PARIS: Malgré la toujours vive opposition des syndicats, l'exécutif privilégie un report de l'âge de départ à la retraite à 65 ans pour sa réforme qui devrait être portée dans un texte budgétaire relatif à la Sécurité sociale, ouvrant la porte à un nouveau 49.3.
Les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT, Laurent Berger et Philippe Martinez, ont déjà promis une mobilisation sociale "déterminée" en cas de report de l'âge de départ, à l'issue de leurs rendez-vous jeudi avec Elisabeth Borne, pour parler de cette réforme qu'elle doit présenter autour du 15 décembre.
Interrogée jeudi soir sur ces entretiens en marge d'un séminaire franco-sénégalais, la Première ministre a jugé "important" d'avoir "ces échanges approfondis": "tout ça va nourrir le contenu" de la réforme, dont les contours se dessinent de plus en plus clairement.
"Tout le monde était d'accord sur 65 ans", a résumé un participant d'un dîner mercredi soir à l’Élysée, autour du président de la République Emmanuel Macron et de la cheffe du gouvernement, avec les responsables de la majorité et plusieurs ministres.
"Le président de la République a été ferme, il a dit (...) qu'il s'était engagé sur 65 ans. Donc on ne va pas tourner casaque avant le match", a ajouté ce participant.
La patronne des députés Renaissance Aurore Bergé a redit sur LCI jeudi matin "assumer" ce report à 65 ans, qui a été convenu à ce dîner.
49.3 «pas tabou»
Le patron du MoDem François Bayrou, autour de la table mercredi soir, a selon différentes sources souhaité faire davantage de "pédagogie" sur le sujet. Le Haut commissariat au Plan qu'il pilote a d'ailleurs publié jeudi une note pour "éclairer" l'opinion, jugeant une réforme nécessaire.
Emmanuel Macron avait défendu pendant la campagne présidentielle un report de l'âge légal de 62 à 65 ans, avant d'évoquer une fois réélu un recul à 64 ans couplé à une augmentation de la durée de cotisation.
Ces points font l'objet d'une concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux qui doit se terminer vendredi.
Quant à la méthode, le projet de loi rectificatif de financement de la Sécurité sociale (PLFSSR) est le "véhicule qui est envisagé" pour cette réforme "pour ne pas hypothéquer la cartouche unique de 49.3", selon deux participants au dîner.
Sur les textes budgétaires, comme le PLFSSR, le gouvernement peut dégainer à loisir l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote. Mais sur un texte non budgétaire, il ne peut l'utiliser qu'une seule fois par session.
Le 49.3, "ça ne doit pas être tabou", a confirmé Aurore Bergé, si les oppositions, et notamment la droite, qui prône elle aussi un report de l'âge, sont "arc-boutées".
"On a besoin de partenaires. Aujourd’hui, c'est pas un secret, il n'y a personne qui veut jouer avec nous", a reconnu un cadre de la majorité, espérant encore un "geste" de la CFDT.
"Tout report de l'âge légal de départ en retraite fera que la CFDT sera en intersyndicale pour se mobiliser", a pourtant prévenu M. Berger à sa sortie de Matignon.
Les syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU) ont annoncé lundi qu'ils décideraient d'une "première date de mobilisation unitaire" en janvier "si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet".
«Coup de force»
Sur le front politique, la recherche d'alliés paraît tout aussi compliquée pour la Première ministre qui s'entretiendra la semaine prochaine avec les différents groupes parlementaires, de la majorité comme de l'opposition.
Même si Bruno Retailleau, qui brigue contre Éric Ciotti la présidence de LR, ne ferme pas la porte. "Si c'est une réforme qui vient sur nos propositions à nous, je ne vois pas pourquoi je m'y opposerai", a-t-il assuré sur Sud Radio, en citant un report à 64 ans, ainsi qu'un allongement de la durée de cotisation.
Rien à espérer en revanche pour le gouvernement du côté du RN, ou, à l'autre bout de l'échiquier, de La France insoumise.
En cas de 49.3, "nous voterons l'intégralité des motions de censure qui seront déposées" et "nous en déposerons une", a déjà averti sur RTL Marine Le Pen, opposée à ce "coup de force".
"Il n'y a aucune raison de briser un système qui n'est pas en péril", a aussi déploré la députée LFI Clémentine Autain sur Public Sénat.