TEL AVIV: Plusieurs dizaines de milliers d'Israéliens ont manifesté samedi soir à Tel-Aviv pour clamer leur refus de la politique de la coalition au pouvoir autour de Benjamin Netanyahu, dont ils craignent une dérive antidémocratique.
Il s'agit de la manifestation la plus importante depuis la prestation de serment le 29 décembre du gouvernement alliant des partis de droite, d'extrême droite et ultraorthodoxes juifs, le plus à droite de l'histoire de ce pays d'un peu plus de 9 millions d'habitants.
Vers 21H00 (19H00 GMT), la place Habima dans le centre de Tel-Aviv était pleine et la foule débordait dans les rues adjacentes, selon des journalistes de l'AFP sur place.
En l'absence d'estimations officielles, plusieurs médias ont indiqué que 80.000 manifestants s'y étaient rassemblés, citant des "sources policières".
Des rassemblements plus restreints se sont tenus simultanément à Jérusalem, où environ un millier de manifestants se sont rassemblés devant la résidence du président israélien Isaac Herzog et de M. Netanyahu selon les médias locaux, et à Haïfa, la grande ville du nord du pays.
Les manifestants répondaient à l'appel d'une organisation anticorruption, autour de mots d'ordre appelant à "sauver la démocratie" et à empêcher "le renversement du régime" politique en vigueur en Israël depuis sa création en 1948.
«Gouvernement de la honte»
Des partis, du centre, de gauche et l'alliance des partis arabes Hadash-Taal ont appelé les Israéliens à manifester en particulier contre la réforme de la justice présentée le 4 janvier par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, poursuivi dans plusieurs dossiers de corruption présumée.
Ils demandent aussi la démission du chef du gouvernement à cause de ces affaires. A cela s'agrègent d'autres mécontents: opposants à la colonisation israélienne en Cisjordanie, territoire palestinien occupé.
Sur la place Habima, l'ambiance était bon enfant. De nombreux Israéliens étaient venus en famille malgré la pluie et les manifestants ont scandé leurs slogans sous une mer de parapluie, a constaté un journaliste de l'AFP.
Plusieurs personnalités politiques, dont la chef du parti travailliste Meirav Michaeli, l'ancien ministre de la Défense Benny Gantz et l'ancienne ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni étaient présents.
"La situation est inquiétante et effrayante", a confié Aya Tal, 22 ans, qui travaille dans la high tech. "On veut nous prendre nos droits. Ca me fait peur de me dire qu'on laisse les choses se faire en silence (...) on doit s'unir", a-t-elle ajouté.
Les pancartes brandies par les manifestants rendaient compte de la diversité des revendications: "Le temps est venu de faire tomber le dictateur", "Gouvernement de la honte", "Il n'y a pas de démocratie avec l'occupation", "Bibi ne veut pas de démocratie, nous n'avons pas besoin de fascistes à la Knesset", "Tu aimeras l'autre comme toi-même" écrit en hébreu et en arabe.
Mais c'est le slogan "Démocratie, démocratie" qui revenait le plus souvent.
Le public "n'acceptera pas (...) la destruction des valeurs qui sont à la base de notre système", a dit l'ancienne juge de la Cour Suprême Ayala Procaccia, en prenant la parole sur le podium.
"Nous sommes à un moment fatidique pour l'avenir moral d'Israël", a-t-elle ajouté.
En l'absence de constitution officielle écrite, le pouvoir judiciaire est en Israël le seul en mesure de contrôler le gouvernement et de sauvegarder les droits individuels.
Les critiques de la réforme judiciaire estiment qu'elle accorderait un contrôle illimité au Premier ministre, mettant en danger la démocratie israélienne telle qu'elle existe depuis 1948. Ils disent craindre une dérive vers une démocratie illibérale.
«Préserver la démocratie»
De juillet 2020 à juin 2021, le Mouvement des drapeaux noirs avait soutenu une campagne de contestation de longue haleine contre M. Netanyahu pour exiger sa démission à cause des scandales de corruption auxquels il est mêlé.
Chef du Likoud, le grand parti de la droite israélienne, et détenteur du record de longévité à la tête du gouvernement israélien, M. Netanyahu a été chassé du pouvoir en 2021 par une coalition électorale hétéroclite qui aura tenu moins d'un an.
Il a pris fin décembre la tête d'un nouveau gouvernement à l'issue des élections législatives de novembre, les cinquièmes en quatre ans, dont les résultats témoignent du morcellement de l'électorat et des divisions internes de la société.