ANKARA: Neval Akgol a été réveillée à l’aube lundi par un violent tremblement de terre. Sa mère et son père se sont précipités dans sa chambre, et ils ont immédiatement quitté leur appartement.
Mais alors qu'ils évacuaient le bâtiment par les escaliers, un lourd réservoir d'eau est tombé sur Neval et son père.
Ce dernier s'est fracturé le bras et Neval a été grièvement blessé à la tête.
Sa mère est restée coincée sous les décombres du bâtiment, qui s'est complètement effondré. Ils ont été secourus plusieurs heures plus tard.
Neval a réussi à sortir du bâtiment et a été transportée par des voisins vers un hôpital voisin. Ces derniers l'ont confiée à un ambulancier qu'ils ont croisé en chemin, estimant que c'était la meilleure solution, et lui ont donné son nom et ses coordonnées.
La famille Akgol n'a depuis plus reçu de nouvelles de sa fille unique.
«Les gens se moquent de notre douleur. Ils nous envoient de fausses informations sur la localisation de Neval. Cela nous vide de notre énergie et détruit nos espoirs», a déclaré Emre, le cousin de Neval, à Arab News.
Depuis que les séismes ont frappé la Turquie la semaine dernière, environ 225 enfants ont été portés disparus: 42 ont été retrouvés et 69 sont morts à l'hôpital.
Comme de nombreuses familles sont restées coincées sous les décombres et séparées pendant des jours, certains parents ont perdu le contact avec leurs enfants, si ces derniers ont été sauvés avant eux.
Certains enfants sont incapables de communiquer avec les autorités en raison du traumatisme subi, alors que d'autres sont des bébés, sans aucune information d'identité sur leurs vêtements ni possibilité de communiquer.
Les réseaux sociaux en Turquie sont inondés de messages émouvants montrant des photos d'enfants disparus, donnant des détails sur le lieu où ils ont été secourus et vus pour la dernière fois.
Après plusieurs jours de recherche auprès des autorités et par le biais des réseaux sociaux, un avocat de Hatay a retrouvé son nourrisson, Suleyman, secouru par un autre citoyen qui avait trouvé le bébé dans les décombres d'un immeuble.
En temps normal, un travailleur social s'occupe de chaque enfant hospitalisé ou trouvé dans les décombres, et se charge d'apposer sur son lit une étiquette indiquant son nom, les coordonnées de sa famille et des informations sur la localisation des secours.
Mais, comme de nombreux fonctionnaires ont également été pris au piège pendant le séisme, le chaos et le désordre règnent dans les différentes administrations de la région.
Par ailleurs, la situation de certains enfants réfugiés syriens, principalement à Hatay, est également inquiétante.
Les familles fouillent les hôpitaux et les morgues de la zone touchée par le séisme à la recherche de leurs enfants disparus. Ces recherches se sont compliquées car des enfants non accompagnés ont été évacués vers des dizaines de villes en dehors de la zone du séisme pour être mis en sécurité, notamment à Istanbul, Ankara, Kayseri, Samsun et Zonguldak.
Vendredi, l'agence turque pour la science et la recherche Tubitak a mis au point un nouveau programme, baptisé Bilen Goz, qui permet de comparer les photos des enfants disparus avec celles des enfants retrouvés dans différents hôpitaux du pays.
Le système contient des informations sur les lieux où les enfants ont été secourus, leurs photos et des détails sur leur famille, et n'est accessible que pour les fonctionnaires du gouvernement et la police.
Les personnes qui contactent les autorités à la recherche d'enfants disparus devront prouver leur lien avec l'enfant en question.
Après le séisme meurtrier de 1999 qui a frappé le nord-ouest de la Turquie et fait environ 18 000 morts, plusieurs enfants ont disparu et n'ont toujours pas été retrouvés.
Certains d'entre eux auraient été emmenés hors de la zone sinistrée par de fausses ambulances, les histoires abondant sur l'implication de réseaux d'adoption internationaux, de trafiquants d'enfants et même du commerce illicite d'organes.
Il n'y a actuellement aucune information sur les enfants décédés enterrés sans identification ni prélèvement d'ADN. Les données relatives à la répartition des enfants non identifiés et non accompagnés dans les hôpitaux du pays ne sont pas non plus rendues publiques.
Depuis le séisme de magnitude 7,8 survenu lundi dernier, 36 217 personnes ont été déclarées mortes, dont environ 31 643 en Turquie.
Hatice Kapusuz, de l'équipe de coordination civile des enfants victimes de catastrophes en Turquie, a déclaré que la mise en place d'un système centralisé, tel que celui utilisé pour réunir les familles avec plus de 5 000 enfants perdus à la suite de l'ouragan Katrina aux États-Unis en 2005, était primordiale pour la Turquie.
«Toutes les données recueillies dans les hôpitaux des différentes villes devraient être compilées dans une base de données commune et des travailleurs sociaux et des infirmières devraient être chargés de gérer les canaux de communication entre les familles et les enfants», a-t-elle indiqué à Arab News.
«Mais aujourd'hui, les familles doivent se déplacer dans toutes les villes et dans tous les hôpitaux, y compris les morgues et les unités de soins intensifs, pour retrouver leurs petits parce qu'elles ne peuvent accéder à aucune base de données centralisée», a expliqué Mme Kapusuz.
Vu l'urgence de la question, un poste de consultant national à court terme a été ouvert par l'Unicef pour l'analyse de la situation des enfants disparus en Turquie.
Dans le même temps, plusieurs équipes internationales de recherche et de sauvetage, notamment d'Europe et d'Israël, ont commencé à quitter la Turquie, bien qu'environ 4 500 opérations de recherche et de sauvetage, impliquant près de 34 700 personnes, se poursuivent dans la zone sinistrée.
Un septième avion de secours saoudien est arrivé en fin de semaine dernière pour venir en aide aux victimes dans la région, transportant de l'aide médicale et des équipements d'une valeur de plus de 9,6 millions de dollars.
Le Royaume a également envoyé plusieurs équipes de secours la semaine dernière.
L'aéroport de Hatay – un canal clé pour les livraisons d'aide et les évacuations – a rouvert après la réparation des dégâts.
À l'issue d'un appel téléphonique avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'est engagée à fournir une aide supplémentaire à la Turquie, notamment des radiateurs, des couvertures et des tentes.
Une conférence des donateurs sera également organisée en mars à Bruxelles afin de mobiliser des fonds internationaux.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com