PARIS : «D’où viens-tu ?». Après les salamalecs de circonstance, arrive la fameuse question des origines. Ce besoin, cette curiosité tout à fait compréhensible, de déceler les principaux traits identitaires de son interlocuteur.
Selon le théologien Raimon Panikkar, «on pense qu'on est identique à soi-même si on est différent de l'autre. On s'identifie par la différence». Le défi des temps modernes est donc d’accepter, d’arborer et de sublimer ces dissimilitudes afin d’en faire une plateforme d'enrichissement et d'échange.
C’est dans cette optique, qu’Arab News en français a décidé de s’entretenir avec des artistes qui portent un regard inspirant sur la notion d’identité plurielle.
Marco Horanieh : un rêveur terre à terre
Avant de se lancer dans une carrière d’acteur, de présentateur et de modèle, Marco était occupé à parcourir le monde. Après avoir passé plusieurs années en Espagne, le jeune homme a vécu aux Etats-Unis, en Belgique, et en Allemagne, pour enfin s’installer en France.
Né de parents syriens, Marco ne rate pas une occasion d’afficher fièrement ses origines. «Je suis à la fois français, espagnol et syrien. Baigner depuis mon plus jeune âge dans trois cultures, a fait que mon cerveau s’est trouvé constamment en ébullition. J’ai appris à jongler entre différentes façons de faire et de voir les choses », explique-t-il à Arab News.
C’est aussi grâce à la conscience historique de son entourage que le jeune homme de 33 ans a développé son identité personnelle. «Mon père et ma mère sont très ouverts sur le monde, mais leur appartenance levantine leur tient à cœur». Même s’il n’a pas grandi en Syrie, sa volonté de se rapprocher de ses racines est palpable. «Je fais beaucoup d’efforts pour améliorer mon arabe.»
En effet, dans sa jolie bibliothèque en bois laqué, entre les manuels de développement personnel et les livres de psychologie, trônent côte à côte une version du Petit Prince en arabe, un dictionnaire bilingue espagnol-arabe, et un petit livret d’exercices pour apprendre le dialecte syro-libanais.
Pour cet hyperpolyglotte ambitieux, «parler plusieurs langues est nécessaire pour créer des liens solides, pour pénétrer dans l’intimité d’une conversation, et en comprendre les rouages et les subtilités.»
Des sources d’inspiration multiformes
Pour Marco, c’est cette diversité culturelle dont il bénéficie qui lui permet d’endosser plusieurs rôles sur scène et face à la caméra. «Pour jouer, je puise mon inspiration de ces morceaux de vies très différents les uns des autres». Dans les faits, les comédiens utilisent leurs propres expériences pour véhiculer des émotions, ils mettent leurs sentiments et souvenirs personnels au service de leur personnage en les transformant et en les adaptant selon le scénario ou le contexte.
«Dans la série Plus belle la vie, lorsque j’ai dû jouer la scène de la rupture, je me suis remémoré des évènements tristes de ma propre vie qui m’ont spécialement secoué, ému, touché. Certes, un comédien doit jouer avec les apparences, les identités et les caractères, mais avec sincérité et justesse. Je me sers donc de mon vécu », confie Marco.
C’est d’ailleurs dans cette série très populaire en France, que l’acteur s’est fait remarquer en jouant le rôle d’un réfugié syrien. «En arrivant au casting, je pensais n’avoir aucune chance d’être pris. Physiquement, je ne ressemble pas à l’archétype que l’on se fait du Syrien». Pour ce châtain ténébreux aux yeux bleu azur, avoir décroché ce rôle lui a permis non seulement d’aller au-delà des stéréotypes et des idées préconçues, mais aussi d’offrir au grand public une image plus proche de la réalité : celle de la diversité. «Malheureusement, nous sommes encore dans une société qui stigmatise, où les gens se fondent sur des préjugés basés sur le prénom, la religion ou le look…»
«J’ai fait ma crise de la quarantaine à 27 ans»
Après ses études d’ingénieur et de commerce, qui ont débouché sur un poste de consultant, Marco a tout plaqué pour s’adonner à sa passion.
« Je me suis donné un délai de trois mois avec un objectif : trouver ma voie. On pourrait dire que j’ai fait ma crise de la quarantaine à 27 ans.»
L’ancien consultant insiste sur le fait que c’est avant tout grâce à la conjugaison de ses particularités culturelles qu’il a séduit lors de ses premiers castings. Ses références multiples l’ont indéniablement aidé à se faire une place dans cet univers impitoyable et très select. Aujourd’hui, il ne modifierait son parcours éclectique pour rien au monde.
«J’aime cette liberté que m’offre ce métier. J’ai l’impression d’être mon propre maitre. Ma plus grande peur c’est le vide, l’inaction. Je suis insatiable, je me nourris des défis. J’apprécie sortir de ma zone de confort. Il y a des expériences qui changent des vies, moi c’est le changement qui me façonne, l’exotisme qui me fait vibrer.»
D’après lui, conformément à l’existence de l’Homme, l’identité ne doit pas être pas figée. «Ce n’est pas un stock, c’est un flux». Elle est donc en éternelle construction et doit être foisonnante par nature. «Mon identité est plurielle et singulière, elle se recompose. C’est comme ma bibliothèque à laquelle je rajoute des livres au fil du temps».
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Ces portraits ont été choisis et rédigés pour mettre l’accent sur des parcours remarquables de citoyens français d’origine arabe dans le cadre de l’enquête Arab News en Français / YouGov intitulée «Comprendre la minorité marginalisée de France». Quelques exemples parmi des dizaines de milliers qui viennent prouver que l’ampleur d’un débat stigmatisant souvent surchargé de préjugés ne change rien au fait qu’un brassage de cultures peut servir d’outil enrichissant pour une meilleure intégration.