CASABLANCA: Le temps d’un café littéraire, Nesrine Slaoui a fait escale à Casablanca pour présenter son second ouvrage, Seule. Ce roman inspiré de faits réels met en lumière différentes problématiques de société. L’écrivaine et journaliste franco-marocaine raconte les maux dont souffre une partie de la population en France à travers le portrait croisé de ses protagonistes, Anissa et Nora.
Existences tourmentées
Nora, une trentenaire d’origine maghrébine, a du mal à trouver sa place dans sa vie personnelle et professionnelle. Ce personnage qui se trouve confronté à l’inégalité des chances, au sexisme, au racisme et à l’exclusion permet à l’autrice de dénoncer les discriminations subies par de nombreuses femmes issues de l’immigration.
Nesrine Slaoui souligne également le fossé qui se creuse chaque jour davantage entre différentes franges de la population.
«Je me suis inspirée de témoignages qu'on m'a rapportés et d'expériences que j'ai vécues et j’en ai fait un récit fictif, ce qui est avant tout une manière de respecter les familles, parce que l’histoire est inspirée de l'histoire d’Alisha, une adolescente tuée à Argenteuil en 2021. Je ne peux pas me prétendre omnisciente et dire que je vais parler au nom de quelqu'un d'autre», confie Nesrine Slaoui à Arab News en français.
Pour comprendre les circonstances du drame, Nesrine s’est rendue à Argenteuil pour mener son enquête. Par la suite, elle a donné vie au personnage fictif d’Anissa. Persécutée au quotidien sur les réseaux sociaux ainsi qu’à l’école, cette collégienne introvertie et tourmentée peine à exprimer son mal-être.
«En permanence, des adolescent(e)s meurent à cause du harcèlement. Quand j'étais plus jeune, j’ai été victime de harcèlement scolaire au lycée et, plus tard, à Sciences Po. Cela s'arrêtait au moment où je quittais la classe; j'avais donc un moment d'apaisement quand j'étais à l'extérieur de l'école. Aujourd’hui, ça ne se passe plus comme ça: avec Internet, ils sont harcelés en permanence, ils n’ont jamais de répit! Comme il y a très peu d'éducation aux médias, les adultes n'ont pas conscience de ce qui peut se passer pour leurs enfants», raconte avec émotion l’écrivaine.
Identités plurielles
Nesrine Slaoui est âgée de 3 ans lorsqu’elle quitte son pays natal pour la France. Aujourd’hui, son lien avec le Maroc est indéfectible. D’ailleurs, dans son premier livre, Illégitime, elle retrace son parcours et celui de ses aînés. Dans ce deuxième ouvrage, qui n’est pourtant pas autobiographique, elle choisit de raconter l’histoire d’une famille marocaine arrivée dans l’Hexagone dans les années 1970. L’écrivaine, native de Fès, avait à cœur de présenter son récit dans son pays d’origine.
«C'est très important. Cela fait partie de la personne que je suis. Je suis issue d'un milieu très populaire. Ma mère voulait que je fasse de grandes études. Elle savait malheureusement que, au Maroc, elle n’aurait jamais eu les moyens de m’offrir ce cursus scolaire. Elle a espéré que cela se passerait autrement en France. Mon histoire est vraiment liée à ces deux pays. Je pense que tous les immigrés et enfants d'immigrés ont du mal à trouver leur place.»
Une femme engagée
Au quotidien, Nesrine suit avec attention les questions relatives au féminisme et à la justice sociale. À Casablanca, elle a d’ailleurs tenu à aller à la rencontre des pensionnaires et membres de l’association Solidarité féminine.
«Je me considère comme féministe depuis longtemps. Ma mère me racontait souvent l'histoire de Malika el-Fassi, qui s’est battue pour permettre aux jeunes filles d’avoir accès à l’éducation à l’université Al-Qaraouiyine. Je sais que je porte moi aussi cette histoire-là du féminisme.»
À sa manière, Nesrine Slaoui poursuit son combat. Seule a d’ailleurs été qualifié d’ouvrage «d’utilité publique» par ses premiers lecteurs. L’écrivaine engagée ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle travaille déjà à son prochain roman, dont le thème principal pourrait être le féminisme.