Colère des Iraniens après la mort de Pirouz, l’unique guépard asiatique du pays né en captivité

Pirouz, le dernier des trois petits guépards asiatiques en voie de disparition nés en captivité en Iran (Photo, AFP).
Pirouz, le dernier des trois petits guépards asiatiques en voie de disparition nés en captivité en Iran (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 03 mars 2023

Colère des Iraniens après la mort de Pirouz, l’unique guépard asiatique du pays né en captivité

  • Le ministère iranien de l'Environnement espérait ramener l'espèce en danger critique d'extinction
  • Les Iraniens opposés au régime considèrent la mort du troisième petit comme un nouvel exemple d'incompétence officielle

LONDRES: Il y a quelques décennies à peine, les guépards occupaient des habitats allant de l'est de l'Inde à la côte atlantique du Sénégal. Aujourd'hui, l'animal terrestre le plus rapide du monde, capable de courir à une vitesse de 120 kilomètres par heure, est considéré comme étant en danger critique d'extinction.

C'est pourquoi la nouvelle de la mort du seul guépard asiatique né en captivité en Iran a été accueillie avec une telle tristesse par les défenseurs de la faune sauvage et le public iranien, qui attache depuis longtemps une importance culturelle et sociale à ces animaux magnifiques.

Pirouz, qui signifie victorieux en farsi, était le seul survivant d’une portée de trois guépards asiatiques en voie d’extinction. Le petit est mort mardi, à l'âge de dix mois, à l'hôpital vétérinaire central de Téhéran, malgré plusieurs jours de traitement pour une insuffisance rénale, selon les médias locaux.

Omid Moradi, directeur de l'hôpital, a déclaré à l'agence de presse officielle iranienne IRNA: «La perte de Pirouz et l'inefficacité de tous les efforts déployés par l'équipe soignante ces derniers jours pour sauver l'animal m'attristent, ainsi que tous mes collègues.

Un garde forestier iranien à l'affût de guépards sauvages (Photo, AFP).

«Nous nous excusons auprès de tous de n’avoir pas pu garder cet animal en vie», s’est désolé Moradi.

Le guépard asiatique (Acinonyx jubatus venaticus) est menacé d'un «dangereux déclin continu» et est en danger critique d'extinction, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Encore présent dans certaines régions d'Afrique australe, le grand félin a pratiquement disparu d'Afrique du Nord et d'Asie. Selon une étude de 2017, référencée par l’UICN, la sous-espèce asiatique était confinée en Iran, où «moins de 50 guépards matures» étaient encore en vie.

En janvier de l'année dernière, Hassan Akbari, vice-ministre iranien de l'Environnement, a révélé que le pays ne comptait plus qu'une douzaine de guépards asiatiques, contre une centaine estimée en 2010.

«Les mesures que nous avons prises pour renforcer la protection, la reproduction et l'installation de panneaux routiers n'ont pas suffi à sauver cette espèce», avait alors déclaré Akbari à l'agence de presse Tasnim.

Le nombre de guépards a chuté en raison d’un ensemble de raisons comme le braconnage, la chasse de sa principale proie sauvage – les gazelles – et l'empiètement de l'homme sur son habitat. Les guépards sont fréquemment renversés par des voitures et tués dans des combats avec des chiens de berger sur les pâturages.

Dans une interview accordée à ISNA à l'occasion de la Journée nationale du guépard, le 31 août 2021, Morteza Pourmirzai, directeur général de la Société iranienne du guépard, a déclaré que l'habitat du guépard dans le sud de l'Iran couvrait plus de 3 millions d'hectares, mais n'accueillait que quelques guépards.

«Une espèce dont la population est inférieure à 100 ne peut pas se maintenir en bonne santé à long terme, tandis qu'avec une population inférieure à 50, elle ne pourra pas maintenir sa diversité génétique à long terme, l'espèce est donc dans une situation critique.

«À l'heure actuelle, chaque guépard individuel est important, mais une petite augmentation du nombre de ces espèces, bien qu'importante, ne fait pas à elle seule une grande différence dans l'extinction du guépard», a-t-il ajouté.

L'Iran a lancé son programme de protection du guépard en 2001, soutenu par le programme de développement des Nations unies en collaboration avec le Fonds pour l'environnement mondial et cofinancé par le projet de conservation du guépard asiatique.

Malheureusement, le soutien du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a été interrompu depuis. Les dons extérieurs ne sont plus non plus une option à cause des sanctions américaines sur le secteur financier iranien, imposées en réponse au programme nucléaire du régime et à d'autres activités malveillantes.

L'Arabie saoudite développe son programme d'élevage de léopards arabes (Photo, AFP).

Le ministère iranien de l'Environnement avait espéré que la naissance de Pirouz et de ses frères et sœurs aiderait à sauver la population de guépards. Malheureusement, avec la mort du troisième petit, il semble que le programme soit revenu à la case départ.

Pirouz et ses frères et sœurs sont les premiers guépards asiatiques nés en captivité en Iran. Ils sont nés dans le refuge sauvage de Touran, dans la province de Semnan, en mai dernier, sous la surveillance étroite de l'agence environnementale iranienne.

La mère guépard, nommée Iran, avait été sauvée de trafiquants d'animaux sauvages présumés en décembre 2017 alors qu'elle n'avait elle-même que huit mois.

Les défenseurs de l'environnement ont lentement commencé à lui présenter un guépard asiatique mâle, Firouz, en 2021, qui avait été capturé dans le parc national de Turan pour s'accoupler avec elle en captivité. Ils ont fini par s'accoupler le 24 janvier 2022, selon la Société iranienne des guépards.

Auparavant, l'insémination artificielle a été réalisée à plusieurs reprises sur une femelle guépard appelée Delbar, mais sans succès.

La femelle guépard «Iran» a mis au monde ses petits par césarienne le 1er mai 2022, avant qu'ils ne soient placés en soins intensifs. Malheureusement, l'un des petits est mort à peine quatre jours plus tard, apparemment à cause de malformations du poumon gauche et d'une compliance pulmonaire.

Deux semaines plus tard, un deuxième petit est mort, apparemment à la suite d'une alimentation au lait de mauvaise qualité, ce qui a suscité de nombreuses critiques. Ali Salajegheh, un représentant de l'agence pour l'environnement, a accusé l'Iran de manquer d'experts ou de vétérinaires expérimentés dans l'élevage de carnivores en captivité.

EN BREF

- Les guépards étaient autrefois très présents en Afrique et parcouraient la péninsule arabique et l'Inde.

- Aujourd'hui, ils ont disparu de la majeure partie de l'Afrique et n'habitent plus que 10% de leur aire de répartition historique.

- En Asie, le nombre de guépards sauvages a diminué pour atteindre environ 80 guépards, limités aux déserts d'Iran.

- Selon certaines estimations, ils ne sont plus que 12, ce qui les place au bord de l'extinction.

(Source: WWF)

Après la mort du deuxième petit guépard, le département de l'environnement a mis en place un groupe de travail chargé d'évaluer les éventuels manquements et négligences dans la gestion du processus de reproduction. Cependant, aucune conclusion n'a été publiée.

Les autorités iraniennes sont de nouveau confrontées à des réactions négatives sur les médias sociaux à la suite de la mort de Pirouz. Les Iraniens opposés au régime considèrent la mort du troisième petit guépard comme un exemple d'incompétence et de mauvaise gestion officielles.

Saman Rasoulpour, de la chaîne de télévision indépendante Iran International, basée à Washington, a décrit Pirouz comme une «victime de l'enfer que la République islamique a créé pour les humains, les animaux et l'environnement».

Dans un tweet, Amir Toumaj, un chercheur indépendant sur l'Iran, a déclaré: «Un programme mieux financé l'aurait probablement maintenu en vie.»

La réaction du public à la mort de Pirouz a également mis en évidence la sensibilisation croissante à l'environnement en Iran et l'indignation suscitée par le ciblage des défenseurs de l'environnement par le régime.

Un dresseur iranien avec un guépard asiatique femelle, l'une des rares survivantes de la région (Photo, AFP).

En 2020, une cour d'appel iranienne a confirmé les peines d'emprisonnement allant jusqu'à dix ans à l'encontre de huit défenseurs de l'environnement reconnus coupables d'espionnage, de conspiration avec les États-Unis et d'atteinte à la sécurité nationale.

«Honte à la République islamique qui emprisonne les défenseurs de l'environnement au lieu de les récompenser pour leur travail crucial», a signalé l'actrice et activiste Nazanin Boniadi dans un tweet après la mort de Pirouz.

Il n'est peut-être pas surprenant que les Iraniens se sentent particulièrement blessés par la perte de Pirouz. Le guépard asiatique est un symbole culturel puissant adopté par l’ensemble de la société.

Pirouz était devenu l'une des icônes de la vague actuelle de protestations contre le régime après que Chervin Hajipour, auteur-compositeur-interprète et lauréat d'un prix «Grammy», a mentionné l'extinction possible du guépard dans sa chanson révolutionnaire «Baraye».

L'attachement du public au grand félin remonte à plus loin. En 2014, l'équipe nationale de football iranienne a annoncé que ses kits pour la Coupe du monde de la FIFA 2014 et la Coupe d'Asie de l'AFC 2015 seraient imprimés d'images du guépard afin d'attirer l'attention sur les efforts de conservation. En 2015, l'Iran a également lancé un moteur de recherche, Yooz, qui arborait un guépard comme logo.

Le déclin du grand félin n'est pas un phénomène récent. Jusque dans les années 1950, on trouvait le guépard d'Asie dans les déserts ouverts, les wâdîs et les franges montagneuses de la péninsule arabique. Cependant, la chasse incontrôlée du guépard et de ses proies l'a rapidement conduit à l'extinction.

Logo de l'équipe de football iranienne représentant le guépard asiatique (Photo, AFP).

Les guépards d'Afrique sont encore généralement importés dans la région en tant qu'animaux de compagnie – souvent illégalement – alors que plusieurs populations captives bien gérées continuent d'exister, toutes constituées d'animaux africains, dont un nombre important provient d'Afrique du Nord-Est.

Ces dernières années, le gouvernement saoudien a donné la priorité à la réintroduction de nombreux animaux menacés faisant partie du patrimoine du pays – en particulier le léopard d'Arabie – un parent d’une espèce distincte, du guépard.

La Commission royale pour AlUla (UCR) a créé un fonds doté de 25 millions de dollars (1 dollar = 0,94 euro) pour promouvoir les efforts de conservation, et a signé un accord de 20 millions de dollars sur dix ans avec une organisation américaine appelée Panthera dans le but de soutenir ses efforts.

L'UCR a pour objectif de réintroduire le léopard d'Arabie dans les zones sauvages d'AlUla, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite. Grâce à un programme de reproduction du léopard déjà bien avancé, ce jour pourrait arriver dès 2030.

À ce jour, six léopards ont été élevés dans une installation spéciale de l'UCR à Taif, et la construction d'un deuxième centre de reproduction dédié à AlUla est en bonne voie.

Les léopards actuels resteront dans le programme de reproduction mais il est peu probable qu'ils soient relâchés. Ce sont leurs petits, voire leurs petits-enfants, qui franchiront le pas vers la nature.

Pour que les léopards puissent à nouveau prospérer à l'état sauvage, l’Arabie saoudite a également lancé des programmes de reproduction des différentes espèces d'oryx, de gazelles et de bouquetins qui constituent les proies naturelles des grands félins, et a mis de côté de vastes zones de terres protégées afin d’éviter l'empiètement sur l'habitat.

Si l'on se fie à ces efforts louables, il y a peut-être encore de l'espoir pour le guépard asiatique d'Iran.

Pourmirzai a souligné: «L'expérience internationale a montré que lorsqu'ils sont clôturés sur plusieurs milliers d'hectares, les guépards se comportent normalement, se trouvent et s'accouplent, et qu'après une grossesse, les femelles peuvent être complètement séparées des mâles.»

«Cette méthode est utilisée en Afrique du Sud et a permis d'augmenter efficacement la population de guépards. En fait, c'est le seul moyen de se reproduire dans un environnement semi-naturel et de relâcher ensuite le guépard dans la nature.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Abbas appelle le Hamas à libérer les otages à Gaza, frappes israéliennes meurtrières

Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
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  • Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages"
  • "C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007

GAZA: Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres.

Rompant une trêve de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive sur le territoire palestinien, affirmant vouloir contraindre le mouvement islamiste à libérer les otages qu'il retient depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages".

"C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Après plus de 18 mois de guerre, l'ONU a fait état de cas de "malnutrition aiguë sévère" parmi les 2,4 millions d'habitants du territoire, dont la plupart ont été déplacés par les combats.

Selon un responsable du mouvement, une délégation du Hamas se trouve actuellement au Caire pour discuter avec les médiateurs de "nouvelles idées" visant à rétablir un cessez-le-feu.

"Vivre comme les autres" 

Mercredi, la frappe israélienne la plus meurtrière a détruit une école qui abritait des déplacés dans la ville de Gaza, dans le nord, faisant onze morts et 17 blessés, "y compris des femmes et des enfants", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile palestinienne, Mahmoud Bassal.

"Le bombardement a provoqué un incendie massif dans le bâtiment et plusieurs corps calcinés ont été retrouvés", a-t-il dit.

Au total, 25 personnes ont été tuées dans les frappes qui ont visé plusieurs secteurs du nord de Gaza ainsi que Khan Younès, dans le sud, selon la Défense civile.

"Nous avons reçu des appels de détresse signalant plusieurs personnes disparues sous les décombres dans différentes zones de la bande de Gaza ", a affirmé Mahmoud Bassal.

Plusieurs corps enveloppés dans des linceuls blancs ont été transportés à l'hôpital al-Chifa, où se recueillaient des femmes éplorées.

"Nous ne voulons rien d'autre que la fin de la guerre pour pouvoir vivre comme le font les gens dans le reste du monde", s'exclamait Walid Al Najjar, un habitant de Khan Younès.

Selon Mahmoud Bassal, les secouristes manquent "des outils et équipements nécessaires pour les opérations de sauvetage et pour récupérer les corps".

L'armée israélienne n'a pas commenté dans l'immédiat.

Mardi, elle avait dit avoir détruit environ "40 engins du génie utilisés à des fins terroristes, y compris lors du massacre du 7 octobre".

Elle affirme que le Hamas utilise ces engins "pour poser des explosifs, creuser des tunnels souterrains, percer des clôtures de sécurité et dégager les gravats pour retrouver des armes et du matériel militaire".

Mesure "intolérable" 

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 1.928 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51.305 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l'offensive de représailles israélienne.

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

La situation est aggravée par le blocage de l'aide humanitaire imposé par Israël depuis le 2 mars.

Les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont conjointement exhorté mercredi Israël à cesser ce blocage, y voyant une mesure "intolérable" qui expose les civils à "la famine, des épidémies et la mort".

"Plusieurs personnes souffrant de malnutrition aiguë sévère à Gaza ont été admises à l'hôpital cette semaine", a indiqué mardi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ajoutant que ces cas étaient "en augmentation".

"Malgré des approvisionnements extrêmement faibles, environ 180 cuisines communautaires continuent de fonctionner chaque jour. Cependant, beaucoup d'entre elles sont sur le point de fermer car les stocks s'épuisent", a-t-il prévenu.

 


Turquie: puissant séisme de magnitude 6,2 au large d'Istanbul

Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
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  • Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara
  • Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique

ISTANBUL: Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques.

Selon l'Agence nationale de la gestion des catastrophes AFAD et le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, "un séisme de 6,2 s'est produit au large de Silivri, en mer de Marmara" peu avant 13H00 (10H00 GMT).

Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara.

Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique, ont constaté les journalistes de l'AFP.

"J'ai senti la secousse je me suis jeté dehors" confie un peintre, rencontré près de la Tour de Galata après avoir dévalé ses quatre étages.

Les autorités n'ont pas fait état de victimes ni de dégâts.

Le président Recep Tayyip Erdogan a indiqué "suivre les développements de près".

"Tous nos services d'urgence sont en état d'alerte. Aucun bâtiment ne s'est effondré selon les informations dont nous  disposons à ce stade. Nous poursuivons les recherches", a indiqué le gouvernorat d'Istanbul qui appelle "les citoyens à ne pas s'approcher de bâtiments endommagés".

La municipalité indique elle aussi suivre la situation, précisant qu'"aucun cas grave n'a été sigalé jusqu'à présent".

La hantise du "Big one" 

Outre le séisme principal, l'AFAD précise avoir enregistré trois autres secousses de magnitude 3.9 à 4.9 dans la même zone.

La Turquie est traversée par deux failles qui ont causé de nombreux drames par le passé.

Istanbul vit dans la hantise du "Big one": elle est située à 20 km de la faille nord-anatolienne et les plus pessimistes des experts prévoient un séime de magnitude 7 au moins d'ici à 2030, qui provoquerait l'effondrement partiel ou total de centaines de milliers d'édifices.

Le sud-est du pays a subi un violent tremblement de terre en février 2023 qui a fait au moins 53.000 morts et dévasté la cité antique d'Antakya, l'ex Antioche.

Le district de Silivri abrite notamment l'une des principales prisons du pays, où se trouvent notamment incarcérés le maire d'oppposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu et le mécène et philanthrope Osman Kavala.

C'est également là qu'ont été conduits de très nombreux manifestants interpellés lors de la vague de contestation qui a suivi l'arrestation de M. Imamgolu le 19 mars, incarcéré à Silivri six jours plus tard.

Le réseau d'entraide des parents des jeunes détenus a affirmé sur X que l'établissement n'avait pas subi de dégâts.

 


1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
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  • Si les accords ont valu à Sadate et Begin le prix Nobel, ils n'ont que peu contribué à l'établissement d'une paix durable au Moyen-Orient
  • En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies

CHICAGO — En se rendant à Jérusalem, le président égyptien Anouar el-Sadate poursuivait une vision ambitieuse: prévenir tout nouveau conflit et résoudre la crise israélo-arabe par voie diplomatique. Sa démarche reposait sur la conviction profonde qu'une paix véritable ne pourrait être fragmentaire. Elle devait, selon lui, englober non seulement l'Égypte et ses voisins arabes — Jordanie, Syrie et Liban — mais s'articuler essentiellement autour d'un engagement formel d'Israël à se retirer des territoires occupés et à permettre l'émergence d'un État palestinien souverain.

Face aux parlementaires israéliens réunis à la Knesset, Sadate a prononcé un discours-fleuve dont l'une des déclarations les plus marquantes résonne encore aujourd'hui : "Mon voyage n'a pas pour objectif un accord bilatéral isolant l'Égypte... Car même si tous les États du front parvenaient à un accord avec Israël, cette paix resterait fragile et illusoire tant qu'une solution équitable à la question palestinienne ne sera pas trouvée. C'est cette paix juste et pérenne que la communauté internationale appelle unanimement de ses vœux."

Sadate n'aura pas vécu assez longtemps pour constater à quel point il avait raison:  l'obstination israélienne à maintenir son emprise sur les territoires occupés allait effectivement déclencher un engrenage fatal. Cette politique d'occupation a progressivement nourri les courants extrémistes, multipliés les cycles de violence, fragilisée la stabilité de l'Égypte elle-même, et fait voler en éclats tout espoir d'une réconciliation durable dans la région.

L'objectif unique du Premier ministre israélien Menahem Begin était d'éliminer la menace militaire égyptienne, de diviser les "États du front" arabes et de bloquer les revendications en faveur d'un État palestinien.

Sadate fut naïf de faire confiance à Begin, l'un des terroristes les plus impitoyables du Moyen-Orient. Begin avait orchestré certaines des atrocités civiles les plus odieuses durant le conflit israélo-arabe de 1947-1948, notamment le massacre de près de 100 civils dans le petit village palestinien de Deir Yassine. 

Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".
Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".

Ce massacre, au cours duquel des femmes enceintes furent sauvagement assassinées et leurs corps jetés dans le puits du village, a profondément choqué la population arabe de Palestine, provoquant un exode massif de réfugiés terrorisés. Avant son discours à la Knesset, Sadate avait visité le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem qui, ironie du sort, est édifié sur les vestiges de Deir Yassine.

Déroulé tapis rouge par Israël et les États-Unis, Sadate se vit propulsé au rang de chef d'État modèle pour son audace pacificatrice. Sa tournée américaine de 1978 prit des allures de triomphe: banquets somptueux et réceptions officielles dans les métropoles du pays. À Chicago, pourtant, un autre accueil l'attendait. J'étais là, mêlé à une foule de 500 Américains d'origine arabe, scandant notre opposition à ce que nous considérions comme une véritable reddition diplomatique.

Les Accords de Camp David ont valu à Sadate et Begin le Prix Nobel de la paix 1978, mais aussi l'opprobre du monde arabe. La Ligue arabe réagit en excluant l'Égypte et en transférant le siège de l'organisation du Caire à Tunis.

La stratégie d'Israël était transparente pour tous, sauf pour Sadate. Il signa les accords après 12 jours d'intenses négociations en 1978, du 5 au 17 septembre. Mais quelques semaines auparavant, Begin avait inauguré la colonie d'Ariel, sur des terres confisquées en Cisjordanie à plus de 16 kilomètres à l'est de la Ligne verte, devenue depuis un symbole de la guerre continue d'Israël contre l'État palestinien et le centre de l'expansion des colonies israéliennes.

Malgré cette réalité troublante sur le terrain, Sadate signa un traité de paix formel avec Israël à la Maison Blanche le 26 mars 1979, mettant officiellement fin au conflit entre les deux pays.

Dates clés

14 février 1977
Le président américain Jimmy Carter écrit à son homologue égyptien Anouar el-Sadate et au Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour exprimer son engagement à trouver "un règlement de paix durable au Moyen-Orient".

 21 octobre 1977
Dans une lettre manuscrite, Carter fait appel à Sadate: "Le moment est venu d'avancer, et votre soutien public précoce à notre approche est extrêmement important — peut-être vital".

 11 novembre 1977
Après l'annonce par Sadate de son intention de visiter Israël, le nouveau Premier ministre israélien, Menahem Begin, s'adresse au peuple égyptien depuis Jérusalem en plaidant pour "plus de guerres, plus d'effusion de sang".

3 août 1978
Carter adresse des lettres confidentielles à Sadate et Begin, leur proposant une rencontre.

5 septembre 1978
Sadate et Begin arrivent à Camp David pour dix jours de pourparlers.

17 septembre 1978
À 21h37, Carter, Begin et Sadate embarquent à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine 1 et s'envolent du Maryland vers la Maison Blanche. À 22h31, Begin et Sadate signent un cadre pour la paix.

27 octobre 1978
Sadate et Begin reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix.

26 mars 1979
Sadate et Begin signent le traité de paix égypto israélien à Washington.

6 octobre 1981
Sadate est assassiné au Caire par des extrémistes islamiques opposés au traité de paix.

Si l'on examine les cinq fondements de l'accord, seuls deux ont franchi le cap de la concrétisation. L'Égypte a récupéré le Sinaï, sous conditions de démilitarisation, et la normalisation diplomatique formelle entre Le Caire et Tel-Aviv, mettant officiellement un terme à l'état de belligérance.
 
Les trois autres engagements sont restés lettre morte: les négociations pour résoudre la question palestinienne, avec la participation jordanienne, ont stagné; l'introduction de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et à Gaza dans un délai de cinq ans a échoué; et la fin des colonies israéliennes n'a même jamais été amorcée.

Les accords n'ont jamais été autorisés à entraver les plans visant à renforcer l'emprise d'Israël sur les territoires occupés. Lorsque le président américain Jimmy Carter a perdu sa réélection le 4 novembre 1980, et que Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire le 6 octobre 1981, Begin a reçu carte blanche pour enterrer définitivement le "rêve" de Sadate.

Malgré leurs divergences politiques, le président américain Ronald Reagan tenta de poursuivre la vision de paix au Moyen-Orient portée par Carter et proposa, en août 1982, un "gel" des colonies, exhortant Israël à accorder aux Palestiniens une "autonomie" comme étape vers un État. 

Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP
Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP

La réaction de Begin fut immédiate. Le 2 septembre 1982, avec Carter et Sadate hors-jeu, il conduisit une initiative à la Knesset pour consolider l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et le plateau du Golan, augmentant la population de colons juifs. Israël, déclara le Cabinet, "se réserve le droit d'appliquer sa souveraineté sur les territoires à l'issue de la période de transition de cinq ans" vers "l'autonomie" palestinienne explicitement envisagée dans les Accords de Camp David.

En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies ou "avant-postes" en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette année, le 20 janvier, premier jour de son second mandat, le président américain Donald Trump a levé les sanctions imposées par l'administration Biden sur des groupes de colons d'extrême droite accusés de violences contre les Palestiniens.

Ironie du sort, alors que les accords de Camp David devaient créer un climat d'espoir et d'optimisme, leur progression limitée au seul retour du Sinaï a engendré un sentiment de fatalisme nourrissant l'extrémisme, comme en témoignent de façon dramatique les attaques meurtrières du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Si le cessez-le-feu entre Le Caire et Tel-Aviv tient toujours, l'incapacité chronique à résoudre la question palestinienne a considérablement affaibli la portée historique des accords. Ce qui devait incarner une paix globale s'est progressivement dégradé en un simple pacte de non-agression formalisé. Aujourd'hui, les relations égypto-israéliennes se résument essentiellement à une collaboration sécuritaire.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique primé de la mairie de Chicago. Il est chroniqueur pour Arab News et anime l'émission de radio Ray Hanania. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com