BAYONNE: Basques, Bretons, Catalans, Corses ou Alsaciens : des milliers de personnes ont manifesté samedi dans plusieurs villes de France pour défendre l'enseignement partiel en langues régionales à l'école, actuellement débattu au Parlement, et préserver ce qui pour eux fait partie intégrante du patrimoine linguistique national.
Le Conseil constitutionnel, qui vérifie si les lois adoptées par le Parlement sont conformes aux dispositions de la Constitution française, a partiellement retoqué le 21 mai la proposition de loi du député breton Paul Molac en faveur des langues régionales.
L'institution a censuré la méthode immersive à l'école, c'est-à-dire un enseignement effectué pour une grande partie du temps scolaire dans une langue autre qu'en français.
« Les gens sont là parce qu'ils ont peur que les écoles associatives soient fermées. La décision du Conseil constitutionnel pourrait leur enlever tous leurs financements » et « remet en cause une méthode pédagogique utilisée depuis plus de 50 ans », a déclaré Paul Molac, présent parmi les manifestants bretons à Guingamp (ouest). Ils étaient 6 000 selon les autorités et 10 000 selon les organisateurs.
Breton, alsacien, catalan, corse, basque mais aussi créole, occitan, béarnais, picard, flamand... on compte en France environ 75 langues régionales. Elles sont réconnues par la Constitution comme faisant partie du patrimoine national et peuvent être choisies comme langue vivante au baccalauréat.
A Bayonne (sud-ouest), entre 6 000 et 10 000 personnes ont manifesté dans les rues de la cité basque, dans une ambiance calme. « On a besoin de solutions pour ne pas qu'un enfant sur cinq en maternelle se retrouve anticonstitutionnel à la rentrée », a réclamé Peio Jorajuria, président de la Fédération des écoles associatives immersives, dites ikastola, où 5 000 enfants sont scolarisés.
En rangs serrés, les enfants ont défilé derrière les panneaux de leurs écoles respectives. Le basque, « c'est la première langue que j'ai apprise, j'aime la parler et je veux continuer à la parler à l'école et en dehors », a expliqué Naroa, 8 ans.
« Du jour au lendemain on nous dit que cet enseignement est tout simplement illégal. Je suis très inquiet pour ma langue. Dire qu'on est contre le français est un faux argument », craint Arkaitz, venu avec sa fille Otxanda, 8 ans.
« Modifier la Constitution »
A Perpignan (sud), un millier de Catalans ont aussi défilé au son des tambours, en brandissant des drapeaux « sang et or ».
« On dirait qu'ils ne savent pas ce que c'est qu'une école immersive. Ils croient que l'on n'apprend pas le français », a déploré Elena Gual, directrice de l'école Arrels, école publique en immersion à Perpignan.
« Pourtant l'inspection d'académie vient contrôler régulièrement et sait bien qu'on fait le travail comme il faut. On voudrait continuer à enseigner et faire ce que l'on fait depuis 40 ans », a-t-elle ajouté.
Selon Yann Uguen, président des écoles associatives d'enseignement immersif en breton Diwan, « il faut modifier la Constitution » pour sortir de « l'impasse ».
« C'est une régression, car c'est le principe même de l'enseignement immersif d'une langue régionale qui a été déclaré inconstitutionnel », a également critiqué Claude Froehlicher, président de l'association de parents d'élèves Eltern Alsace, à Colmar (est), où environ 200 personnes se sont réunies samedi sous les drapeaux rouge et blanc alsaciens.
Les deux petites filles de 7 et 5 ans de Cécile Walschaerts, Belge mariée à un Alsacien, ont fait leurs années de maternelle en immersion alsacien/allemand.
« La seule façon de faire en sorte que mes enfants puissent devenir des vrais locuteurs de l'alsacien et transmettent plus tard à leurs enfants une langue qui est dans leur famille depuis des siècles, c'est l'enseignement en immersion », a-t-elle expliqué.
Apprendre l'alsacien, c'est entrer dans « un univers de comptines, de légendes, de jeux dans cette langue », a-t-elle souligné, refusant que cet apprentissage soit réduit à « un folklore ».
A Bastia (île de Corse), des chants polyphoniques corses ont clôturé à la mi-journée la manifestation d'un peu moins de 200 personnes, dont le leader du mouvement indépendantiste « Corsica Libera » et président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, devant l'inspection académique pour la défense de la langue corse. Deux banderoles ont été déployées avec le message « Pour que vivent nos langues ».