«Tempête à venir»: Révélation du plan d’action élargi des colons israéliens

Le gouvernement israélien prévoit des activités de colonisation sans précédent en Cisjordanie occupée (Photo, AFP).
Le gouvernement israélien prévoit des activités de colonisation sans précédent en Cisjordanie occupée (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 26 janvier 2023

«Tempête à venir»: Révélation du plan d’action élargi des colons israéliens

  • Un sondage montre une baisse continue du soutien à la solution à deux États parmi les Palestiniens et les Israéliens
  • Des milliers de colonies mises en attente au cours des deux dernières années et demie devraient être approuvées par le gouvernement

RAMALLAH: Le gouvernement israélien prévoit des activités de colonisation sans précédent en Cisjordanie, notamment la construction de 18 000 unités de logement dans les mois à venir, a révélé mercredi un journal israélien.
Cette décision, considérée comme une menace sérieuse pour les Palestiniens, a été décrite par le journal israélien Israel Today comme une «révolution dans la politique israélienne en Cisjordanie» et une «mini-annexion».
Dans le cadre du plan israélien «Un million de colons», l'approbation sera donnée à des milliers de colonies mises en attente au cours des deux dernières années et demie.
Le projet prévoit également la construction de 18 000 unités dans les mois à venir, ainsi que le transfert de centaines de milliers de colons en Cisjordanie, et l'enregistrement de centaines de milliers de Palestiniens dans les données officielles du gouvernement israélien.
Le ministère palestinien des Affaires étrangères a déclaré que le nouveau gouvernement israélien était engagé dans une course effrénée contre la montre pour imposer de nouvelles réalités sur le terrain, ce qui rendra les discussions sur une solution à deux États «irréalistes et irrationnelles».
Cela compromet également toute possibilité de création d'un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, et ferme définitivement la porte à tout effort international et régional visant à résoudre pacifiquement le conflit, a ajouté le ministère.
Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, a rencontré les dirigeants des colons et leur a parlé d'une campagne de démolition de maisons et d'installations palestiniennes dans toutes les zones classées C, selon les plans annoncés par le Premier ministre, Benjamin Netanyahou.
Le journal a affirmé que le nouveau gouvernement s'emploierait à légitimer les avant-postes de colonies, notamment Avitar et Homech, près de Naplouse, en modifiant la loi de «séparation/retrait» et en reliant ces sites aux infrastructures de base.
Les pouvoirs de l'administration civile israélienne seront transférés du ministère de la Défense à un autre ministère, facilitant les plans de construction de colonies et le pavage des nouvelles routes des colonies.
Le journal a comparé ce plan à «une tempête à venir», ajoutant qu'il prend place alors que les responsabilités sont coordonnées entre Gallant et le leader du Sionisme Religieux Bezalel Smotrich.
Par ailleurs, le porte-parole du Fatah, Jamal Nazzal, a condamné la prolongation par la Knesset israélienne des règlementations d'urgence qui imposent des lois israéliennes sur les colonies en Cisjordanie occupée, connues sous le nom de lois «d'apartheid», pour une période supplémentaire de cinq ans.
Nazzal a affirmé que cette mesure unilatérale menaçait directement les droits des Palestiniens. «L'approche du gouvernement israélien consistant à élargir la base de cette législation raciste antidémocratique menace les droits du peuple palestinien dans les territoires occupés par Israël.
«Israël cherche à exploiter la loi d'apartheid pour emprisonner les Palestiniens des territoires occupés à l'intérieur d'Israël. Cela constitue une violation du droit international, qui interdit à l'État occupant d'emprisonner les résidents.»
L'analyste politique palestinien Ghassan al-Khatib a affirmé à Arab News que le gouvernement israélien actuel représentait une plus grande menace pour les Palestiniens que les dirigeants précédents, en particulier dans la zone C et à Jérusalem-Est.
«La question d'Al-Aqsa et de Jérusalem aura un impact négatif sur les relations d'Israël avec les pays arabes. L'expansion des colonies dans la zone C aura des répercussions négatives sur les liens d'Israël avec l'UE et les États-Unis, qui veulent maintenir la possibilité d'une solution à deux États, tandis que les activités de colonisation israéliennes la mettent en danger», a indiqué Al-Khatib.
Par ailleurs, une enquête conjointe palestino-israélien a montré une baisse continue du soutien à la solution à deux États, tant chez les Palestiniens que chez les Israéliens.
Le sondage d'opinion palestino-israélien Pulse a été réalisé en décembre 2022 par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages à Ramallah, et le Programme international pour la médiation et la résolution des conflits de l'Université de Tel Aviv.
Il met en avant le fait que le soutien à la solution à deux États a considérablement chuté, passant de 43% en septembre 2020 à 33% chez les Palestiniens et 34% chez les Israéliens juifs.
Deux tiers des Palestiniens et 53% des Juifs israéliens s'opposent à cette solution. Le soutien reste inchangé parmi les Arabes israéliens, s'élevant à 60% contre 21% d'opposants, bien que ce pourcentage soit bien inférieur à ce qu'il était avant 2020.
Le soutien à la solution à deux États s'élève désormais parmi tous les Israéliens, Arabes et Juifs, à 39%. Ces taux d'approbation parmi les Palestiniens, les Juifs israéliens et tous les Israéliens sont les plus bas depuis le lancement de l’enquête en juin 2016 et les plus bas depuis le début du processus de paix d'Oslo au début des années 1990.
Les personnes interrogées ont réfléchi à l’idée d'une confédération entre deux États, Israël et la Palestine. Ils en ont présenté les principaux détails en cinq volets, notamment la liberté de mouvement, la nationalité et la résidence des réfugiés et des colons, Jérusalem et la formation d'autorités conjointes pour les affaires civiles.
Les résultats indiquent un niveau de soutien presque identique parmi les Palestiniens et les Juifs israéliens pour cette idée, soit 21% et 22% respectivement. Le pourcentage parmi les Arabes israéliens est de 59%. Les Gazaouis se sont avérés plus favorables à cette idée que les Palestiniens de Cisjordanie.
Le sondage a indiqué que la solution à un État avec des droits égaux reçoit le soutien de 20% des Juifs israéliens, 44% des Arabes israéliens et 23% des Palestiniens.
La solution à un État dans lequel Israël a le contrôle et les Palestiniens ne jouissent pas de droits égaux a le soutien de 37% des Juifs israéliens.
D'autre part, une solution dans laquelle la Palestine a le contrôle, mais la partie juive ne jouit pas de droits égaux aurait le soutien de 30% des Palestiniens et de 20% des Arabes israéliens.
La grande majorité des Juifs israéliens (84%) et 61% des Palestiniens estiment qu'ils n'ont pas de partenaire pour la paix dans l’autre camp. Par conséquent, les deux parties considèrent qu'il n'y a aucune chance de parvenir à un accord de paix. De plus, les résultats indiquent que seulement 17% des Palestiniens pensent que la plupart des Israéliens veulent la paix.
Le sondage montre que seulement 12% des Juifs israéliens pensent que la plupart des Palestiniens veulent la paix, contre 33% à la mi-2017, 35% à la mi-2018 et 19% en 2020.
Le plus grand pourcentage des deux côtés – 52% parmi les Juifs israéliens et 44% parmi les Palestiniens – pense que l'autre camp veut mener une guerre décisive ou recourir à la lutte armée.
De même, le plus grand pourcentage d'Israéliens juifs (82%) et de Palestiniens (75%) pensent que l'autre partie n'acceptera jamais son existence en tant qu'État indépendant.
La grande majorité des Palestiniens et des Juifs israéliens, 86% et 85%, respectivement, pensent qu'on ne peut pas faire confiance à l'autre côté, tandis que parmi les Arabes israéliens, 50% le pensent.
«Il est naturel que le soutien à la solution à deux États diminue et que la confiance diminue entre les peuples palestinien et israélien, avec l'existence d'une telle politique israélienne qui applique la politique des colonies et nie les droits des Palestiniens», a affirmé Al-Khatib.
Entre-temps, à la suite d'une rencontre entre Netanyahou et le roi Abdallah de Jordanie à Amman le 24 janvier, au cours de laquelle le dirigeant israélien s'est engagé à préserver le statu quo à la mosquée Al-Aqsa, Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale, a déclaré: «Je continuerai ma prise d'assaut d'Al-Aqsa à l'avenir, et personne n'a de souveraineté sur elle, sauf Israël.»
La Jordanie a demandé à Israël d'autoriser la construction d'un cinquième minaret sur le mur oriental de la mosquée pour renforcer sa tutelle sur Al-Aqsa et ses cours intérieures.
Cette demande constitue un défi pour Netanyahou, selon des experts israéliens.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Abbas appelle le Hamas à libérer les otages à Gaza, frappes israéliennes meurtrières

Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
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  • Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages"
  • "C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007

GAZA: Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres.

Rompant une trêve de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive sur le territoire palestinien, affirmant vouloir contraindre le mouvement islamiste à libérer les otages qu'il retient depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages".

"C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Après plus de 18 mois de guerre, l'ONU a fait état de cas de "malnutrition aiguë sévère" parmi les 2,4 millions d'habitants du territoire, dont la plupart ont été déplacés par les combats.

Selon un responsable du mouvement, une délégation du Hamas se trouve actuellement au Caire pour discuter avec les médiateurs de "nouvelles idées" visant à rétablir un cessez-le-feu.

"Vivre comme les autres" 

Mercredi, la frappe israélienne la plus meurtrière a détruit une école qui abritait des déplacés dans la ville de Gaza, dans le nord, faisant onze morts et 17 blessés, "y compris des femmes et des enfants", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile palestinienne, Mahmoud Bassal.

"Le bombardement a provoqué un incendie massif dans le bâtiment et plusieurs corps calcinés ont été retrouvés", a-t-il dit.

Au total, 25 personnes ont été tuées dans les frappes qui ont visé plusieurs secteurs du nord de Gaza ainsi que Khan Younès, dans le sud, selon la Défense civile.

"Nous avons reçu des appels de détresse signalant plusieurs personnes disparues sous les décombres dans différentes zones de la bande de Gaza ", a affirmé Mahmoud Bassal.

Plusieurs corps enveloppés dans des linceuls blancs ont été transportés à l'hôpital al-Chifa, où se recueillaient des femmes éplorées.

"Nous ne voulons rien d'autre que la fin de la guerre pour pouvoir vivre comme le font les gens dans le reste du monde", s'exclamait Walid Al Najjar, un habitant de Khan Younès.

Selon Mahmoud Bassal, les secouristes manquent "des outils et équipements nécessaires pour les opérations de sauvetage et pour récupérer les corps".

L'armée israélienne n'a pas commenté dans l'immédiat.

Mardi, elle avait dit avoir détruit environ "40 engins du génie utilisés à des fins terroristes, y compris lors du massacre du 7 octobre".

Elle affirme que le Hamas utilise ces engins "pour poser des explosifs, creuser des tunnels souterrains, percer des clôtures de sécurité et dégager les gravats pour retrouver des armes et du matériel militaire".

Mesure "intolérable" 

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 1.928 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51.305 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l'offensive de représailles israélienne.

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

La situation est aggravée par le blocage de l'aide humanitaire imposé par Israël depuis le 2 mars.

Les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont conjointement exhorté mercredi Israël à cesser ce blocage, y voyant une mesure "intolérable" qui expose les civils à "la famine, des épidémies et la mort".

"Plusieurs personnes souffrant de malnutrition aiguë sévère à Gaza ont été admises à l'hôpital cette semaine", a indiqué mardi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ajoutant que ces cas étaient "en augmentation".

"Malgré des approvisionnements extrêmement faibles, environ 180 cuisines communautaires continuent de fonctionner chaque jour. Cependant, beaucoup d'entre elles sont sur le point de fermer car les stocks s'épuisent", a-t-il prévenu.

 


Turquie: puissant séisme de magnitude 6,2 au large d'Istanbul

Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
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  • Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara
  • Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique

ISTANBUL: Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques.

Selon l'Agence nationale de la gestion des catastrophes AFAD et le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, "un séisme de 6,2 s'est produit au large de Silivri, en mer de Marmara" peu avant 13H00 (10H00 GMT).

Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara.

Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique, ont constaté les journalistes de l'AFP.

"J'ai senti la secousse je me suis jeté dehors" confie un peintre, rencontré près de la Tour de Galata après avoir dévalé ses quatre étages.

Les autorités n'ont pas fait état de victimes ni de dégâts.

Le président Recep Tayyip Erdogan a indiqué "suivre les développements de près".

"Tous nos services d'urgence sont en état d'alerte. Aucun bâtiment ne s'est effondré selon les informations dont nous  disposons à ce stade. Nous poursuivons les recherches", a indiqué le gouvernorat d'Istanbul qui appelle "les citoyens à ne pas s'approcher de bâtiments endommagés".

La municipalité indique elle aussi suivre la situation, précisant qu'"aucun cas grave n'a été sigalé jusqu'à présent".

La hantise du "Big one" 

Outre le séisme principal, l'AFAD précise avoir enregistré trois autres secousses de magnitude 3.9 à 4.9 dans la même zone.

La Turquie est traversée par deux failles qui ont causé de nombreux drames par le passé.

Istanbul vit dans la hantise du "Big one": elle est située à 20 km de la faille nord-anatolienne et les plus pessimistes des experts prévoient un séime de magnitude 7 au moins d'ici à 2030, qui provoquerait l'effondrement partiel ou total de centaines de milliers d'édifices.

Le sud-est du pays a subi un violent tremblement de terre en février 2023 qui a fait au moins 53.000 morts et dévasté la cité antique d'Antakya, l'ex Antioche.

Le district de Silivri abrite notamment l'une des principales prisons du pays, où se trouvent notamment incarcérés le maire d'oppposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu et le mécène et philanthrope Osman Kavala.

C'est également là qu'ont été conduits de très nombreux manifestants interpellés lors de la vague de contestation qui a suivi l'arrestation de M. Imamgolu le 19 mars, incarcéré à Silivri six jours plus tard.

Le réseau d'entraide des parents des jeunes détenus a affirmé sur X que l'établissement n'avait pas subi de dégâts.

 


1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
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  • Si les accords ont valu à Sadate et Begin le prix Nobel, ils n'ont que peu contribué à l'établissement d'une paix durable au Moyen-Orient
  • En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies

CHICAGO — En se rendant à Jérusalem, le président égyptien Anouar el-Sadate poursuivait une vision ambitieuse: prévenir tout nouveau conflit et résoudre la crise israélo-arabe par voie diplomatique. Sa démarche reposait sur la conviction profonde qu'une paix véritable ne pourrait être fragmentaire. Elle devait, selon lui, englober non seulement l'Égypte et ses voisins arabes — Jordanie, Syrie et Liban — mais s'articuler essentiellement autour d'un engagement formel d'Israël à se retirer des territoires occupés et à permettre l'émergence d'un État palestinien souverain.

Face aux parlementaires israéliens réunis à la Knesset, Sadate a prononcé un discours-fleuve dont l'une des déclarations les plus marquantes résonne encore aujourd'hui : "Mon voyage n'a pas pour objectif un accord bilatéral isolant l'Égypte... Car même si tous les États du front parvenaient à un accord avec Israël, cette paix resterait fragile et illusoire tant qu'une solution équitable à la question palestinienne ne sera pas trouvée. C'est cette paix juste et pérenne que la communauté internationale appelle unanimement de ses vœux."

Sadate n'aura pas vécu assez longtemps pour constater à quel point il avait raison:  l'obstination israélienne à maintenir son emprise sur les territoires occupés allait effectivement déclencher un engrenage fatal. Cette politique d'occupation a progressivement nourri les courants extrémistes, multipliés les cycles de violence, fragilisée la stabilité de l'Égypte elle-même, et fait voler en éclats tout espoir d'une réconciliation durable dans la région.

L'objectif unique du Premier ministre israélien Menahem Begin était d'éliminer la menace militaire égyptienne, de diviser les "États du front" arabes et de bloquer les revendications en faveur d'un État palestinien.

Sadate fut naïf de faire confiance à Begin, l'un des terroristes les plus impitoyables du Moyen-Orient. Begin avait orchestré certaines des atrocités civiles les plus odieuses durant le conflit israélo-arabe de 1947-1948, notamment le massacre de près de 100 civils dans le petit village palestinien de Deir Yassine. 

Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".
Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".

Ce massacre, au cours duquel des femmes enceintes furent sauvagement assassinées et leurs corps jetés dans le puits du village, a profondément choqué la population arabe de Palestine, provoquant un exode massif de réfugiés terrorisés. Avant son discours à la Knesset, Sadate avait visité le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem qui, ironie du sort, est édifié sur les vestiges de Deir Yassine.

Déroulé tapis rouge par Israël et les États-Unis, Sadate se vit propulsé au rang de chef d'État modèle pour son audace pacificatrice. Sa tournée américaine de 1978 prit des allures de triomphe: banquets somptueux et réceptions officielles dans les métropoles du pays. À Chicago, pourtant, un autre accueil l'attendait. J'étais là, mêlé à une foule de 500 Américains d'origine arabe, scandant notre opposition à ce que nous considérions comme une véritable reddition diplomatique.

Les Accords de Camp David ont valu à Sadate et Begin le Prix Nobel de la paix 1978, mais aussi l'opprobre du monde arabe. La Ligue arabe réagit en excluant l'Égypte et en transférant le siège de l'organisation du Caire à Tunis.

La stratégie d'Israël était transparente pour tous, sauf pour Sadate. Il signa les accords après 12 jours d'intenses négociations en 1978, du 5 au 17 septembre. Mais quelques semaines auparavant, Begin avait inauguré la colonie d'Ariel, sur des terres confisquées en Cisjordanie à plus de 16 kilomètres à l'est de la Ligne verte, devenue depuis un symbole de la guerre continue d'Israël contre l'État palestinien et le centre de l'expansion des colonies israéliennes.

Malgré cette réalité troublante sur le terrain, Sadate signa un traité de paix formel avec Israël à la Maison Blanche le 26 mars 1979, mettant officiellement fin au conflit entre les deux pays.

Dates clés

14 février 1977
Le président américain Jimmy Carter écrit à son homologue égyptien Anouar el-Sadate et au Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour exprimer son engagement à trouver "un règlement de paix durable au Moyen-Orient".

 21 octobre 1977
Dans une lettre manuscrite, Carter fait appel à Sadate: "Le moment est venu d'avancer, et votre soutien public précoce à notre approche est extrêmement important — peut-être vital".

 11 novembre 1977
Après l'annonce par Sadate de son intention de visiter Israël, le nouveau Premier ministre israélien, Menahem Begin, s'adresse au peuple égyptien depuis Jérusalem en plaidant pour "plus de guerres, plus d'effusion de sang".

3 août 1978
Carter adresse des lettres confidentielles à Sadate et Begin, leur proposant une rencontre.

5 septembre 1978
Sadate et Begin arrivent à Camp David pour dix jours de pourparlers.

17 septembre 1978
À 21h37, Carter, Begin et Sadate embarquent à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine 1 et s'envolent du Maryland vers la Maison Blanche. À 22h31, Begin et Sadate signent un cadre pour la paix.

27 octobre 1978
Sadate et Begin reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix.

26 mars 1979
Sadate et Begin signent le traité de paix égypto israélien à Washington.

6 octobre 1981
Sadate est assassiné au Caire par des extrémistes islamiques opposés au traité de paix.

Si l'on examine les cinq fondements de l'accord, seuls deux ont franchi le cap de la concrétisation. L'Égypte a récupéré le Sinaï, sous conditions de démilitarisation, et la normalisation diplomatique formelle entre Le Caire et Tel-Aviv, mettant officiellement un terme à l'état de belligérance.
 
Les trois autres engagements sont restés lettre morte: les négociations pour résoudre la question palestinienne, avec la participation jordanienne, ont stagné; l'introduction de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et à Gaza dans un délai de cinq ans a échoué; et la fin des colonies israéliennes n'a même jamais été amorcée.

Les accords n'ont jamais été autorisés à entraver les plans visant à renforcer l'emprise d'Israël sur les territoires occupés. Lorsque le président américain Jimmy Carter a perdu sa réélection le 4 novembre 1980, et que Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire le 6 octobre 1981, Begin a reçu carte blanche pour enterrer définitivement le "rêve" de Sadate.

Malgré leurs divergences politiques, le président américain Ronald Reagan tenta de poursuivre la vision de paix au Moyen-Orient portée par Carter et proposa, en août 1982, un "gel" des colonies, exhortant Israël à accorder aux Palestiniens une "autonomie" comme étape vers un État. 

Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP
Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP

La réaction de Begin fut immédiate. Le 2 septembre 1982, avec Carter et Sadate hors-jeu, il conduisit une initiative à la Knesset pour consolider l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et le plateau du Golan, augmentant la population de colons juifs. Israël, déclara le Cabinet, "se réserve le droit d'appliquer sa souveraineté sur les territoires à l'issue de la période de transition de cinq ans" vers "l'autonomie" palestinienne explicitement envisagée dans les Accords de Camp David.

En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies ou "avant-postes" en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette année, le 20 janvier, premier jour de son second mandat, le président américain Donald Trump a levé les sanctions imposées par l'administration Biden sur des groupes de colons d'extrême droite accusés de violences contre les Palestiniens.

Ironie du sort, alors que les accords de Camp David devaient créer un climat d'espoir et d'optimisme, leur progression limitée au seul retour du Sinaï a engendré un sentiment de fatalisme nourrissant l'extrémisme, comme en témoignent de façon dramatique les attaques meurtrières du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Si le cessez-le-feu entre Le Caire et Tel-Aviv tient toujours, l'incapacité chronique à résoudre la question palestinienne a considérablement affaibli la portée historique des accords. Ce qui devait incarner une paix globale s'est progressivement dégradé en un simple pacte de non-agression formalisé. Aujourd'hui, les relations égypto-israéliennes se résument essentiellement à une collaboration sécuritaire.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique primé de la mairie de Chicago. Il est chroniqueur pour Arab News et anime l'émission de radio Ray Hanania. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com