PARIS: Elevé par une mère atteinte de troubles mentaux, le Britannique Sam Mendes, réalisateur de "1917" et des James Bond "Skyfall" et "Spectre", a très tôt considéré le cinéma comme une deuxième famille, à laquelle il rend hommage dans son dernier film.
"Empire of Light" raconte l'histoire tourmentée d'une employée de cinéma à la santé mentale vacillante (Olivia Colman) dans une cité balnéaire anglaise.
Ses seuls points de repère sont les employées du lieu, quelque peu fantomatique, jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle recrue, un jeune Noir (Michael Ward), dont elle va tomber éperdument amoureuse.
"Je n'ai pas grandi dans une famille fonctionnelle", explique le réalisateur de 57 ans dans un entretien à l'AFP. "Le théâtre, le cinéma et le sport ont été comme mes familles pendant ma jeunesse".
Dans "Empire of Light", "le cinéma fait office de croisée des chemins pour des gens de différentes générations qui, d'une certaine manière, ne se verraient jamais autrement. C'est ce qui me plaît. C'est complètement mon expérience personnelle", poursuit-il.
Formé au théâtre, auquel il revient toujours après ses tournages, Sam Mendes s'est fait connaître avec "American Beauty" en 1999, qui décroche l'Oscar du meilleur réalisateur.
Après ses deux 007, il s'inscrit définitivement comme un réalisateur qui compte avec "1917", une fresque virtuose en un plan-séquence sur la Première Guerre mondiale.
"Empire of Light" prend un tour bien plus intimiste, sous le soleil timide de la côte britannique, dans les années 1970, et évoque aussi le racisme latent de cette société.
Quand «tout s'effondre»
"Tourner un film ne résulte pas toujours d'une décision réfléchie. Parfois, tu te sens obligé de raconter" une histoire précise, souligne-t-il.
Et pour Sam Mendes, il était temps d'aborder les questions décisives de sa jeunesse.
"J'ai eu une bonne mère, pleine d'énergie et de vie. Mais elle avait cette maladie. Elle est devenue maniaque", explique-t-il.
"Elle n'arrivait pas à s'endormir, elle a commencé à avoir pratiquement des hallucinations. Ils l'ont emmenée à l'hôpital, ils lui ont donné des médicaments. Et quand elle est revenue, elle avait pris du poids, elle avait perdu l'estime de soi. Et ça a recommencé", raconte-t-il.
Fils de parents divorcés, Mendes a passé son enfance entre chez sa mère et chez son père. "J'ai commencé à comprendre qu'elle était malade, que c'était un cycle, quand j'ai atteint l'adolescence. Mais quand on est enfant, tout s'effondre" à chaque crise, avoue-t-il.
Ces expériences "ont fait de moi un observateur, quelqu'un de réservé et qui se soucie des autres", ajoute-t-il.
Sam Mendes a commencé à réaliser ses premières œuvres, à écrire des scénarios, lorsqu'il était étudiant. "Diriger une équipe de tournage ou une compagnie de théâtre a quelque chose à voir avec s'occuper de quelqu'un qui a des problèmes", ironise-t-il.
"Il s'agit d'observer et de contrôler. Tu construis un univers alternatif que, contrairement à ta vie, tu peux contrôler", explique-t-il.
"A mes débuts, je prenais beaucoup la parole, avant même qu'un acteur ne commence à faire quoi que ce soit", se souvient-il. Au fil des ans, le réalisateur a appris qu'il existe "différentes façons de s'adresser à chacun".
"J'aime les acteurs qui ne parlent pas beaucoup. Je pense que je préfère les acteurs qui sont intuitifs mais, en même temps, qui n'ont pas peur de l'échec. Qui ne pensent pas trop à eux-mêmes, à leur image".
Pour "Empire of Light", nommé pour l'Oscar de la meilleure photographie, Sam Mendes a choisi Olivia Colman, l'actrice britannique multi-récompensée (dont un Oscar), connue pour son rôle de la reine Élisabeth II dans la série télévisée "The Crown".
"Elle est comme une Ferrari dans le corps d'une mini", dit-il avec un sourire.