Le gouvernement britannique a défendu jeudi sa décision de réduire de près d'un tiers son aide au développement, après un flot de critiques s'inquiétant des répercussions humanitaires et d'un coup porté aux ambitions du Royaume-Uni sur la scène internationale après le Brexit.
"Même dans les périodes économiquement difficiles, nous continuerons cette mission, nous continuerons à montrer le chemin", a assuré le chef de la diplomatie Dominic Raab au Parlement.
Il a insisté sur le fait que cette réduction serait provisoire, puisque provoquée par la pandémie de Covid-19, et a promis que le Royaume-Uni ne se désengagerait pas de priorités comme l'éducation des filles, la lutte contre la famine et les programmes de santé préventive.
Revenant sur une promesse de campagne, le gouvernement du conservateur Boris Johnson a déclaré mercredi que l'aide au développement serait réduite en 2021 de 0,7% à 0,5% de la richesse nationale. Elle passera d'environ 15 milliards de livres avant la crise à 10 milliards de livres (soit de 17 à 11 milliards d'euros), en raison de l'effet de la crise du coronavirus sur les finances publiques.
Des voix se sont élevées contre ce changement, soulignant que le ministère des Finances débloquait bien des milliards de livres pour d'autres postes de dépenses -notamment militaires. Un membre du gouvernement a remis sa démission en signe de protestation.
Cette réduction risque d'être responsable de "100.000 morts, principalement chez des enfants, qui pourraient être évitées", a estimé l'ex-ministre au Développement international Andrew Mitchell.
Pour Mark Sheard, le directeur de l'association World Vision UK, le gouvernement "renonce à son droit de parler du Royaume-Uni comme d'une puissance mondiale qui pourrait guider le monde".
Selon le ministre des Affaires étrangères cependant, 2021, avec les sommets du G7 et de la COP26 prévus sur le sol britannique, sera "une année de leadership pour un +Royaume-Uni mondial+", qui agira en tant que "force bénéfique dans le monde entier".
La décision du gouvernement s'est aussi attirée les foudres des cinq anciens Premiers ministres britanniques encore en vie et de l'archevêque de Canterbury Justin Welby, le chef de l’Église anglicane, qui n'a pas hésité à qualifier la situation de "honteuse et injuste".
Au sein de la majorité conservatrice, certains ont promis de s'opposer à cette réduction.
"Alors que le président élu Biden s'engage dans une nouvelle ère du leadership occidental, nous sommes sur le point commencer notre présidence du G7 en réduisant notre aide à l'étranger", a déploré le député Tobias Ellwood.
"Dans certaines des régions les plus pauvres du monde, réduire nos programmes liés au +soft power+ laissera des vides, ce qui aggravera la pauvreté et l'instabilité", a-t-il ajouté, "Il est probable que la Chine et la Russie étendent leur influence autoritaire en y prenant notre place".
Malgré la baisse drastique de ce budget, l'aide britannique restera la deuxième plus importante au sein du G7, seule l'Allemagne dépensant plus, ont souligné des responsables.
"Je ne pense pas qu'on puisse dire, vu notre niveau de soutien aux pays pauvres, que nous leur tournons le dos", a déclaré à la chaîne de télévision Sky News le ministre des Finances Rishi Sunak, affirmant que le Royaume-Uni faisait actuellement face à une "urgence économique" en raison de la pandémie.