BEYROUTH: Le Liban se dirige vers le néant, a averti lundi le président d'un organe consultatif indépendant du pays.
Le chef du Conseil économique et social, Charles Arbid, a déclaré, lors d'une réunion d'urgence au siège de la Confédération générale des travailleurs du Liban, que la situation dans le pays risquait de dégénérer.
M. Arbid s'est exprimé en ces termes: «Le Liban que nous connaissons est en train de profondément changer sous l'impulsion de dirigeants qui se soucient peu de son sort.
Nombreux sont les pays qui sont tombés dans l'oubli et qui ont été livrés à leur sort. La pauvreté et la violence ont prévalu après que le monde a cessé de s'intéresser à eux.»
Le Conseil a été créé dans le cadre des accords de Taëf et son rôle est de transmettre l'opinion des secteurs concernés par les politiques économiques et sociales au Liban.
La réunion s'est tenue sous le slogan «Sauver la patrie». Elle s'est déroulée alors que les banques entament leur troisième semaine de grève en raison des poursuites judiciaires dont elles font l'objet et du rejet du projet de loi sur le contrôle des capitaux.
Lundi, la livre libanaise a perdu davantage de valeur; elle est passée à 81 000 livres libanaises pour 1 dollar (1 dollar = 0,94 euro). Les activités de la Banque centrale ont chuté à 10 millions de dollars par jour, à mesure que la plate-forme perdait son influence sur le marché des devises, en particulier sur le marché noir.
Une source au sein du bureau du Premier ministre libanais a indiqué à Arab News: «Il appartient au ministère de la Justice et au Conseil supérieur de la magistrature de prendre les mesures nécessaires pour sortir le pays de l'impasse dans laquelle il se trouve. Le Premier ministre est incapable d'intervenir, bien qu'il souhaiterait le faire, car ce problème compromet la stabilité du Liban.»
De son côté, l'association des banques du Liban (ABL) a annoncé que sa grève se poursuivrait tant que les poursuites judiciaires engagées par la juge Ghada Aoun (procureure générale auprès de la Cour d'appel du mont Liban) ne cesseraient pas. L'ABL a également exhorté le Conseil judiciaire suprême à annuler les poursuites engagées par certains juges et à supprimer les actions en justice intentées contre les banques par les déposants.
Dans ce contexte, l’ABL a refusé de porter l'entière responsabilité de la crise financière qui frappe le pays.
Le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a déclaré quant à lui à la chaîne égyptienne Al-Qahera News: «La Banque du Liban n'a aucun contrôle sur le marché noir et elle est désormais incapable de dénouer les crises que traverse le pays; toute solution requiert la mise en place d’un projet national concret.»
Dans la foulée, l'association de lutte contre la corruption baptisée «Le peuple veut la réforme du régime» a annoncé que la juge Ghada Aoun avait engagé lundi des poursuites contre la Société Générale et son PDG, Antoun Sehnaoui, qu'elle accuse de blanchiment d'argent. Mme Aoun a également gelé les fonds de la banque. Sa décision s'appuie sur une plainte déposée par l'association.
Selon l’association de lutte contre la corruption, la juge Aoun a transmis ce dossier au juge d’instruction auprès de la Cour d’appel du mont Liban, Nicolas Mansour. Elle a exhorté ce dernier à mener une enquête et à délivrer les mandats d'arrêt nécessaires.
Lundi, le Bureau parlementaire a reporté à une date indéterminée la session législative qui devait examiner et approuver le projet de loi sur le contrôle des capitaux.
Le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab, a déclaré: «Nous reconnaissons le droit du Parlement à légiférer, comme c'était le cas les années précédentes. Cependant, les Commissions parlementaires mixtes sont convenues que le projet de loi sur le contrôle des capitaux devait être approuvé dans le cadre d’un plan global.»
Par ailleurs, de nombreux députés se sont opposés à la tenue d'une session législative avant l'élection d'un nouveau président.
Les députés Melhem Khalaf et Najat Saliba observent quant à eux un sit-in dans le Parlement depuis plus d'un mois pour protester contre le blocage des élections présidentielles.
Ils se sont adressés à leurs homologues via l’application Zoom pour les exhorter à «faire face à ceux qui se disputent au sujet de l'élection présidentielle et la retardent parce qu'ils souhaitent élire un président qui réponde à leurs critères personnels».
Selon eux, cette situation enfreint les dispositions de la Constitution. «Nous assistons à un suicide collectif, à l'assassinat et à la suppression délibérés de tout un peuple», affirment-ils.
Dans le même temps, les tensions entre le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah se sont exacerbées: le chef du CPL, Gebran Bassil, a reproché dimanche au dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le soutien apporté par son parti au chef du mouvement Marada, Sleiman Frangié, dans la course à la présidence.
M. Bassil a indiqué: «Nous choisirons le président par conviction. Personne ne pourra nous l'imposer et personne ne peut nous menacer de chaos.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.