PARIS: Le procès en appel du scandale sanitaire du Mediator, un médicament des laboratoires Servier accusé d'avoir causé la mort de centaines de patients, s'est ouvert lundi devant la cour d'appel de Paris dans une salle d'audience archicomble.
L'audience, présidée par Olivier Géron et qui se déroule dans la "salle des grands procès" du Palais de justice qui a déjà accueilli les procès des attentats du 13-Novembre et de Nice, devait se concentrer ce lundi uniquement sur des points de procédure.
Le procès est prévu pour durer six mois, jusqu'au 28 juin, à raison de deux journées et demi d'audience par semaine.
Il y a 7 650 parties civiles constituées, a annoncé M. Géron en ouvrant les débats. Comme pour les procès des attentats du 13-novembre et de Nice, elles pourront suivre les débats sur une webradio, a rappelé le président.
Seuls le groupe Servier et son ancien numéro 2 Jean-Philippe Seta sont jugés devant la cour d'appel.
Mis sur le marché comme antidiabétique en 1976 mais indûment prescrit comme coupe-faim jusqu'en 2009, le Mediator a entraîné de graves effets secondaires sur des milliers de patients souffrant de pathologies cardiaques ou pulmonaires et parfois entraîné leur mort.
Il a été prescrit à environ cinq millions de personnes durant ses trente-trois ans de commercialisation.
En première instance, les laboratoires Servier et Jean-Philippe Seta ont été reconnus coupables de tromperie aggravée et d'homicides et blessures involontaires.
Le 29 mars 2021, Servier est condamné à une amende de 2,7 millions d'euros, M. Seta à quatre ans de prison avec sursis et une amende de 90 600 euros.
Le groupe a été en outre condamné à verser un total de plus de 183 millions d'euros de dommages et intérêts aux victimes.
Dans son jugement, le tribunal correctionnel de Paris a estimé que les laboratoires Servier "disposaient à partir de 1995, de suffisamment d'éléments pour prendre conscience des risques mortels" liés au Mediator.
Le deuxième laboratoire français a en revanche été relaxé des délits d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché et d'escroquerie, au préjudice notamment de la Sécurité sociale, ce qui a conduit le parquet de Paris et des parties civiles à faire appel.
Dans leur sillage, le groupe pharmaceutique a lui aussi formé un appel.
«Persistance du déni»
Condamnée à 303 000 euros d'amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator malgré sa toxicité, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps) n'a pas fait appel.
"Les laboratoires Servier et M. Seta contestent toujours avoir délibérément trompé les patients et les médecins prescripteurs sur la dangerosité" du Mediator, a indiqué à l'AFP François De Castro, l'un de leurs avocats.
"L'objectif pour mes clients de ce procès d'appel c'est, bien sûr, de consolider l'acquis, de faire confirmer ce qui avait été obtenu en terme de condamnation sur la tromperie aggravée et en terme d'indemnités", a déclaré, juste avant l'audience, Me Charles-Joseph Oudin, avocat de parties civiles.
"On va même en demander un peu plus en axant nos débats sur la persistance du déni des laboratoires Servier, qui continuent à nier leurs responsabilités, ce qui est particulièrement dur à vivre pour mes clients", a ajouté l'avocat.
Une cinquantaine de parties civiles devraient témoigner à la barre durant quatre jours fin février.
Présente à l'audience lundi, la pneumologue Irène Frachon, qui avait révélé au grand public l'ampleur du scandale, viendra de nouveau témoigner à la barre, même si elle a confié à l'AFP avoir "perdu confiance dans la capacité de la justice à condamner ce type d'infractions à la hauteur de la gravité des délits commis".
"La montagne a accouché d'une souris" en première instance, a-t-elle estimé en regrettant "la modicité des peines", en deçà des réquisitions du parquet, et une occasion manquée de "donner un signal fort" aux industriels du médicament qui ne respecteraient pas les règles.
Pour les avocats des parties civiles, l'enjeu du procès est d'obtenir la confirmation du jugement de première instance, le maintien a minima des indemnisations versées à leurs clients et que Servier soit reconnu coupable d'escroquerie.