RAMALLAH: Le massacre de civils palestiniens par Israël et la campagne de démolition de maisons ont créé une situation «très dangereuse» en Cisjordanie, déclare Nabil Abu Rudeineh, porte-parole de la présidence palestinienne, dans un entretien accordé à Arab News.
«Nous sommes confrontés à un gouvernement israélien d’un extrémisme sans précédent. La politique menée par Israël équivaut à une guerre contre le peuple palestinien», affirme-t-il.
«Les massacres quotidiens ont augmenté la tension en Palestine alors que les relations politiques avec Israël sont inexistantes et que la coordination sécuritaire a pris fin.»
M. Abu Rudeineh ajoute: «Nous exigeons la fin de toutes les mesures unilatérales et toutes nos options seront ouvertes, y compris le fait de nous tourner vers le Conseil de sécurité de l’ONU, la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.»
Il déclare qu’Israël confisque 300 000 dollars (1 dollar 0,93 euro) de fonds palestiniens chaque mois, ce qui fait que l’Autorité palestinienne (AP) se trouve dans l’incapacité de payer l’intégralité des salaires de ses employés.
Le 3 février, Israël, qui perçoit des impôts au nom de l’Autorité palestinienne, a annoncé qu’il utiliserait 100 millions de shekels (29 millions de dollars) de fonds de l’AP pour indemniser les victimes des attaques palestiniennes.
Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a signé l’ordre, affirmant que les fonds seraient en principe transférés par l’AP aux familles des prisonniers et des combattants de la résistance.
Le montant à déduire est le double du chiffre habituel confisqué mensuellement – 14,7 millions de dollars. C’est le premier geste de ce genre de la part du ministre depuis sa prise de fonction.
M. Abu Rudeineh décrit Israël comme «un État hors la loi qui défie les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et considère les colonies israéliennes comme illégales, y compris à Jérusalem-Est». Israël continue ses constructions à Jérusalem-Est et en Cisjordanie malgré le caractère illégal, précise-t-il, ajoutant que ce pays est devenu une «menace existentielle pour l’Autorité palestinienne puisque son gouvernement perturbe la sécurité et la stabilité sur les scènes palestinienne et arabe».
«Nous sommes face à une administration américaine incapable d’imposer publiquement ce qu’elle déclare. Le dernier discours en date est celui du secrétaire d’État, Antony Blinken, qui parle de la solution à deux États, soutenant que toutes les administrations américaines démocrates et républicaines s’opposent aux colonies, mais qu’elles ne font rien pour empêcher les Israéliens de porter atteinte aux Palestiniens, à leur terre et à leurs Lieux saints», explique-t-il.
«Dans nos contacts avec les Américains, nous avons été très clairs. À moins qu’Israël ne stoppe ses mesures unilatérales, nous sommes obligés de prendre des décisions. La première d’entre elles est de mettre fin à la coordination en matière de sécurité.»
Il ajoute que les États-Unis ont publié des déclarations qui semblaient favorables à la Palestine, mais qui devaient être mises en pratique. «Lorsque le président Joe Biden a visité Bethléem, il a déclaré qu’il était contre les mesures unilatérales, contre l’expansion des colonies et pour la solution à deux États. Malgré cela, Israël poursuit son expansion des colonies, légitimant les colonies et les mesures unilatérales.»
L’administration américaine doit forcer Israël à se conformer au droit international, souligne-t-il. Les déclarations «n’effraient pas Israël et ne le découragent pas», précise-t-il.
«Nous entendons constamment des voix qui soutiennent qu’elles veulent renforcer l’AP, mais elles renforcent Israël et le Hamas plus que l’AP en contribuant à l’acheminement d’argent vers Gaza.»
Les responsables palestiniens qui sont en contact avec le gouvernement américain se sont concentrés sur deux questions, les mesures unilatérales et les accords signés, explique M. Abu Rudeineh, qui indique que ces deux préoccupations pourraient être soulevées au Conseil de sécurité de l’ONU si aucun progrès n’était réalisé.
«Tous les efforts américains visent à nous apaiser. Les Américains doivent savoir que nous ne sommes pas à l’origine de l’escalade. On sait très bien qui tue, construit des colonies et prend d’assaut l’enceinte d’Al-Aqsa.»
«Arrêtez ces actions et la situation se calmera. Malheureusement, l’administration américaine nous dit ce que nous voulons entendre, mais elle ne contraint pas Israël à appliquer ses paroles. Par conséquent, l’escalade a lieu parce qu’Israël démolit des maisons à Jérusalem et tue des Palestiniens.»
Les États-Unis sont «tenus de contraindre Israël à exécuter leurs ordres», indique M. Abu Rudeineh. «Toutefois, ce qui compte pour les États-Unis, c’est la garantie de la sécurité d’Israël, le fait de ne pas entrer en conflit avec les communautés juives des États-Unis et la situation à l’échelle du pays. Ce sont les considérations qui régissent la politique étrangère américaine.»
Le meurtre de Palestiniens, les démolitions de maisons et la prise d’assaut de la mosquée Al-Aqsa «provoquent la tension sécuritaire actuelle et elle se poursuivra avant, pendant et après le ramadan. Les Américains veulent le calme pour préserver la sécurité d’Israël et non comme prélude à la reprise d’un processus politique entre Palestiniens et Israéliens».
Le porte-parole décrit en ces termes les craintes des dirigeants palestiniens: «La seule préoccupation est l’occupation israélienne et l’indifférence des Américains. Cependant, il semblerait que les États-Unis soient préoccupés par la poursuite de l’instabilité au Moyen-Orient parce que ce dont le pays se soucie, c’est la sécurité d’Israël et du pétrole arabe.»
«Le principal problème est le vol des fonds de l’AP et la suspension des fonds des pays donateurs. Plus de 2 milliards de dollars ont été détournés par Israël. Les États-Unis peuvent forcer Israël à restituer notre argent volé si l’heure est grave», affirme-t-il.
«Les États-Unis sont tenus de respecter la légitimité internationale. Est-il inimaginable que tous les présidents américains – Joe Biden étant le dernier en date – se soient rendus à Ramallah et dans les territoires palestiniens alors que l’Organisation de libération de la Palestine [OLP] continue d’être répertoriée comme terroriste?»
«L’administration américaine doit reconsidérer ses relations avec l’OLP et le peuple palestinien. Elle ne peut pas ouvrir un consulat à Jérusalem-Est et fermer le bureau de l’OLP à Washington. L’administration américaine se contredit elle-même et contredit la légitimité internationale», soutient M. Abu Rudeineh.
Il ajoute que les États-Unis ont mis fin à leur soutien financier à l’AP dans le but de mettre un terme à son influence à Jérusalem, «mais ils ne trouveront pas un seul Palestinien qui accepte de renoncer à Jérusalem. Jérusalem n’est pas à vendre, et l’administration américaine devrait revoir ses comptes».
Au sujet de la possibilité d’une troisième Intifada en Cisjordanie, M. Abu Rudeineh déclare: «Le problème n’est pas la troisième Intifada. Il y a plutôt des attaques israéliennes et des réactions palestiniennes. Ce que nous voyons est une réaction aux crimes quotidiens perpétrés par Israël.»
«L’AP tient à la sécurité, à la stabilité et à la protection des citoyens palestiniens. Nous ne sommes pas des protecteurs d’Israël et nous ne le serons jamais.»
Il salue la position politique de l’Arabie saoudite, insistant sur «son soutien inconditionnel à la cause palestinienne, en particulier son adhésion à l’Initiative de paix arabe, qui est la meilleure initiative des cent dernières années pour soutenir la cause palestinienne».
Il salue les condamnations continues par l’Arabie saoudite des agressions israéliennes et la position du Royaume sur Jérusalem, «qui est tout à fait claire».
«Nous tenons à nos liens avec l’Arabie saoudite et à la mise en œuvre des décisions prises lors des sommets arabes, notamment l’Initiative de paix arabe», précise Abu Rudeineh.
«Nous sommes contre la normalisation des relations de certains pays arabes avec Israël, puisqu’elle contredit l’Initiative de paix arabe, proposée et adoptée par l’Arabie saoudite.»
À propos de l’avenir de la Palestine, il déclare: «Nous ne cherchons pas à créer des problèmes pour qui que ce soit, mais l’occupation est celle qui s’impose à la Palestine et à toute la région à travers toutes ces mesures.»
«Résoudre la question palestinienne permettra de restaurer la sécurité et la stabilité dans la région. Sans cela, tout sera réduit en cendres. Le point le plus important de la question palestinienne est le statut de Jérusalem avec ses valeurs historiques, nationales et religieuses.»
Il affirme: «Arrêter la coordination en matière de sécurité est la première mesure – et la plus faible – de l’AP et, tant que les atrocités israéliennes se poursuivront, nous continuerons ces initiatives. Des mesures plus strictes et dangereuses suivront, parmi lesquelles le fait d’exiger des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU pour délégitimer Israël.»
«Notre bataille politique et juridique continuera tant qu’Israël continuera d’appliquer ses mesures unilatérales. Si le pays y met fin, nous serons heureux de revoir toutes nos démarches.»
«Néanmoins, si les mesures unilatérales se poursuivent, nous mettrons en œuvre les décisions des dirigeants palestiniens au sujet de la coordination en matière de la sécurité en nous tournant vers la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale. Des instructions ont été données à notre représentant à l’ONU pour développer certaines perceptions politiques.»
Abu Rudeineh poursuit en ces termes: «Nous faisons face à des pressions américaines pour ne pas aller de l’avant parce que les États-Unis veulent que nous gardions le silence en échange de rien.»
«Ils nous disent qu’ils sont opposés à nos démarches devant les tribunaux internationaux et le Conseil de sécurité de l’ONU en nous demandant de rester calmes et de ne pas aggraver la situation.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com