A Bombay, les discrets brodeurs du grand luxe mondial

 Sur cette photo prise le 7 janvier 2023, un brodeur de Shanagar, un atelier de broderie manuelle de luxe basé à Mumbai, travaille sur un modèle pour le couturier français Julien Fournié, dans une unité de production à Mumbai. (Photo de Punit PARANJPE / AFP)
Sur cette photo prise le 7 janvier 2023, un brodeur de Shanagar, un atelier de broderie manuelle de luxe basé à Mumbai, travaille sur un modèle pour le couturier français Julien Fournié, dans une unité de production à Mumbai. (Photo de Punit PARANJPE / AFP)
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Publié le Dimanche 22 janvier 2023

A Bombay, les discrets brodeurs du grand luxe mondial

  • «Ils ont un éventail de techniques qu'on n'a pas ici», souligne Jean-Paul Cauvin, directeur de la maison Julien Fournié
  • Dénonçant «l'impérialisme du design», le couturier français a choisi cette saison de mettre en lumière le savoir-faire indien «ancestral» et «inégalé» dont profitent les grandes maisons dans le monde entier, sans trop le revendiquer d'ordinaire

BOMBAY : Assis en position du lotus, quatre hommes passent des perles à travers un fil d'or sur un pan d'organza. C'est ainsi que naît chez le brodeur Shanagar à Bombay la robe de mariée haute couture de Julien Fournié, destinée à éblouir mardi le public lors de son défilé à Paris.

Dénonçant «l'impérialisme du design», le couturier français a choisi cette saison de mettre en lumière le savoir-faire indien «ancestral» et «inégalé» dont profitent les grandes maisons dans le monde entier, sans trop le revendiquer d'ordinaire.

A l'intérieur d'un bâtiment beige d'apparence banale, des dizaines d'hommes en polo gris, pieds nus, travaillent assis sur des coussins posés au sol, la tête penchée sur de grands morceaux de tissu tendus à plat par des cadres métalliques.

En Inde, la broderie est un métier d'homme.

Le silence dans lequel on n'entend que le claquement des aiguilles et des perles et le tourbillon des ventilateurs de plafond, est perturbé par le rugissement des avions volant à basse altitude vers et depuis l'aéroport international de la capitale économique de l'Inde.

- «Numéro un au monde» -

L'atelier Shanagar – qui signifie «orner» en sanskrit – joue depuis des décennies un rôle essentiel, mais discret, dans l'exécution des broderies complexes pour les grandes maisons de mode en Europe, aux États-Unis et au Japon.

En Inde, on brode depuis des siècles avec des particularités dans chaque région de ce vaste pays.

«Ils ont un éventail de techniques qu'on n'a pas ici», souligne Jean-Paul Cauvin, directeur de la maison Julien Fournié.

Biswajit Patra, 31 ans, brodeur chez Shanagar, a déjà 15 ans d'expérience. «J'ai appris le métier dans mon village de Calcutta à la maison car mon père faisait le même travail et mon frère et ma sœur font aussi ce travail».

«C'est ancestral. Pendant que nous en Europe on portait au 16e siècle des hennins et poulaines (des types de coiffes et de souliers, ndlr), il y avait des maharajas en tenues brodées d'or, ils sont très en avance, c'est le numéro un de la broderie au monde», souligne Julien Fournié.

«Ce qu'ils savent mieux faire que n'importe qui, c'est broder au fil d'or, tisser les fils à l'intérieur des perles pour créer des dégradés de couleurs», explique-t-il à l'AFP.

Cela crée un rendu «vieilli et élégant». La robe de mariée «brille, mais pas trop. Les clientes de la haute couture n'ont pas envie d'être des arbres de Noël».

«J'ai travaillé avec de grands brodeurs français et à chaque fois c'est compliqué, chacun veut y mettre son grain de sel et tu n'as jamais exactement ce que tu veux», poursuit-il.

- Alaïa, Gaultier et Hollywood -

Chetan Desai, 55 ans, dont le père a lancé «Creations by Shanagar» il y a plus de 60 ans, ne vit que pour la mode. L'entreprise avait commencé comme un atelier de tissage à la main et de saris brodés. Mais au milieu des années 1990, il regarde plus loin vers la France, où il noue un partenariat avec le couturier franco-tunisien Azzedine Alaïa dont les robes brodées par Shanagar ont été portées notamment par Naomi Campbell.

Restant discret sur ses collaborations en cours --sauf celle avec Julien Fournié--, il se souvient des broderies faites pour Jean Paul Gaultier, Yohji Yamamoto et Donna Karan.

Même Hollywood est venu frapper à la porte, Shanagar aidant à créer les costumes de Nicole Kidman dans la comédie musicale «Moulin Rouge» de 2001.

«J'adore travailler avec Julien Fournié. Il repousse les limites. C'était un exercice difficile et en même temps très fructueux parce que certaines de ses idées m'ont surpris», raconte Chetan Desai à l'AFP.

Une fois les pans brodés arrivés à Paris, c'est Julien Fournié qui les repasse soigneusement lui-même, avant que l'atelier ne procède au montage de la robe. «60% du modèle de la haute couture, c'est du repassage», confie-t-il.

La collection qui va défiler à Paris mardi est entièrement brodée de perles et de fils chez Shanagar, avec quelques techniques inédites comme des broderies confectionnées à partir de morceaux de tulle enroulés pour créer des fleurs.


Rétrospective Mehdi Qotbi à l’IMA: l’art de faire danser les lettres arabes

Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable. (Photo Arlette Khouri)
Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable. (Photo Arlette Khouri)
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  • Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable
  • Cette œuvre libre et empreinte d’optimisme, tout comme la personne de Qotbi, puise ses racines dans l’enfance de l’artiste, dans ce quartier de Takaddoum où il est né à Rabat

PARIS: Alors que l’Institut du Monde Arabe à Paris met à l’honneur la langue arabe en collaboration avec l’Académie Internationale du Roi Salman pour la langue arabe, c’est l’écriture et les lettres arabes qui sont à l’honneur à travers la rétrospective des œuvres de l’artiste franco-marocain Mehdi Qotbi exposé à l’institut jusqu’au 5 janvier prochain.

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C’est une myriade de fraîcheur colorée qui accueille le visiteur de cette exposition et l’emporte dans l’univers joyeux, qu’expriment les œuvres de cet artiste atypique. (Photo Arlette Khouri)

C’est une myriade de fraîcheur colorée qui accueille le visiteur de cette exposition et l’emporte dans l’univers joyeux, qu’expriment les œuvres de cet artiste atypique.

Il a beau se servir des lettres arabes pour composer ses tableaux, son œuvre est à l’opposé de la calligraphie.

Son art, selon sa propre définition est plutôt « une désécriture » et non un alignement calligraphique de mots et de phrases.

Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable.

Cette œuvre libre et empreinte d’optimisme, tout comme la personne de Qotbi, puise ses racines dans l’enfance de l’artiste, dans ce quartier de Takaddoum où il est né à Rabat dans une famille modeste.

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L’universitaire et critique d’art Philippe Dagen décrit l’œuvre de Qotbi comme étant « un rapport constant et déconcertant entre peinture et écriture » et affirme que cette œuvre « s’offre et se dėrobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ». (Photo Arlette Khouri)

Dès l'enfance, Qotbi a baigné dans un univers de couleurs à l’ombre de sa mère tapissière dont il dit « elle ne savait ni lire, ni écrire, elle n’avait aucune culture. Mais elle avait la faculté de faire fusionner les couleurs », « elle savait les allier. Pour moi c’étaient des moments de rêve ».

Ce sont peut-être ces moments avec les émotions qui les accompagnent que Qotbi tente de reproduire dans son travail qui s’expose au musée Georges Pompidou à Paris ainsi qu’au musée d’art moderne, ailleurs aussi à la National Gallery of fins arts à Amman où à Houston dans le cadre de la Menil Collection.

Pourtant à l’âge de douze ans, Qotbi s’est cru destiné à une carrière militaire, il saisit l’opportunité d’un défilé militaire et aborde le ministre de la Défense de l’époque Mahjoubi Ahetdane qui l’aide à intégrer le lycée militaire de Kénitra.

Très vite, son penchant pour et le dessin pris le dessus sur son penchant pour le maniement des armes, et rejoint par la suite l’école des beaux arts de Rabat.

Sa rencontre avec le grand artiste marocain Jilali Gharbaouie finit par sceller son destin, il se consacre à sa vocation artistique qui le mène par la suite aux Beaux arts de Paris, dont il est diplômé.

Parallèlement à sa carrière d'artiste, Qotbi s’attache à transmettre sa passion aux jeunes et enseigne les arts plastiques dans des lycées à Paris et Auxerre.

Travailleur infatigable, il publie des livres d’artistes en collaboration avec de grands écrivains et poètes dont le syrien Adonis, la libanaise Andrée Chédid, la française Nathalie Sarraute et également le tchèque Vaclav Havel et le sénégalais Léopold Sedar Senghor.

L’universitaire et critique d’art Philippe Dagen décrit l’œuvre de Qotbi comme étant « un rapport constant et déconcertant entre peinture et écriture » et affirme que cette œuvre « s’offre et se dėrobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ».

Sa notoriété lui ouvre les portes des plus hautes sphères culturelles et politiques aussi bien en France qu’au Maroc, et Qotbi met cela à profit pour resserrer les liens entre son pays natal et son pays d’adoption.

Il se retrouve chargé de créer un « cercle d’amitié franco-marocain » qui s’est nourri de son large réseaux de contacts autant au Maroc qu’en France.

Le tout Paris artistique et politique était invité à l’inauguration de sa rétrospective, et bien sûr, l’épouse du président français Brigitte Macron était parmi les premiers à être présente.

 


Amira Ghenim, lauréate du Prix de la littérature arabe 2024 de l’Institut du Monde Arabe

Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès). (Photo fournie)
Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès). (Photo fournie)
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  • Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français
  • Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès)

PARIS : Pierre Leroy, administrateur délégué de la Fondation Jean-Luc Lagardère et président du jury du Prix s’est dit ravi lundi dernier que cette nouvelle édition du Prix de la littérature arabe consacre « un roman intense, entremêlant intrigue familiale et grande Histoire, qui dessine le portrait complexe et tout en nuances d'une Tunisie en pleine mutation. L’ensemble des membres du jury et moi-même saluons par ailleurs la plume unique de l’auteure qui, grâce à un procédé narratif élaboré, a su donner naissance à une œuvre puissante, portée par une nouvelle collection qui met en lumière la littérature arabophone du Maghreb, encore trop souvent privée d’écho en France ».

Ce roman est celui d’ Amira Ghenim, lauréate du Prix de la littérature arabe 2024. Née en 1978 à Sousse en Tunisie, elle est agrégée d’arabe, titulaire d’un doctorat en linguistique et enseigne à l’université de Sousse. Elle est l’autrice d’essais universitaires et de trois romans, dont Le dossier jaune (2019) et Terre ardente (2024).

Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français.

Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès).

Pour sa part, Jack Lang, Président de l’IMA, a voulu souligner « l’importance de faire rayonner la richesse des cultures du monde arabe, dont la littérature et la poésie sont des modes majeurs. Dans le contexte où la traduction des textes arabophones se raréfie, la mise en lumière des auteurs issus du monde arabe est essentielle et ce prix, également porté désormais par la jeunesse, en est le précieux instrument ».

 


Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes

Des auteurs de renom du monde entier, dont Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy, appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes. (AFP)
Des auteurs de renom du monde entier, dont Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy, appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes. (AFP)
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  • Plus de 1 000 écrivains et professionnels de l'édition ont signé une lettre dans laquelle ils s'engagent à boycotter les institutions culturelles israéliennes
  • Les auteurs se sont engagés à ne pas travailler avec des éditeurs, des festivals, des agences littéraires et des publications israéliens qui sont "complices de la violation des droits des Palestiniens"

DUBAÏ: Des auteurs de renom du monde entier appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes.

Plus de 1 000 écrivains et professionnels de l'édition ont signé une lettre dans laquelle ils s'engagent à boycotter les institutions culturelles israéliennes qui "sont complices ou sont restées des observateurs silencieux de l'oppression écrasante des Palestiniens".

Parmi les auteurs populaires qui ont signé la lettre figurent l'Irlandaise Sally Rooney, connue pour des romans tels que "Conversations with Friends", "Normal People" et, plus récemment, "Intermezzo"; le romancier américano-libyen Hisham Matar, lauréat du prix Pulitzer; le romancier Viet Thanh Nguyen, lauréat du prix Pulitzer; la lauréate du prix Booker Arundhati Roy; Mohsin Hamid, auteur de "The Reluctant Fundamentalist"; et la lauréate du prix Booker Avni Doshi, qui est basée à Dubaï.

Les auteurs se sont engagés à ne pas travailler avec des éditeurs, des festivals, des agences littéraires et des publications israéliens qui sont "complices de la violation des droits des Palestiniens", notamment en appliquant des "politiques et pratiques discriminatoires" ou en "blanchissant et justifiant l'occupation, l'apartheid ou le génocide d'Israël".

Les institutions qui n'ont jamais reconnu publiquement les "droits inaliénables du peuple palestinien tels qu'ils sont inscrits dans le droit international" seront également boycottées.

La campagne a été organisée par le Festival palestinien de littérature (également connu sous le nom de PalFest), qui organise chaque année des manifestations publiques gratuites dans plusieurs villes de Palestine.

"En tant qu'écrivains, éditeurs, travailleurs de festivals littéraires et autres travailleurs du livre, nous publions cette lettre alors que nous sommes confrontés à la crise morale, politique et culturelle la plus profonde du XXIe siècle", commence la déclaration, qui poursuit en indiquant qu'Israël a tué "au moins 43 362" Palestiniens à Gaza depuis octobre dernier et que cela fait suite à "75 ans de déplacement, de nettoyage ethnique et d'apartheid".

La culture "a joué un rôle essentiel dans la normalisation de ces injustices". Les institutions culturelles israéliennes, "qui travaillent souvent directement avec l'État, ont joué un rôle crucial dans l'obscurcissement, le camouflage et le lavage artistique de la dépossession et de l'oppression de millions de Palestiniens pendant des décennies".

Les travailleurs de l'industrie ont un "rôle à jouer", affirme l'engagement. "Nous ne pouvons pas, en toute conscience, nous engager avec les institutions israéliennes sans nous interroger sur leur relation avec l'apartheid et le déplacement", peut-on lire, en notant que "d'innombrables auteurs" ont adopté la même position contre l'apartheid en Afrique du Sud.

La lettre se termine par un appel aux pairs des signataires à se joindre à l'engagement.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com