DUBAÏ: Dans un contexte de hausse de l'inflation, de défauts de paiement, de suppressions d'emplois impactant les consommateurs et les entreprises, 2023 semble être une année charnière pour le secteur bancaire.
Les défis géopolitiques croissants et le rôle de la Chine, de la Russie, de l'Ukraine et les considérations liées au changement climatique positionnent parfaitement l'industrie dans « l'œil du cyclone».
Le secteur bancaire est confronté à plusieurs risques dans divers domaines: la cybersécurité, le crédit privé et le ralentissement économique. Ces risques sont tous liés, comme en témoignent la pandémie et la guerre en Ukraine.
Mercredi, un panel de banquiers et de régulateurs au Forum économique mondial de Davos a souligné certains des risques auxquels le secteur était confronté, les défis posés par les «non-banks» et le manque de réglementation.
Malgré le contexte mondial compliqué, «il existe un sentiment d'optimisme à Davos cette année», a déclaré François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, alors que le niveau d'activité en Europe est plus résistant que prévu. «Nous devrions éviter une récession cette année. L'inflation en Europe culminera au cours du premier semestre 2023, mais nous la ramènerons à 2 % d'ici à 2024-2025», s'est engagée la BCE.
Les banques et les compagnies d'assurance sont réglementées et donc systématiquement plus sûres. Des banques ont critiqué la surrèglementation face à la crise financière, pourtant, elle était nécessaire, selon le gouverneur de la Banque de France. «Nous avions raison, et si les banques sont aujourd'hui en meilleure santé, et plus solides en termes de solvabilité du capital ou de liquidité, c'est grâce à ce type de régulation. Nous ne diminuerons pas les exigences», a-t-il affirmé.
Cette année pourrait voir davantage de réglementation alors que les banques se tournent vers la mise en œuvre finale de Bâle III dans toutes les juridictions.
Le panel a souligné que les actifs liés aux institutions financières non bancaires constituaient un défi croissant, avec les récents épisodes d'instabilité financière liés aux fonds du marché monétaire, aux dérivés LDI («liability-driven investments») et aux FTX, entre autres.
Les défis découlent de la nature du paysage qui est en constante évolution. L’année 2022 a été marquée par des perturbations du FTX et de la cryptomonnaie en raison d'un manque de réglementation. À ce titre, il est impératif de disposer d'un cadre mondial cohérent pour gérer les nouvelles formes de monnaie et les systèmes de paiement.
Différentes réglementations s'appliquent à différents produits, y compris les actifs non garantis, afin d’atténuer le blanchiment d'argent et d’offrir une meilleure protection aux investisseurs.
Pour Tharman Shanmugaratnam, ministre du gouvernement de Singapour, «la lutte contre le blanchiment d'argent doit être appliquée à toutes les nouvelles innovations», et si la réglementation peut ressembler à un «jeu sans fin», elle encourage une meilleure éducation des consommateurs sur la prise de risque.
«La cryptomonnaie fait partie de l'équation, mais elle n'est pas le seul facteur», a affirmé Jane Fraser, la PDG de Citygroup, ajoutant que l'inclusion financière et la résolution des inefficacités dans les flux de paiement étaient également des facteurs nécessaires pour construire un cadre réglementaire plus efficace.
À l'avenir, de nouvelles classes d'actifs seront créées sous une forme ou une autre et nécessiteront un cadre réglementaire pour répondre aux investisseurs qui choisissent de les exploiter. «Nous avons dû tracer une ligne sur ce qui convenait à nos investisseurs, en fonction de notre obligation fiduciaire», a expliqué Colm Kelleher, le président d’UBS.
Il existe un consensus sur la nécessité d'un cadre réglementaire mondial. Le défi consiste à suivre le rythme d'une technologie en évolution rapide. Une solution consiste à développer des partenariats entre les régulateurs ou les pouvoirs publics et les banques. «Les banques ne doivent pas être contre toute forme de réglementation, car la réglementation peut aider à stabiliser le secteur, tandis que les pouvoirs publics travaillent à promouvoir plus d’innovation», a ajouté François Villeroy de Galhau.
Les CBDC (Central Bank Digital Currency) sont un bon exemple de partenariat stimulant l'innovation et l'efficacité à plus grande échelle dans l'industrie. La Réserve fédérale américaine (FED) et la Banque centrale européenne (BCE) travaillent actuellement sur une monnaie numérique. Les CBDC ne visent pas à désintermédier les banques, mais plutôt à faciliter les flux transfrontaliers, l'inclusion financière, à soutenir l'économie et les marchés financiers. « Les monnaies numériques font partie de la boîte à outils. Ils ne sont pas la boîte à outils», a précisé Jane Fraser.
En plus de développer des outils et des monnaies numériques, les régulateurs du secteur bancaire s'efforcent de fournir les conditions qui rendent les transactions transfrontalières plus accessibles au secteur.
En Europe, il s’agit de l’«union bancaire», et elle sert à faciliter les fusions transfrontalières. Le secteur bancaire bénéficiera d’économies d'échelle résultant de ce type de consolidation, des effets macroéconomiques transfrontaliers. «Cela signifie que l'épargne peut circuler à travers l'Europe et cela a un puissant effet stabilisateur pour le secteur bancaire», a ajouté le gouverneur de la Banque de France.