La répression du régime iranien, plus particulièrement à l’encontre des minorités religieuses et ethniques, a atteint un nouveau sommet. Certaines des attaques les plus violentes contre les manifestants ces trois derniers mois ont eu lieu dans des provinces où résident des minorités, notamment des Kurdes, des Arabes, des sunnites et des Baloutches.
Trois institutions majeures semblent être impliquées: le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), son groupe paramilitaire, les Bassidji et les forces de sécurité du régime. Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch (HRW), a averti que les attaques des forces du CGRI «contre des zones résidentielles dans la région du Kurdistan irakien s’inscrivent dans une longue histoire d’attaques meurtrières contre des civils, y compris pendant la guerre en Syrie. Les pays qui cherchent à tenir l’Iran pour responsable de sa répression brutale (...) devraient également veiller à ce que les responsables du meurtre de civils à l’étranger sans discernement soient eux aussi tenus pour responsables».
Il convient de noter que Mahsa Amini, dont la mort alors qu’elle était détenue par la «police des mœurs» iranienne a déclenché les manifestations nationales toujours en cours, appartenait à la minorité ethnique kurde et à la minorité religieuse sunnite. Si de nombreux Iraniens sont persécutés pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, comme la liberté d’expression, la persécution des minorités ethniques semble être proportionnellement beaucoup plus importante.
Comme l’a souligné précédemment Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW: «Les autorités iraniennes font preuve de peu de tolérance à l’égard de la dissidence politique où que ce soit dans le pays, mais elles sont particulièrement hostiles à la dissidence dans les zones minoritaires où il y a une histoire d’activités séparatistes.»
L’Iran compte plusieurs groupes ethniques minoritaires, qui vivent principalement dans des provinces limitrophes. Ces minorités ethniques comprennent les Arabes, qui vivent près de la frontière irakienne dans le sud-ouest de l’Iran; les Kurdes, qui résident dans le nord-ouest, dans ce que l’on appelle le Kurdistan iranien; les Azéris, qui sont originaires de plusieurs provinces, dont Téhéran, Hamadan et l’Azerbaïdjan oriental et enfin les Baloutches, qui résident principalement dans la province du Sistan-et-Baloutchistan, dans le sud-est du pays, à la frontière avec le Pakistan.
Cela laisse également penser qu’il existe une plus grande discrimination à l’encontre des personnes vivant dans les provinces limitrophes. Il se trouve que de nombreux membres des groupes ethniques minoritaires appartiennent aussi à la minorité religieuse de l’Iran, les sunnites. Les sunnites constituent la plus grande minorité religieuse du pays, et beaucoup d’entre eux appartiennent à différents groupes ethniques: arabes, baloutches, turkmènes et kurdes.
Depuis sa création en 1979, la République islamique considère généralement les minorités ethniques et religieuses du pays comme suspicieuses
Dr Majid Rafizadeh
Selon le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Iran, les sunnites du pays s’inquiètent depuis longtemps du fait que les «autorités ne les nomment pas ou ne les embauchent pas à des postes gouvernementaux de haut niveau, comme ceux de ministre ou de gouverneur». Ils s’inquiètent également «des restrictions qui seraient imposées à la construction de mosquées sunnites dans les zones à majorité chiite, y compris dans la capitale Téhéran, et de l’exécution ou exécution imminente d’activistes sunnites qui, selon le gouvernement, seraient impliqués dans des activités liées au terrorisme».
Depuis sa création en 1979, la République islamique perçoit généralement les minorités ethniques et religieuses du pays comme suspicieuses et les considère comme un groupe d’opposition ou comme des étrangers. En outre, étant donné que l’un des grands principes révolutionnaires et religieux des mollahs au pouvoir en Iran est d’exporter l’idéologie chiite, les groupes non chiites sont généralement considérés comme des rivaux, des conspirateurs ou des menaces pour la réalisation des objectifs idéologiques du régime.
Cela explique pourquoi, bien que les sunnites représentent environ 10% de la population iranienne, aucun sunnite n’a été nommé à un poste gouvernemental de haut niveau depuis l’instauration du régime en 1979. Tout cela se produit en dépit de l’article 12 de la Constitution iranienne, qui dispose que «les autres écoles islamiques, notamment les écoles hanafi, shafi’i, maliki, hanbali et zaydi, doivent bénéficier d’un respect total et leurs adeptes sont libres d’agir conformément à leur propre jurisprudence dans l’accomplissement de leurs rites religieux. Ces écoles jouissent d’un statut officiel pour les questions relatives à l’éducation religieuse, aux affaires de statut personnel (mariage, divorce, héritage et testaments) et aux litiges connexes devant les tribunaux».
Par ailleurs, il convient de noter que les minorités ethniques et religieuses d’Iran vivent généralement dans des provinces où les ressources naturelles sont abondantes. Par exemple, le Khouzestan est l’une des provinces les plus riches en pétrole et en gaz naturel d’Iran. Elle produirait 85 à 90% du pétrole iranien, ce qui en fait le principal pilier de l’économie du pays et des recettes du gouvernement. Néanmoins, bien que le Khouzestan soit riche en ressources naturelles, une grande partie de sa population arabe et sunnite vit dans la pauvreté. Les Baloutches connaissent la même situation désastreuse, car ils sont traités comme des citoyens de seconde zone, réprimés et mis à l’écart.
En bref, le régime iranien a récemment intensifié la répression brutale et la suppression des minorités ethniques et religieuses. Les minorités du pays, notamment les Kurdes, les Arabes, les Baloutches et les sunnites, doivent être libres d’exercer leurs droits constitutionnels. Il est important que les groupes de défense des droits de l’homme et la communauté politique internationale exercent une pression sur le régime iranien pour qu’il mette fin à la persécution et au harcèlement des minorités religieuses et ethniques.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com