L'aide aux zones rebelles de Syrie, un casse-tête logistique et politique

Un agent inspecte la cargaison d'un camion parmi un convoi transportant des kits de tentes et d'abris fournis par les Nations Unies au poste frontière syrien de Bab al-Hawa avec la Turquie, dans la province d'Idlib, le 12 février 2023 (Photo, AFP).
Un agent inspecte la cargaison d'un camion parmi un convoi transportant des kits de tentes et d'abris fournis par les Nations Unies au poste frontière syrien de Bab al-Hawa avec la Turquie, dans la province d'Idlib, le 12 février 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 21 février 2023

L'aide aux zones rebelles de Syrie, un casse-tête logistique et politique

  • L'aide internationale arrive toujours au compte-gouttes dans les régions sinistrées du nord-ouest de la Syrie
  • Même si Damas ne contrôle pas les points de passage, l'ONU a besoin de son approbation pour faire entrer l'aide dans le nord-ouest de la Syrie

BEYROUTH: Deux semaines après le séisme meurtrier, l'aide internationale arrive toujours au compte-gouttes dans les régions sinistrées du nord-ouest de la Syrie, en raison de multiples obstacles logistiques et politiques.

Les militants locaux et les ONG dénoncent la lenteur de l'arrivée de l'aide dans cette région où vivent plus de quatre millions de personnes, dont 90% dépendent de l'aide pour survivre.

Le séisme du 6 février a fait plus de 44 000 morts en Turquie et en Syrie, dont plus de 3 600 dans les zones gouvernementales et rebelles dans ce dernier pays.

Comment l'aide arrive-t-elle?

La quasi-totalité de l'aide humanitaire est acheminée de Turquie par Bab al-Hawa. C'est l'unique point de passage pour lequel l'ONU n'a pas besoin d'une autorisation du régime syrien car il est garanti par une résolution du Conseil de sécurité.

L'accès à ce passage a été brièvement endommagé après le séisme, et le premier convoi n'est entré dans le nord-ouest syrien que le 9 février.

En outre, le personnel devant acheminer ces secours a lui-même été affecté par le séisme.

Ce retard et les maigres secours ont provoqué la colère des ONG locales. Les Casques blancs, les secouristes qui opèrent en zones rebelles, ont estimé que l'ONU avait commis "un crime contre le peuple syrien".

Alors que les avions chargés d'aide humanitaire affrétés par différents pays se succèdent à Damas, l'ONU a indiqué avoir envoyé au total depuis le séisme près de 200 camions d'aide au nord-ouest de la Syrie.

A titre de comparaison, la moyenne hebdomadaire était de 145 camions l'an dernier, selon Médecins sans frontières.

Une semaine après le séisme, l'ONU avait indiqué avoir obtenu l'accord de Damas pour rouvrir pour trois mois deux autres points de passage entre la Turquie et le nord-ouest de la Syrie, Bab al-Salama et Al-Rai.

Justement, lundi, "dix camions transportant des abris et autres bien matériels de l'Organisation internationale pour les Migrations (IOM) a traversé la frontière à Al-Rai vers Alep dans le nord", a annoncé le porte-parole du chef de l'ONU Antonio Guterres, Stéphane Dujarric.

"C'est le premier convoi de l'ONU via cette frontière depuis que le gouvernement syrien a accepté qu'on l'utilise pour de l'aide, ce qui porte à trois le nombre de points de passage pour les Nations unies", s'est-il félicité lors d'un point de presse au siège à New York.

Qu'en est-il des ONG?

Les ONG ont le choix entre Bab al-Hawa et d'autres points de passage car elles ne sont pas soumises au mécanisme d'aide transfrontalier de l'ONU.

Dimanche, un convoi de 14 camions d'aide de MSF a ainsi emprunté le passage d'Al-Hammam avec la Turquie pour acheminer de l'aide au nord-ouest de la Syrie.

Ces ONG ont recours à des partenaires locaux pour distribuer l'aide, comme l'explique Racha Nasreddine, directrice régionale d'Action Aid.

Qui contrôle le nord-ouest?

Le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) contrôle plus de la moitié de la province d'Idleb, dernier grand bastion rebelle en Syrie.

L'ex-branche syrienne du réseau Al-Qaïda est considérée comme une organisation "terroriste" par Washington.

Le groupe, qui a annoncé sa rupture avec Al-Qaïda en 2016 et cherche à polir son image auprès de la communauté internationale, contrôle le point de passage de Bab al-Hawa.

Il a mis en place un "gouvernement" pour administrer cette zone où vivent plus de trois millions de personnes, pour la plupart des déplacés d'autres régions de Syrie fuyant l'avancée des troupes du régime de Damas.

Une trentaine de factions syriennes proturques se partagent pour leur part le contrôle d'une zone frontalière plus à l'est, qui s'étend de Jarablus à Afrine.

Environ 1,1 million de personnes y vivent et subissent les exactions dont sont accusés ces groupes, parmi lesquelles des arrestations arbitraires et la confiscation de terres et de biens.

Ces zones sont administrées par des conseils locaux relevant des gouvernorats turcs voisins.

Quelles entraves?

Même si Damas ne contrôle pas les points de passage, l'ONU a besoin de son approbation pour faire entrer l'aide dans le nord-ouest de la Syrie.

Damas et son allié Moscou se sont longtemps opposés au mécanisme transfrontalier créé en 2014 par une résolution du Conseil de sécurité pour faire entrer l'aide dans le nord-ouest syrien, arguant d'une violation de souveraineté.

Sous pression de la Russie et de la Chine, le nombre de points de passage a alors été réduit de quatre à un, celui de Bab al-Hawa.

Par ailleurs, Moscou, allié de Damas, fait pression pour que l'aide soit acheminée à partir du territoire sous contrôle du régime syrien.

Mais les ONG affirment ne pas vouloir être tributaires du bon vouloir du régime.

Damas a annoncé le 10 février accepter que l'aide internationale destinée aux zones rebelles soit acheminée à partir des zones sous son contrôle.

Mais le chef de HTS, Abou Mohammad al-Jolani, a refusé que l'aide arrive depuis les territoires contrôlés par le régime syrien.

Pour leur part, les factions proturques ont refoulé un convoi d'aide envoyé par l'administration autonome kurde, qui contrôle les territoires plus à l'est.


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.