BEYROUTH: L'Association des banques du Liban (ABL) a mis en garde contre «un plan visant à faire chuter le secteur bancaire, exécuté par un groupe ne comptant pas plus de 50 mercenaires».
L'association faisait référence à un groupe de manifestants ayant mis le feu à plusieurs banques du pays jeudi.
«Les fonds nécessaires au remboursement de vos dépôts ne se trouvent pas dans les banques, donc y pénétrer par la force, les détruire ou briser leur contenu ne vous sera d’aucune utilité. Vous finissez par vous nuire à vous-même et réduire les chances de recouvrer vos droits. Le temps est venu pour que vous réalisiez qui vous a retiré vos droits et sur qui vous devez diriger vos attaques et votre demandes de recouvrement», a écrit l’ABL dans un communiqué.
L'Association, qui mène actuellement une grève, s’est étonnée des réactions l’accusant de contribuer à la dépréciation de la monnaie locale.
«Si les banques ferment, elles sont accusées de dévaluer la monnaie locale; si elles ouvrent, elles sont accusées de jouer le jeu du marché.»
EN BREF
Les institutions économiques libanaises ont dénoncé les attaques contre le secteur bancaire, soulignant que chacun doit agir de manière rationnelle et responsable afin de surmonter les crises actuelles avec le moins de pertes possibles et préserver les droits des déposants.
«Les banques déposent l’argent de leurs clients auprès de la Banque du Liban, en accord avec les circulaires de la BDL et avec les principes du secteur bancaire. Ces fonds ont été utilisés pour soutenir le taux de change et financer l'État, qui n'a ensuite pas réussi à les restituer. Certaines parties ont entrepris de décharger l'État de ses obligations et, du fait de ces transactions, les banques ont perdu tout leur argent privé, qui s'élevait à plus de 24 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,93 euro). Pourtant, les banques sont accusées d'avoir saisi les dépôts et de les avoir prêtés à la BDL par cupidité», s’est indignée l’ABL.
L'association a accusé l'État d'avoir dépensé plus de 20 milliards de dollars depuis 2019 pour soutenir la contrebande — en subventionnant les marchandises acheminées illégalement en Syrie — et pour maintenir un taux de change de 1 500 livres libanaises pour un dollar.
«Les banques avaient prêté plus de 55 milliards de dollars de dépôts et s'efforcent de les récupérer afin de les restituer aux déposants. La plupart des décisions judiciaires les obligent donc à recouvrer ces dettes sur la base du taux de change officiel avant l'effondrement — soit 1 507 livres libanaises pour un dollar, ou, au mieux, selon une traite bancaire tirée sur la BDL, égale à moins de 15% de la valeur du prêt obtenu. Comment les banques peuvent-elles donc maintenant restituer les dépôts à leurs clients ?» a poursuivi l’Association.
Un observateur économique s’est dit inquiet que les banques ne soient entraînées dans une grève ouverte, menant à une fermeture complète, suite aux attaques de différentes agences, les mettant ainsi en confrontation directe avec les citoyens.
Le Hezbollah déploie son aile
Le Hezbollah a annoncé l'ouverture d'une nouvelle succursale de son association Al-Qard al-Hasan, qui fait l'objet de sanctions américaines, dans le quartier de Souk al-Gharb Aley. Il s’agit d’une zone à prédominance druze et chrétienne où le parti était jusqu’ici très peu implanté.
L’association d’Al-Qard al-Hasan est qualifiée de branche financière du Hezbollah. L’ouverture d’une nouvelle filiale témoigne de la croissance des institutions financières du mouvement, au détriment de celles de l’Etat, qui sont quant à elle en passe de s’effondrer.
Selon un observateur économique qui a souhaité garder l’anonymat, Al-Qard al-Hasan semble avoir profité du déclin des banques et de leur incapacité à accorder des prêts.
«Cette association prête de l'argent et conserve les hypothèques jusqu'à ce qu'elle perçoive le montant et dans le cas où le client ne rembourse pas le prêt, elle vend l'or ou l'immobilier», a-t-il précisé.
Les fichiers d’Al-Qard al-Hasan ont été piratés il y a un an et certaines données ont été divulguées, notamment des informations sur les déposants et les emprunteurs. Les fuites ont montré que l'association possédait des dépôts s'élevant à environ 500 millions de dollars et avait accordé des prêts d'une valeur de 450 millions de dollars.
Al-Qard Al-Hasan n'est pas agréée par la BDL et ne peut être poursuivie ou tenue pour responsable par le pouvoir judiciaire au cas où un emprunteur rencontrerait des problèmes.
D’après l’ancien député Mostafa Allouch qui s’est adressé à Arab News, «avec l’ouverture de cette nouvelle branche, le Hezbollah essaye de donner l'impression qu'il n'est pas sectaire et qu'il est au service de tous. En réalité, le parti ne tire pas de profits de cette association, comme il le fait avec la contrebande transfrontalière, le commerce de captagon et de l'effondrement de l'État.»
«L'État a les mains liées; ce qui reste de l'État est incapable de prendre des décisions si la Constitution n'est pas appliquée et si les réformes sur lesquelles le Liban s'est engagé ne sont pas mises en œuvre», a-t-il ajouté.
Allouch a soutenu que les banques pourraient profiter des émeutes et les utiliser comme prétexte pour faire pression sur l'État afin de ne pas être les seules responsables de la perte des économies des déposants, tout en devenant «complices» de l'État et de la BDL.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com