PARIS: Un temps présenté comme l'un des chefs de l'ETA, Mikel Irastorza a été condamné jeudi à Paris à trois ans de prison dont 19 mois ferme pour association de malfaiteurs terroriste, non comme un dirigeant mais comme un simple "membre actif" de l'organisation séparatiste entre 2012 et 2016.
Cet Espagnol de 47 ans, aujourd'hui journaliste pour un média basque, s'est présenté en début d'après-midi à la barre de la 16e chambre correctionnelle du tribunal de la capitale, s'exprimant dans sa langue natale à l'aide d'une interprète.
Son interpellation en novembre 2016, dans la maison d'un couple qui l'hébergeait à Ascain (Pyrénées-Atlantiques), avait fait grand bruit: le ministère espagnol de l'Intérieur l'avait alors présenté comme "le plus haut dirigeant du groupe terroriste ETA qui échappait à la justice".
A l'époque, l'Euskadi Ta Askatasuna (ETA), tenue pour responsable d'au moins 829 morts en plus de 40 ans, avait décrété en 2011 la fin de la lutte armée. C'est en 2017 que l'organisation séparatiste a annoncé son "désarmement total" avant, en 2018, de déclarer sa dissolution.
Mis en examen peu après son arrestation, Mikel Irastorza était alors soupçonné d'avoir dirigé l'appareil logistique de l'ETA et d'avoir succédé à Iratxe Sorzabal et David Pla, deux dirigeants présumés d'ETA, à la suite de leur arrestation en septembre 2015 en France.
Mais à l'issue de l'information judiciaire, le juge d'instruction soulignait que les investigations n'avaient pas permis de "déterminer son rôle" au sein d'ETA: il avait été renvoyé devant le tribunal pour avoir été un simple "membre actif".
Le couple franco-espagnol qui l'hébergeait, mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste, avait bénéficié d'un non-lieu.
Clandestinité
Lors de la perquisition du domicile, des ordinateurs et disques durs avaient notamment été saisis, ainsi que des outils de cryptage informatique. Ces supports contenaient une documentation "conséquente" de l'ETA concernant entre autres la confection de faux documents, les armes et les explosifs, a rappelé le président du tribunal.
L'ADN du prévenu a en outre "matché" dans les fichiers avec des relevés génétiques datant de 2012 et 2013, dans deux enquêtes antérieures visant des etarras.
Remis en liberté en août 2017, Mikel Irastorza s'est présenté à la barre comme un "militant indépendantiste" tout en répétant n'avoir été "membre d'aucune structure" et "encore moins numéro un de quoi que ce soit".
Cet homme brun, en jeans et pull tricolore, au casier vierge, a affirmé avoir eu un "rendez-vous" avec des membres de l'ETA à la "fin de l'été 2012", dans le contexte du "processus de paix".
Ont suivi ensuite selon lui "quelques mois" de "formation" sur la "vie en clandestinité, l'informatique, des débats politiques" mais "jamais de formation militaire".
Il a assuré n'avoir ensuite plus eu de "nouvelle" de l'organisation jusqu'à 2016, où on lui a "demandé de garder du matériel appartenant à l'ETA", un "sac" contenant le matériel informatique retrouvé en perquisition.
Une version peu goûtée par la procureure du parquet national antiterroriste (Pnat), qui a requis à son encontre cinq ans de prison, dont 20 mois ferme, ainsi qu'une inscription au fichier des auteurs d'infraction terroriste (Fijait).
"La procédure démontre qu'il a fréquenté de nombreux individus qui ont été membres de l'ETA, certains de rangs élevés", a-t-elle notamment fait valoir, relevant une "volonté persistante de dissimuler ses activités", une "maîtrise des technologies de cryptologie" et une "adhésion persistante à la cause nationaliste basque".
"On présente au départ M. Irastorza comme le numéro un de l'ETA. C'est complètement faux", a plaidé Me Serge Portelli pour la défense. "Ce que nous vous demandons, c'est de prendre la mesure de ce qu'est devenue cette procédure. Il y a presque plus rien, donc admettez-le", a-t-il lancé.
Après une courte suspension, le tribunal a rendu son jugement dans la soirée.
La partie ferme de la peine correspond aux mois de détention provisoire et de bracelet électronique que le prévenu a déjà effectués: il ne devra donc pas la purger. Mikel Irastorza n'a pas non plus été inscrit au Fijait, comme la plupart des condamnés pour ce type d'infraction.