Il y a quelques jours, en présence du président Chypriote Nicos Anastasiades, Emmanuel Macron a déploré que « la Méditerranée orientale soit l’enjeu de luttes de puissances, en particulier de la Turquie et de la Russie ». Il a également exprimé la solidarité de la France avec Chypre et la Grèce face aux violations de leur souveraineté par la Turquie, en soulignant qu’il n’accepterait pas qu’un espace maritime d’un membre de l’Union européenne soit menacé.
Une prise de position contre ces deux pays qui n’est pas nouvelle. Pour rappel, fin juin, le président français avait accusé la Turquie d’avoir « une responsabilité historique et criminelle » dans le conflit libyen, et de ne pas respecter ses engagements pris lors de la conférence de Berlin (organisée en janvier), accroissant sa présence en Libye et « réimportant massivement des combattants djihadistes depuis la Syrie ». Emmanuel Macron avait également pointé du doigt la Russie qui jouait sur « l’ambivalence » de la présence d’une milice privée russe en Libye, la milice Wagner.
Le 10 juin, un incident naval entre la marine turque et la marine française, à 200 km des côtes libyennes - lorsque la frégate française « Courbet » avait été empêchée d’approcher le cargo « Cirkin », suspecté de livrer du matériel militaire en Libye malgré l’embargo sur les armes - avait poussé la France début juillet à se retirer temporairement des opérations de l’Otan en Méditerranée. Une manière de protester contre l’attitude de la Turquie.
Depuis un certain temps, la France se montre peu satisfaite du manque de solidarité européenne face à l’agressivité turque. Sur les 27 pays européens, seuls huit pays de l’UE ont soutenu la France contre la Turquie. « Fâché », Emmanuel Macron a senti que les Italiens étaient plus ou moins complices avec les Turcs, et que les Allemands n’avaient pas critiqué ouvertement la Turquie, afin de préserver leurs relations très développées.
Désireux de corriger ce manque de solidarité auprès de ses homologues européens et ce signe de « faiblesse » de la France au sein de l’Europe et de l’Otan, Macron a vite réagi. C’est ainsi qu’est née la déclaration commune des trois pays, la France, l’Italie et l’Allemagne, qui ont demandé à toutes les parties libyennes et à leurs soutiens étrangers de cesser immédiatement les combats, et de mettre un terme à l’escalade militaire en cours à travers le pays.
Une discussion téléphonique importante s’est également déroulée entre Macron et Trump sur la Libye, Macron exposant le point de vue français sur « l’invasion turque en Libye », avec l’arrivée de milliers de combattants syriens importés par les Turcs. Beaucoup d’entre eux sont considérés comme des djihadistes et représentent une menace pour l’Europe.
La France soutient, par ailleurs, la position égyptienne en Libye et essaye d’encourager les Egyptiens à être plus actifs en Libye. Le ministre français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian se rendra probablement au Caire pour discuter du dossier libyen.
Cependant la dynamique sur le terrain, en Libye, est à l’avantage des Turcs et des Russes. Aucun des trois européens la France, l’Allemagne ou l’Italie, n‘est actif sur le terrain en Libye, et la présence française y reste marginale.
Des informations font état de 300 vols d’Iliouchine russes vers le pays en un mois. Les forces russes se sont installées sur la base d’Al Joufra, une oasis dans le centre de la Libye. Les Russes auraient également investi une importante base militaire de Syrte, afin de repousser une éventuelle poussée turque vers l’est. La présence turque en Libye et la constante campagne anti-kurde de la Turquie en Syrie, ajoutées à la décision d’Erdogan de modifier le statut de musée de Sainte Sophie - vivement critiquée par Le Drian - contribuent à alimenter davantage les tensions entre la France et la Turquie. Dans ce contexte, il est peu probable que le vœu d’Erdogan d’adhérer à l’Union européenne soit exaucé.