarquables de citoyens français d’origine arabe dans le cadre de l’enquête Arab News en Français / YouGov intitulée «Comprendre la minorité marginalisée de France». Quelques exemples parmi des dizaines de milliers qui viennent prouver que l’ampleur d’un débat stigmatisant souvent surchargé de préjugés ne change rien au fait qu’un brassage de cultures peut servir d’outil enrichissant pour une meilleure intégration.

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Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).