BEYROUTH: La fête des amoureux s’est imposée, au fil du temps, comme une célébration majeure dans le calendrier libanais.
Alors, en dépit de la morosité qui prévaut au Liban en raison de l’effondrement total du pays, le secteur de l'hôtellerie tente sans cesse d’attirer les couples pour célébrer cette fête. Et les Libanais se laissent séduire, à la grande joie des professionnels.
«Désolé, on est complet ce soir»: cette phrase se répète bien souvent dans les restaurants qui proposent des formules spéciales. Et, même en période de crise, pour cette occasion, les Libanais ferment l'œil sur la dépense: ces formules peuvent varier de 80 à 250 dollars par couple (1 dollar = 0,93 euro).
D’autres restaurants n'acceptent tout simplement pas les réservations. C’est le cas du Relais de l'Entrecôte, qui, de tout temps, favorise un accès équitable à tous ses clients. Le «First come, first served» («Premier venu, premier servi», NDLR) n'empêche pas l’arrivée des clients, qui aiment garder une touche de spontanéité.
Pendant cette journée, les Libanais semblent bien décidés à mettre de côté leurs soucis pour célébrer l'amour comme il se doit.
Chez le numéro un du marché de la floriculture, Exotica a conservé son activité ce jour-là. «Ce 14 février, la demande n’a quasiment pas changé par rapport aux années précédentes; les clients sont restés fidèles à leurs habitudes», affirme Pierre Achkar, le gestionnaire de vente au détail d’Exotica, à Arab News en français. «Malgré la crise, les gens veulent quand même exprimer leurs émotions à leurs partenaires», explique-t-il.
Le prix du bouquet de roses rouges est de 36 dollars. La tradition veut qu’on en offre douze, ce qui revient à 2 520 000 de livres libanaises. Avant la crise, le salaire minimum correspondait à 450 dollars. Il est aujourd’hui de 37 dollars, c’est-à-dire à peu près le prix d’un bouquet de roses.
Cette année encore, les pâtisseries proposent des gâteaux en forme de cœur. «Les fleurs, c'est bien, mais les gâteaux, c'est encore mieux»: Walid a opté cette année pour un dessert de chez Paul à partager en deux.
Dans le deuxième pays le plus triste du monde, selon le World Happiness Report, «il faut toujours trouver une raison pour célébrer une nouvelle occasion; sinon, on perd l’art de vivre», ajoute cet homme de 28 ans.
Autrefois, il était impossible de ne pas tomber sur les vitrines remplies de ballons «I love you» et de nounours décorés de cœurs rouge passion pour la Saint-Valentin. Aujourd’hui, les rues de Beyrouth sont désertes: magasins vides, rues peu ou pas éclairées et restaurants trop chers. Rien n’annonce ce jour de fête.
Si cette célébration commerciale et occidentale est clairement enracinée dans le pays au sein de chaque communauté, elle perd son charme au fil du temps.
De fait, la crise économique qui plane sur le Liban ternit l'ambiance festive. Une situation que Randa, comme de nombreux Libanais, trouve absurde. «Les temps sont très durs en ce moment. Il devient de plus en plus compliqué de subvenir à ses besoins de base», confie-t-elle. Indifférente aux clichés, elle préfère faire des économies que de mettre «un sou dans des fêtes commerciales».