PARIS: Le recours massif au chômage partiel dans la grande distribution pour compenser l'arrêt de la vente de produits « non essentiels » lié au reconfinement suscite l'incompréhension des syndicats, qui dénoncent une mesure coûteuse, injustifiée.
Cela a « un coût pour les finances publiques » et c'est « l'illustration d'une dépense dont on aurait pu s'exonérer », a estimé lundi le leader de la CFDT, Laurent Berger. Il s'étonne que cette mesure, « légale » et qu'« on peut comprendre » pour les hypermarchés, concerne aussi les magasins de proximité dont les ventes sont pourtant peu impactées par le confinement.
Pour Guy Laplatine, de la CFDT Auchan, « la décision est redoutable. Ca n'arrangera pas les affaires des petits commerçants et ça reporte l'activité sur le e-commerce ».
« C'est un vol organisé couvert par l'Etat », s'est insurgée la fédération CGT Commerce-service auprès de l'AFP. Elle appelle « l'ensemble des salarié.e.s à se mobiliser massivement le 27 novembre, jour du Black Friday ».
La CGT des hypermarchés Carrefour avait déjà accusé vendredi le groupe de « profiter de l'aubaine financière pour réaliser des économies substantielles sur le dos des contribuables ».
Même son de cloche pour la FGTA-FO qui revendique « le paiement à 100% de l'activité partielle pour tous les salariés ». Cette mesure, souligne-t-elle dans un communiqué, « fait payer aux salariés, tant félicités il y a quelques semaines, l'incohérence des décisions gouvernementales ».
Face aux critiques, la ministre du travail Élisabeth Borne a assuré dimanche que le gouvernement « vérifierait » que toutes les demandes soient « justifiées » et a fait valoir que l'activité partielle servait « à éviter les licenciements ».
« Nos impôts »
Un discours « insensé » qui « masque une mesure injuste », estime Amar Lagha, secrétaire général de la CGT Commerce-service, auprès de l'AFP, en rappelant que le distributeur Auchan Retail France a annoncé début septembre la suppression de 1.475 nouveaux postes, après plus de 500 début 2020.
En dépit de la crise Covid, son excédent brut d'exploitation (Ebitda) était en hausse de 162 millions d'euros par rapport au premier semestre 2019 pour s'établir à 1,25 milliard d'euros au premier semestre 2020.
« Les grands groupes ne vendent plus de chaussures, de vêtements...depuis 15 jours d'accord, mais ils n'ont jamais fait autant de bénéfices depuis le premier confinement. Le chômage partiel, financé avec nos impôts, ne leur coûte rien ou pas grand chose. On est très loin de la solidarité nationale », dénonce M. Lagha.
Les acteurs de la grande distribution qui emploie plus de 660.000 salariés en France, considèrent généralement que les rayons non-alimentaires (habillement, loisir, ameublement, électronique…) dont la très grande majorité sont considérés comme «non essentiels», représentent en moyenne entre 15 et 20% de l'activité des grandes surfaces.
Selon le président d'Intermarché/Netto, Thierry Cotillard, le reconfinement et l'interdiction de vendre ces produits ont entraîné une baisse d'activité de 15% environ et de 20% de la fréquentation dans les enseignes du groupe.
« Pour les plus gros formats, cela représente 10 à 15% du chiffre d'affaires, et pour l'ensemble des Intermarchés c'est 5%. Donc quand vous faites une semaine à 500 millions, ce sont 25 millions de chiffre d'affaire qui ne se réalisent pas dans nos Intermarchés par semaine », a précisé M. Cotillard sur Europe 1.
Le groupe Carrefour, qui a lui aussi recours au chômage partiel et a annoncé par courrier à ses salariés le maintien de la totalité de leur rémunération, a confirmé à l'AFP que 78.000 d'entre eux (sur 95.000 salariés en France, soit 82%) étaient concernés par cette mesure, des chiffres publiés par le magazine spécialisé LSA lundi.
« Pour la première fois de ma vie je vais être en chômage partiel à 10% (...) Certains sont à 50% notamment au textile, la majorité à 10% », a déclaré à l'AFP Patrice Auvinet, délégué CGT dans un Carrefour géant d'Angers.
Il dit « contester l'utilisation des subventions et impôts pour pallier la baisse de chiffre d'affaires » après « des résultats très bons en début d'année quand on était les seuls ouverts pendant le premier confinement ».
« D'autant, ajoute-t-il, qu'on continue de vendre des jouets aux clients qui le demandent: le client nous dit ce qu'il veut, on va chercher le produit et on l'apporte à l'accueil. »