LOS ANGELES: Les Golden Globes ont fait leur grand retour à la télévision mardi et ont notamment acclamé le réalisateur Steven Spielberg, bien présent dans la salle aux côtés de nombreux poids lourds d'Hollywood, malgré les scandales qui ont terni l'image de ces récompenses.
Le cinéaste américain a reçu le Golden Globe du meilleur réalisateur pour son très intime "The Fabelmans", qui a également remporté le prix du meilleur film dramatique.
Il a partagé la vedette avec la tragicomédie irlandaise "Les Banshees d'Inisherin". Le film, qui raconte la fin abrupte d'une amitié sur une île imaginaire dans les années 1920, a raflé trois Golden Globes, dont celui de meilleure comédie et meilleur acteur pour Colin Farrell.
Largement inspiré de l'enfance de M. Spielberg, "The Fabelmans" met en scène un jeune juif américain qui rêve de faire des films dans les années 1960, pendant que ses parents voient leur couple se défaire inexorablement.
Sur scène, le réalisateur a expliqué n'avoir "jamais eu le courage d'affronter cette histoire frontalement".
De son propre aveu, son histoire personnelle transparaît par fragments dans certains de ses films comme "E.T." ou "Rencontre du troisième type". Mais le cinéaste, qui a perdu son père en 2020 et sa mère en 2017, a finalement attendu jusqu'à ses 75 ans pour véritablement porter son enfance à l'écran.
Boudés par le gratin et privés de télévision l'an dernier, les Golden Globes ont tenté de tourner la page des accusations de racisme, de sexisme et de corruption visant l'Association de la presse étrangère de Hollywood (HFPA), qui forme leur jury et qui ne comptait aucun membre noir en 2021.
Après une cérémonie sans retransmission télévisée en 2022, la chaîne américaine NBC a accepté cette année de reprendre la diffusion à la suite d'une série de réformes pour améliorer la diversité de la HFPA.
Les Moments forts
Les Golden Globes ont fait leur grand retour à la télévision mardi, avec l'espoir de tourner la page des scandales qui ont terni leur image.
Entre un présentateur irrévérencieux, des discours longuets et l'ombre persistante de la gifle de Will Smith aux derniers Oscars, voici les moments forts de cette 80e cérémonie, qui ouvre la saison des récompenses aux Etats-Unis.
Affronter le racisme
Embourbés depuis deux ans dans des accusations de racisme, sexisme et corruption, l'Association de la presse étrangère d'Hollywood (HFPA), qui décerne les Golden Globes, espérait tourner la page.
C'était sans compter sur les taquineries du présentateur, Jerrod Carmichael. L'humoriste afro-américain a d'emblée ironisé sur le manque de diversité de l'organisation.
"Je vais vous dire pourquoi je suis ici. Je suis ici parce que je suis noir", a-t-il lancé, en s'autodésignant comme "le visage noir d'une organisation blanche assiégée".
Volontiers irrévérencieux, le comédien a raconté son désarroi lorsque le rôle de chef d'orchestre de la soirée lui a été proposé. Des doutes vite envolés vu le chèque de "500.000 dollars" proposé par l'organisation, a-t-il plaisanté, en narrant une conversation avec une de ses amies.
"Elle m'a dit: +Mec, t'as intérêt à mettre un beau costume et à prendre le cash de ces gens blancs+."
L'intimidante Michelle Yeoh
Comme souvent, les célébrités récompensées ont prouvé qu'elles adorent s'écouter parler: quasiment tous les discours de remerciements ont grignoter sur le temps imparti. La cérémonie, qui devait durer seulement trois heures, a finalement dépassé de vingt minutes.
Les producteurs ont bien tenté d'éconduire les stars qui trainaient en longueur, grâce à une petite mélodie jouée au piano. Mais la plupart ont continué leurs remerciements comme si de rien n'était.
Dans ce rôle, c'est la Malaisienne Michelle Yeoh qui a le plus brillé. Elue meilleure actrice dans une comédie pour son rôle de propriétaire de laverie plongée dans des univers parallèles dans "Everything Everywhere All At Once", elle n'a pas hésité à sortir la carte de l'intimidation.
"Taisez-vous, s'il-vous-plaît", a-t-elle lancé goguenarde, en rappelant les nombreuses scènes de combat qui jalonnent le film. "Je peux vous déglinguer, c'est sérieux."
L'ombre de Will Smith
Will Smith n'était bien sûr pas invité, mais sa gifle infligée à l'humoriste Chris Rock sur la scène des Oscars l'an dernier continue de faire jaser à Hollywood.
L'épisode est désormais une source infinie de plaisanteries.
Jerrod Carmichael a ainsi affirmé avoir présenté pendant une coupure publicitaire un prix pour "meilleure représentation de la masculinité à la télévision" à l'acteur, qui n'avait pas supporté une blague sur la perte de cheveux de sa femme.
L'acteur Eddie Murphy, récompensé pour l'ensemble de sa carrière, en a remis une couche un peu plus tard.
"Il y a un véritable plan que vous pouvez suivre pour atteindre le succès, la prospérité, la longévité et la paix de l'esprit", a-t-il balancé à une audience hilare. "Il y a trois choses: payez vos impôts, occupez-vous de vos affaires, et gardez le nom de la femme de Will Smith hors de votre putain de bouche."
Tom Cruise, moqué
Et puisque les absents ont toujours tort, Tom Cruise, dont le film "Top Gun: Maverick" était nominé, a lui aussi eu droit à son lot de plaisanteries à ses dépens.
L'acteur américain a renvoyé en 2021 ses trois Golden Globes à la HFPA, en signe de protestation face aux scandales.
Au milieu de la soirée, Jerrod Carmichael est remonté sur scène avec trois statuettes en main, pour figurer ces récompenses.
"Hey les gars, j'ai trouvé ça", a-t-il lancé au public, avant de gloser sur l'appartenance de Tom Cruise à l'Eglise de Scientologie.
"Peut-être qu'on devrait prendre ces trois trucs et les échanger contre le retour de Shelly Miscavige", a ajouté le présentateur, en référence à la femme du leader de la secte, qui n'a pas été vue depuis des années en public.
Absents de marque
Autant que les prix, l'attention était donc focalisée sur la présence ou non des stars invitées, pour jauger si Hollywood est prêt à accorder un retour en grâce aux Golden Globes.
De nombreux poids lourds ont répondu présent. Les réalisateurs James Cameron, nominé pour le second volet d'"Avatar", et Guillermo del Toro, qui a remporté le prix du meilleur film d'animation pour son "Pinocchio", ont ainsi foulé le tapis rouge. Tout comme l'acteur Brad Pitt ou la chanteuse Rihanna.
Mais la soirée a également compté des absents de marque. Sacrée meilleure actrice dans un film dramatique pour son rôle de cheffe d'orchestre impitoyable dans "Tar", Cate Blanchett n'était pas présente pour recevoir son prix.
D'autres gagnants comme Kevin Costner ("Yellowstone"), Zendaya ("Euphoria") et Amanda Seyfried ("The Dropout") étaient également absents. De même que Tom Cruise, producteur du blockbuster "Top Gun: Maverick", qui a renvoyé ses trois Golden Globes en 2021 en signe de protestation, ou l'acteur Brendan Fraser, nominé pour "The Whale".
Austin Butler était en revanche ravi de monter sur scène pour accepter son rôle de meilleur acteur dans un film dramatique, après sa brillante incarnation de la légende du rock'n'roll Elvis Presley dans le biopic "Elvis".
"Tu étais une icône et un rebelle, et je t'aime tellement", a déclaré l'acteur américain, en s'adressant directement au chanteur décédé.
Côté comédies, outre Colin Farrell, Michelle Yeoh a elle été élue meilleure actrice pour son interprétation d'une propriétaire de laverie plongée dans des univers parallèles dans le surréaliste "Everything Everywhere All At Once". Le film a également valu un prix de meilleur second rôle à l'acteur vietnamien Ke Huy Quan, qui y incarne son mari.
Les principaux gagnants des Golden Globes
Voici les gagnants dans les principales catégories pour les 80e Golden Globes qui ont été décernés mardi soir près de Los Angeles.
FILMS
Meilleur film dramatique: "The Fabelmans"
Meilleure comédie ou comédie musicale: "Les Banshees d'Inisherin"
Meilleur acteur dans un film dramatique: Austin Butler, "Elvis"
Meilleure actrice dans un film dramatique: Cate Blanchett, "Tar"
Meilleur acteur dans une comédie: Colin Farrell, "Les Banshees d'Inisherin"
Meilleure actrice dans une comédie: Michelle Yeoh, "Everything Everywhere All at Once"
Meilleur acteur dans un second rôle: Ke Huy Quan, "Everything Everywhere All at Once"
Meilleure actrice dans un second rôle: Angela Bassett, "Black Panther: Wakanda Forever"
Meilleur réalisateur: Steven Spielberg, "The Fabelmans"
Meilleur film en langue étrangère: "Argentina, 1985"
Meilleur film d'animation: "Pinocchio par Guillermo Del Toro"
Meilleur scénario: Martin McDonagh, "Les Banshees d'Inisherin"
SERIES TELEVISEES
Meilleure série dramatique: "House of the Dragon"
Meilleure série comique: "Abbott Elementary"
Meilleur film de télévision ou mini-série: "The White Lotus"
Meilleur acteur dans une série dramatique: Kevin Costner, "Yellowstone"
Meilleure actrice dans une série dramatique: Zendaya, "Euphoria"
Meilleur acteur dans une série comique: Jeremy Allen White, "The Bear"
Meilleure actrice dans une série comique: Quinta Brunson, "Abbott Elementary"
Meilleur acteur dans un film de télévision ou une mini-série: Evan Peters, "Dahmer - Monstre: l'histoire de Jeffrey Dahmer"
Meilleure actrice dans un film de télévision ou une mini-série: Amanda Seyfried, "The Dropout"
Présentateur taquin
Les Golden Globes n'ont pas échappé à quelques piques de la part de leur présentateur, l'humoriste américain Jerrod Carmichael. Il a d'entrée ironisé sur le manque de diversité qui s'est transformé en boulet pour la HFPA.
"Je vais vous dire pourquoi je suis ici. Je suis ici parce que je suis noir", a-t-il lancé, en s'autodésignant comme "le visage noir d'une organisation blanche assiégée".
Face aux scandales, la HFPA a notamment renouvelé le jury des Golden Globes, en incluant 103 nouveaux entrants - qui ne sont pas membres à part entière de l'association -, dont de nombreuses femmes et personnes issues de minorités ethniques.
Des réformes défendues par certains des invités.
"Je pense que nous devrions applaudir le fait qu'une organisation fasse des changements aussi radicaux", a ainsi déclaré James Cameron, le réalisateur d'"Avatar", à l'AFP.
Reste à savoir si cela sera suffisant pour que les Golden Globes retrouvent leur influence d'antan. Par le passé, un succès lors de cette cérémonie était un outil marketing précieux, capable de lancer une campagne victorieuse vers la récompense suprême des Oscars, prévus le 12 mars.
Mais leur pouvoir d'influence semble désormais durablement amoindri, selon la presse spécialisée. Cette année, les studios eux-mêmes, qui avaient l'habitude de noyer les vainqueurs sous le champagne, ont d'ailleurs pour la plupart renoncé à leurs somptueuses "after-parties".