PARIS: Finis les défilés impressionnants et les messages résonnant avec l'actualité sombre de l'époque: pour Demna, le styliste géorgien de Balenciaga, fragilisé par la sexualisation d'enfants dans une campagne publicitaire, la mode n'est désormais qu'une question de "vêtements".
L'un des évènements les plus attendus de la Fashion week parisienne, le défilé Balenciaga dimanche était tout le contraire des shows précédents de la maison.
Après les avoir organisés dans les quartiers populaires au nord de la capitale, celui-ci s'est déroulé au Louvre, en plein centre de Paris.
Les mannequins ont évolué avec une attitude neutre dans un espace minimaliste aux murs et au sol blancs qui tranchait avec les scénographies anxiogènes ou apocalyptiques du passé, dans un tunnel ou dans la boue.
Seule une musique dramatique et inquiétante évoquait l'univers du directeur artistique.
"La mode ne peut plus être considérée comme un divertissement mais plutôt comme un art de faire des vêtements", a déclaré Demna dans la note du défilé.
Sauf qu'elle n'a jamais été un divertissement pour ce créateur à fleur de peau, qui, enfant, a dû fuir la guerre dans sa Géorgie natale, alors république soviétique, et qui captait mieux que personne les angoisses et les interrogations de l'époque et les transcrivait dans ses défilés.
"Jusqu'à présent, Demna a été un leader de la mode. Je ne suis pas sûre qu'il ait été provocateur, il a répondu au contexte, il nous a raconté ce monde et la façon dont il le vivait. Il a été complètement connecté avec son temps", a commenté Miren Arzalluz, directrice du Palais Galliera, le musée de la mode de Paris, avant le défilé.
« Plus besoin » de show
Ce défilé est le premier message visuel et "le point de redémarrage" de Balenciaga après la polémique autour d'une campagne publicitaire en novembre mêlant enfants et accessoires sexuellement connotés, des images qui ont provoqué le tollé et ont été rapidement retirées.
Demna s'est personnellement excusé et a promis dans une interview à Vogue de revoir sa façon de montrer ses collections.
En octobre, la maison a aussi dû couper les ponts avec le rappeur américain Kanye West après ses déclarations antisémites. Celui-ci avait ouvert le dernier défilé Balenciaga dans la boue.
C'est un patron de veste qui a été envoyé en guise d'invitation au défilé de dimanche.
Les costumes aux volumes exagérés féminins et masculins ont été le point central de cette collection, qui propose également de longues robes plissées à imprimé fleuri en cuir et textile léger ou des survêtements moulants en jersey ou en velours avec des épaules accentuées.
Les robes de soirée sont brodées de sequins et de dentelles, incrustées de cristaux ou moulées en velours, dans la tradition de la haute couture à laquelle la maison est récemment revenue.
Les talons aiguilles côtoient les chaussures "ugly" (moches), marque de fabrique de Balenciaga, inspirées de bottes de motocross.
Après les sacs "poubelle" du défilé d'il y a un an, dédié à la guerre en Ukraine, ceux de la saison automne-hiver 2023 sont conventionnels mais agrandis.
Interrogé pour savoir si les clients attirés par le show ne risquaient pas d'être déçus par ce nouveau positionnement de la maison, François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering qui détient Balenciaga, a estimé que la maison pouvait s'en passer.
"La maison n'a plus besoin de tout ça (...) La maison a atteint un niveau de notoriété aujourd'hui où elle peut se passer de ça, en particulier quand ces éléments-là peuvent ne pas être bien compris ou mal interprétés", a-t-il expliqué à la presse.