BRUXELLES: L'eurodéputée grecque Eva Kaili, mise en cause dans un retentissant scandale de corruption présumée impliquant le Qatar et qui clame son innocence, est restée en détention mercredi après le report de sa comparution devant la justice au 22 décembre.
Déchue de son poste de vice-présidente du Parlement européen, Mme Kaili a clamé son innocence par la voix d'un de ses avocats à Athènes, assurant ignorer l'existence des sacs de billets de banque retrouvés à son domicile bruxellois par les enquêteurs.
Interpellée vendredi dans la capitale belge, l'élue âgée de 44 ans est soupçonnée d'avoir été payée par le Qatar pour défendre les intérêts de cet émirat qui accueille actuellement le Mondial de football.
Trois autres suspects écroués depuis dimanche dans ce "dossier de corruption, blanchiment d’argent et organisation criminelle au sein du Parlement européen" ont comparu mercredi devant la chambre du conseil du Tribunal de première instance de Bruxelles.
Francesco Giorgi, le compagnon d'Eva Kaili, a été maintenu en détention préventive, de même que l'ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri, a annoncé le parquet fédéral.
Le troisième homme, Niccolo Figa-Talamanca, responsable de l'ONG "No Peace Without Justice", devait être libéré moyennant le port d'un bracelet électronique.
"L'affaire a été disjointe" pour Mme Kaili, qui n'a pu être présente au tribunal mercredi en raison d'un mouvement de grève en prison, a expliqué son avocat bruxellois, André Risopoulos. Sa comparution devant la chambre du conseil a été reportée au 22 décembre.
Son autre avocat à Athènes, Michalis Dimitrakopoulos, a déclaré dans un entretien avec l'AFP qu'elle était "innocente".
Eva Kaili n'a "aucun rapport avec l'argent retrouvé à son domicile (...), elle ne connaissait pas l'existence de cet argent", a-t-il assuré.
Des sacs remplis de billets d'une valeur de 150 000 euros ont été découverts dans son appartement à Bruxelles, selon une source judiciaire belge.
Le juriste, qui a dit s'être entretenu à plusieurs reprises au téléphone avec sa cliente en détention, a souligné que "seul son compagnon", avec qui elle vivait, pouvait fournir "des réponses sur l'existence de cet argent".
Le père de la responsable politique a pour sa part été surpris avec une valise contenant 750 000 euros en liquide.
Enfin, 600 000 euros ont été saisis au domicile de Pier-Antonio Panzeri, un ancien eurodéputé socialiste italien désormais à la tête d'une ONG dans la capitale belge.
Onde de choc en Grèce
Le Qatar a fermement démenti les accusations, mais une source judiciaire en Belgique a confirmé que ce pays était bien soupçonné par les enquêteurs belges.
S'exprimant pour la première fois sur ce scandale qui a mis tout son pays en émoi, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a jugé que cette affaire portait "atteinte (...) à la démocratie au moment où le populisme prévaut".
"J'espère que cette affaire sera rapidement résolue (...) car elle porte atteinte au prestige de l'Europe", a-t-il également indiqué, devant des représentants de la communauté grecque à Bruxelles.
Le Parlement européen a déchu mardi l'élue grecque de sa fonction de vice-présidente.
Cette sanction pour "faute grave" a été approuvée à la quasi-unanimité des eurodéputés présents à Strasbourg, soit 625 votes favorables sur 628 exprimés.
Eva Kaili, membre du Parlement européen depuis 2014 après avoir été députée du Parlement grec (Vouli) entre 2007 et 2012, occupait depuis onze mois seulement l'une des 14 vice-présidences du Parlement.
Selon des sources au sein du parti socialiste grec (Pasok-Kinal), la direction de cette formation politique, déjà ébranlée dans son histoire par des affaires de corruption, fait aussi pression sur Eva Kaili pour qu'elle renonce à son siège de députée européenne.
Le dirigeant du Pasok-Kinal, également eurodéputé, Nikos Androulakis a proposé mardi devant l'assemblée plénière du Parlement européen la création d'"un organe spécial chargé d'examiner les actifs des députés européens et la manière dont ils ont été acquis".
Cette affaire a parallèlement provoqué une onde de choc en Grèce, gangrénée par les affaires de corruption, suscitant le ras-le-bol de la population.
De nombreux Grecs ont exprimé leur honte de voir cette ancienne présentatrice de la télévision impliquée dans un tel scandale.
Dès lundi, l'Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d'argent avait gelé tous les avoirs de la députée européenne et de ses proches.