LONDRES: La question de l’inégalité entre les sexes est sans aucun doute universelle.
Cependant, le féminisme, qui figure désormais au premier plan du discours mondial, reste largement occidental, en particulier en ce qui concerne les opinions sur la liberté de choix vestimentaire.
Les féministes traditionnelles ne reflètent pas la diversité des points de vue des femmes. Elles célèbrent les manifestants qui, en Iran, luttent contre les lois oppressives relatives aux codes vestimentaires. Cependant, elles ignorent les restrictions prolongées sur le hijab en France et en Inde, qui excluent les femmes musulmanes des lieux de travail et d’éducation.
Halima Aden, un mannequin, a annoncé sa retraite de l’industrie de la mode en 2021, déclarant à la BBC qu’elle considérait que son travail compromettait ses croyances religieuses.
Afin d’équilibrer le récit et d’inclure les points de vue de la région sur le féminisme, Arab News s’est entretenu avec la créatrice saoudienne Honayda Serafi, dont l’entreprise est au service de l’autonomisation des femmes.
En août, sa marque, Honayda, a été la première du Royaume à être exposée chez Harrods, à Londres.
Sa dernière collection, disponible dans le grand magasin et inspirée du flamboyant héritage afghan, propose des options nettement plus pudiques que celles qui sont ordinairement proposées par les marques grand public.
Cependant, la créatrice, qui se décrit comme «une féministe dans l’âme», explique qu’elle n’aime pas que ses produits se limitent à être pudiques ou osés; elle se concentre plutôt sur la satisfaction de tous les besoins.
«Nous vendons des robes et des pantalons longs ainsi que des shorts et des minirobes. Nous avons des cols hauts et des manches longues, mais aussi des pièces dos nu et sans manches», confie-t-elle.
Si la créatrice est convaincue qu’«il y a pour toute chose un moment et un lieu adéquats», elle ne préconise pas pour autant que les femmes se conforment aux idéaux de bienséance.
Elle suggère que le choix d’une tenue différente chaque jour reflète la compréhension des femmes des différents espaces sociaux.
«Ce n’est pas à moi de dire aux femmes comment elles doivent s’habiller. Mais ce qui est formidable, c’est qu’une femme peut choisir ce qu’elle porte en fonction de l’heure et du lieu, puisque sa tenue est un prolongement de son identité, de sa culture et du chemin de vie qu’elle trace.»
«Dans notre boutique, les femmes conservatrices trouveront des pièces qu’elles voudront porter dans des espaces mixtes et d’autres qu’elles ne choisiront de revêtir que lorsqu’elles ne sont entourées que de femmes», ajoute la créatrice.
Ses propos constituent une importante leçon féministe. La polyvalence d’une femme transcende les archétypes féminins comme «conservateur», «pudique», «osé» et «révélateur», qui sont rarement appliqués aux hommes.
Il est peut-être préférable d’éviter d’utiliser une terminologie qui réduit les femmes à être en quelque sorte des baromètres de la couverture corporelle.
Les vêtements ne sont pas seulement des morceaux de tissu. Ils revêtent de nombreuses significations sociales, culturelles et personnelles. Au fur et à mesure que nous formons notre vision du monde, nous apprenons à communiquer à travers le langage vestimentaire.
Au fil des ans, la créatrice réaffirme son engagement envers la mission principale de sa marque, qui consiste à raconter les histoires de femmes à travers le monde grâce à ses créations.
Sa collection printemps/été 2020 s’inspire de la garde-robe des femmes bédouines d’Arabie saoudite qu’elle observait, enfant, lors des récoltes effectuées dans les régions montagneuses d’Al-Hada et de Taïf. Les imprimés et les ornements traditionnels ont été traduits en robes, en combinaisons et en blazers élégants et contemporains.
Pour la collection automne/hiver 2020, elle a mis à l’honneur la légendaire guerrière berbère du VIIe siècle, la reine Dihya, en s’inspirant des motifs géométriques et des fils métalliques au cœur du costume amazigh.
La collection printemps/été 2021 a présenté des variations de dentelle, de mousseline et de décolletés ornés de bijoux – une manière de rendre hommage à l’ancienne juge de la Cour suprême des États-Unis, Ruth Bader Ginsburg, disparue en 2020.
Cette illustre femme, que l’on désigne souvent par ses initiales, RBG, a expliqué un jour à la BBC que son collier immédiatement reconnaissable était pour elle un moyen délibéré pour apporter une touche de féminité sur une robe judiciaire historiquement conçue pour les hommes.
Alors que Honayda Serafi poursuit son ascension vers le succès dans l’industrie mondiale de la mode, elle continue de tirer les autres vers le haut: c’est un excellent modèle de féminisme.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com