Pour les travailleurs sans-papiers, la régularisation comme espoir contre l'«hypocrisie»

Des manifestants brandissent une banderole sur laquelle est écrit "Postiers sans papiers, régularisation !" lors d'une manifestation en faveur de la régularisation des migrants clandestins et de leurs conditions de vie dans le cadre d'une campagne "antiracisme et solidarité" le jour de la journée internationale des migrants, à Paris, le 18 décembre 2021. (Photo par Alain JOCARD / AFP)
Des manifestants brandissent une banderole sur laquelle est écrit "Postiers sans papiers, régularisation !" lors d'une manifestation en faveur de la régularisation des migrants clandestins et de leurs conditions de vie dans le cadre d'une campagne "antiracisme et solidarité" le jour de la journée internationale des migrants, à Paris, le 18 décembre 2021. (Photo par Alain JOCARD / AFP)
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Publié le Lundi 05 décembre 2022

Pour les travailleurs sans-papiers, la régularisation comme espoir contre l'«hypocrisie»

  • Ils sont maçons, cuisiniers, agents d'entretien... Tous répondent aux critères de régularisation du gouvernement, qui veut créer un titre de séjour "métier en tension" à la faveur de son projet de loi sur l'immigration
  • Comme beaucoup, Moussa, qui dirige «une cinquantaine de personnes», travaille sous «alias», avec l'identité d'une autre personne. Son employeur l'ignore

BOBIGNY: Sa carrure musculeuse n'aide pas: Moussa (prénom modifié) voudrait passer inaperçu. Du moins pour l'instant. Car le Malien, qui travaille clandestinement en France depuis cinq ans, s'apprête à jouer son avenir à "quitte ou double", en demandant sa régularisation.

Quelques minutes plus tôt, en ce jeudi matin de la fin novembre, il s'est engouffré dans un local de la CGT à Bobigny (Seine-Saint-Denis), mêlé aux silhouettes d'une centaine d'autres travailleurs sans-papiers, accompagnés dans leurs démarches par le syndicat.

Ils sont maçons, cuisiniers, agents d'entretien... Tous répondent aux critères de régularisation du gouvernement, qui veut créer un titre de séjour "métier en tension" dans les secteurs qui manquent de bras, à la faveur de son projet de loi sur l'immigration.

"J'attends ça de pied ferme, c'est ce qu'il faut. On est là, mais cachés, donc autant nous régulariser, faire les choses bien, qu'on puisse cotiser", explique le jeune homme de 30 ans, chef d'équipe dans la propreté.

Comme beaucoup, Moussa, qui dirige "une cinquantaine de personnes", travaille sous "alias", avec l'identité d'une autre personne. Son employeur l'ignore.

"Aujourd'hui, ma vie est bloquée, je ne peux pas avoir mon propre appartement, être autonome et je dois faire attention pour éviter qu'on découvre ma vraie identité. Ça met en tension permanente. Quand je vais en parler au patron, ce sera quitte ou double. Soit il m'aide, soit je perds mon travail", anticipe-t-il.

Expulsions, régularisations, asile: les principaux axes de la loi immigration

Expulser davantage les "étrangers délinquants", réformer le système d'asile et régulariser certains travailleurs sans-papiers. Le gouvernement va dévoiler les grandes lignes de son projet de loi sur l'immigration mardi, avant un débat sans vote à l'Assemblé nationale. En voici les principaux axes.

Expulser davantage

Conformément aux déclarations du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin depuis l'été, le gouvernement veut profiter de cette loi pour "donner la priorité à l'éloignement des étrangers délinquants", selon un document de présentation du projet de texte consulté par l'AFP.

Prenant acte que le taux d'exécution des "obligations de quitter le territoire français" (OQTF) n'a jamais dépassé les 20% - il se situe plutôt en-dessous de 10% aujourd'hui -, le gouvernement prévoit une série de durcissements.

Il veut en premier lieu "simplifier le contentieux des étrangers", qui engorge les tribunaux administratifs, en passant de douze recours possibles contre les expulsions à trois: "deux procédures urgentes et une procédure ordinaire".

Le texte prévoit également, en cas de menace grave à l'ordre public, de "lever les protections" contre l'expulsion dont bénéficient certains immigrés, notamment ceux arrivés en France avant 13 ans, ceux y résidant depuis plus de 10 ans et les étrangers mariés à des Français depuis plus de trois ans.

Réformer le système d'asile

Le gouvernement veut engager une "réforme structurelle" à "tous les stades" de la demande d'asile avec un double objectif: accélérer les procédures et parvenir à expulser plus rapidement.

L'une de mesures-phares du texte vise à délivrer une OQTF aux demandeurs d'asile "dès le

prononcé de la décision de rejet de l'Ofpra", l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans attendre un éventuel recours.

En cas d'appel suspensif, l'OQTF "sera prise immédiatement" mais son exécution "sera reportée à la date de la décision de la CNDA", la Cour nationale du droit d'asile qui statue en appel, précise le document émanant des ministères de l'Intérieur et du Travail.

Le projet de loi prévoit d'élargir le recours à un juge unique à la CNDA, qui statue essentiellement de façon collégiale, ainsi que la "territorialisation" de cette juridiction (actuellement basée en région parisienne) au sein de cours administratives d'appel en régions.

Toujours dans une logique d'accélération des procédures, des espaces France Asile seront créés, avec la "présence d'agents de l'Ofpra" aux côtés de ceux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et des préfectures. Cela doit permettre "de gagner un mois sur les délais d'introduction de la demande".

Régulariser les travailleurs sans-papiers

L'exécutif, qui entend faire du travail "le premier lieu de l'intégration des étrangers", veut permettre aux travailleurs sans-papiers "déjà sur le territoire" d'obtenir un titre de séjour "spécifique" quand ils répondent "aux besoins de métiers en tension".

Cela passera par une mise à jour de la liste de ces métiers, créée en 2008 et actualisée une seule fois en 2021. Selon le document, le gouvernement veut y intégrer des secteurs tels que la restauration, la petite enfance, le bâtiment, la propreté et la logistique, des milieux "qui recourent trop souvent à l'emploi clandestin".

Ces dispositions s'accompagneront d'une lutte renforcée contre le travail illégal, par des amendes "dissuasive(s) et appliquée(s)" pour les employeurs.

Autre piste: permettre aux travailleurs de changer d'employeur sans passer par une nouvelle procédure d'autorisation de travail, actuellement à la main des employeurs.

Le gouvernement souhaite par ailleurs "permettre à certains demandeurs d'asile" d'être exonérés du délai de carence de six mois avant de pouvoir travailler, "lorsque l'on peut estimer qu'ils ont de grandes chances d'obtenir une protection internationale", comme les Afghans.

La langue française, condition d'intégration

L'exécutif veut "conditionner la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d'un niveau minimal de français", selon le projet de texte qui prend acte que "25% des étrangers" engagés dans cet apprentissage "n'atteignent pas le niveau requis".

Cela "rendrait le système plus incitatif", estime le gouvernement, qui entend s'aligner sur une liste de voisins européens cités: Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Italie, Portugal.

Gérald Darmanin avait esquissé, en novembre sur CNews, la piste d'un examen linguistique pour tous les titulaires d'un titre de séjour, une "révolution énorme" selon lui. Il avait alors estimé que 200.000 personnes déjà en France allaient devoir passer cet examen.

«Hypocrisie»

Avec cette carte de séjour, le gouvernement "a fait la moitié du chemin", mais plusieurs écueils demeurent, estime Jean-Albert Guidou, qui pilote le collectif immigration de la CGT. "D'abord, il faudrait changer la liste" des métiers en tension, obsolète, un sujet sur lequel le

ministère du Travail planche depuis novembre. Ensuite, "que se passe-t-il quand le métier n'est plus en tension", interroge le syndicaliste, qui dénonce "l'exploitation" de ces travailleurs et réclame "la fin de l'hypocrisie".

Sans cette main d’œuvre, poursuit-il, "les poubelles ne seraient pas vidées, il n'y aurait pas de cuisiniers dans les restaurants et pas d'ouvriers sur les chantiers".

Djibril (prénom modifié), poissonnier sur le marché de Rungis, préfère en rire: "C'est sûr qu'il n'y a pas beaucoup de Français qui veulent mon travail". Les horaires ? 21H-5H00 du matin, après quoi il faut errer en attendant les premiers transports en commun, faute de pouvoir passer le permis de conduire.

Blouson des Lakers sur le dos, cet autre Malien de 26 ans sort d'une pochette plastique ses dix-huit fiches de paie, établies au nom d'un "cousin". Insuffisant pour que le dossier soit envoyé en préfecture, regrette un bénévole qui le reçoit.

Le poissonnier voit d'un bon œil une autre mesure présentée par le gouvernement: permettre aux travailleurs de solliciter eux-mêmes leur régularisation, sans passer par l'employeur, pour casser certaines dérives.

Carte Barbès

Autant de promesses auxquelles Zeid Touré ne "croi(t) pas". L'Ivoirien de 37 ans vient d'être mis à pied par son entreprise -il nettoyait l'hôpital de Montreuil-, qui a découvert que sa carte de séjour, achetée dans le quartier populaire de Barbès, était une fausse.

"Les entreprises font ce qu'elles veulent. Elles se servent des sans-papiers tant que ça les arrange et ensuite elles nous virent. Il y a d'autres sans-papiers qui travaillent (pour la même entreprise, NDLR), eux on les garde", croit savoir le père de trois enfants nés en France, sous le coup d'une procédure d'expulsion.

"C'est hypocrite", juge lui aussi Djiberou, Malien de 51 ans qui manifestait fin novembre devant la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), en banlieue parisienne, pour réclamer une vague de régularisation.

Un scénario que le gouvernement a écarté, répétant que la carte de séjour "métier en tension" relèverait d'un examen individuel mais pas d'une "régularisation massive" dénoncée à droite et à l'extrême droite.

En attendant, grogne Djiberou, agent d'entretien depuis trois ans, "tout le monde sait qu'on est là, qu'on travaille, le seul résultat c'est que je vis dans un foyer sans aucun droit".

Sollicitée, la CPME n'a pas donné suite, mais les manifestants reçus dans ses locaux ont rapporté un "intérêt" du patronat pour la mesure gouvernementale.

S'il obtient sa régularisation, Moussa, lui, sait déjà ce qu'il fera: aider les agents de propreté sans-papiers de son équipe. "Et je suis sûr qu'il y en a plein."


Attaque contre des prisons: Bayrou mercredi dans l'Isère avec Darmanin et Retailleau

François Bayrou se rend mercredi, en compagnie du garde des Sceaux Gérald Darmanin et du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) pour exprimer son soutien au personnel pénitentiaire, a-t-on appris auprès de Matignon. (AFP)
François Bayrou se rend mercredi, en compagnie du garde des Sceaux Gérald Darmanin et du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) pour exprimer son soutien au personnel pénitentiaire, a-t-on appris auprès de Matignon. (AFP)
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  • Le Parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi de multiples faits visant depuis mi-avril plusieurs établissements pénitentiaires et des surveillants en France
  • Un groupe revendiquant la "défense des droits des prisonniers français", ou DDPF, sigle retrouvé aux abords des prisons prises pour cibles, avait publié vidéo et menaces sur la messagerie cryptée Telegram

PARIS: François Bayrou se rend mercredi, en compagnie du garde des Sceaux Gérald Darmanin et du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) pour exprimer son soutien au personnel pénitentiaire, a-t-on appris auprès de Matignon.

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi de multiples faits visant depuis mi-avril plusieurs établissements pénitentiaires et des surveillants en France.

Un groupe revendiquant la "défense des droits des prisonniers français", ou DDPF, sigle retrouvé aux abords des prisons prises pour cibles, avait publié vidéo et menaces sur la messagerie cryptée Telegram.

Le Pnat a notamment annoncé lundi se saisir de l'enquête sur des tirs par arme à feu et des jets de cocktails Molotov ayant visé dans la nuit un lotissement en Isère où résident des agents pénitentiaires.

Dans la nuit de dimanche à lundi, "plusieurs tirs par arme à feu et jets de cocktail Molotov ont visé des pavillons dans un lotissement en Isère, où résident plusieurs agents pénitentiaires" et "des graffitis +DDPF+ (droits des prisonniers français, NDLR) ont été découverts sur place", a indiqué le parquet national antiterroriste (Pnat), qui "s'est saisi de ces faits".

À Villefontaine, commune iséroise située non loin de la prison de Saint-Quentin-Fallavier, la porte d'une maison a été incendiée et des impacts de tirs ont été découverts sur la façade, selon la gendarmerie et des sources syndicales. Une inscription "DDPF" a été retrouvé taguée sur le domicile.

M. Darmanin a indiqué mardi que "plusieurs attaques" contre des prisons "ont été dissuadées" dans la nuit de lundi à mardi.


Un jeune homme, poignardé près d'un point de deal, entre la vie et la mort

La victime a reçu "une vingtaine de coups de couteau" lundi soir et "son pronostic vital reste engagé" mardi midi, a précisé la source policière, confirmant une information du quotidien régional Le Progrès. (AFP)
La victime a reçu "une vingtaine de coups de couteau" lundi soir et "son pronostic vital reste engagé" mardi midi, a précisé la source policière, confirmant une information du quotidien régional Le Progrès. (AFP)
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  • La victime a reçu "une vingtaine de coups de couteau" lundi soir et "son pronostic vital reste engagé" mardi midi, a précisé la source policière, confirmant une information du quotidien régional Le Progrès
  • L'agression a eu lieu vers 23H30 dans le quartier du Tonkin, où de nombreux points de deal ont été démantelés ces derniers mois mais qui reste un haut-lieu du trafic de stupéfiants dans l'agglomération lyonnaise

LYON: Un jeune homme est entre la vie et la mort après avoir été poignardé à proximité d'un point de deal à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, a indiqué mardi à l'AFP une source policière.

La victime a reçu "une vingtaine de coups de couteau" lundi soir et "son pronostic vital reste engagé" mardi midi, a précisé la source policière, confirmant une information du quotidien régional Le Progrès.

L'agression a eu lieu vers 23H30 dans le quartier du Tonkin, où de nombreux points de deal ont été démantelés ces derniers mois mais qui reste un haut-lieu du trafic de stupéfiants dans l'agglomération lyonnaise.

La victime, un "jeune homme", est "défavorablement connue de la justice", mais le lien avec le trafic de drogues "n'a pas encore été établi" à ce stade de l'enquête, selon cette source policière.

Fin novembre, un homme d'une trentaine d'années avait été tué par balle dans ce même quartier à Villeurbanne où plusieurs fusillades ont éclaté en 2024.


Fusillade à Rennes: les quatre suspects mis en examen et écroués

Selon les investigations menées par la DCOS de Rennes sous l'autorité du parquet JIRS de Rennes, les quatre gardés à vue "sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d'individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy (à Villejean), depuis le mois de janvier". (AFP)
Selon les investigations menées par la DCOS de Rennes sous l'autorité du parquet JIRS de Rennes, les quatre gardés à vue "sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d'individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy (à Villejean), depuis le mois de janvier". (AFP)
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  • La fusillade avait fait trois blessés par balle et un quatrième homme avait été percuté par la voiture des tireurs. Le pronostic vital de cette dernière victime touchée par le véhicule n'est plus engagé
  • Les quatre hommes sont déjà connus pour de multiples délits

RENNES: Les quatre hommes, âgés de 21 à 23 ans, suspectés d'avoir tiré à plusieurs reprises en pleine journée dans un quartier populaire de Rennes le 17 avril pour "reconquérir" un point de deal, ont été mis en examen et écroués, a annoncé mardi le parquet de Rennes.

Trois ont été mis en examen des chefs d'association de malfaiteurs et tentative de meurtre en bande organisée et encourent "une peine de réclusion criminelle à perpétuité", a annoncé Frédéric Teillet, procureur de la République de Rennes dans un communiqué.

Le quatrième a été mis en cause pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, soit une peine encourue de dix ans d'emprisonnement.

La fusillade avait fait trois blessés par balle et un quatrième homme avait été percuté par la voiture des tireurs. Le pronostic vital de cette dernière victime touchée par le véhicule n'est plus engagé, a indiqué M. Teillet mardi matin.

Les quatre hommes sont déjà connus pour de multiples délits.

Selon les investigations menées par la DCOS de Rennes sous l'autorité du parquet JIRS de Rennes, les quatre gardés à vue "sont impliqués dans le trafic de produits stupéfiants organisé par un réseau d'individus originaires de la région parisienne sur la dalle Kennedy (à Villejean), depuis le mois de janvier", d'après le magistrat.

Le 14 avril, "après plusieurs jours d’assauts violents, ce clan a été évincé par le groupe des Villejeannais, qui a repris possession du terrain qu’il estimait être le sien", explique le magistrat.

C'est dans ce contexte "de règlement de compte lié au narcotrafic que des tirs d'arme à feu ont fait trois victimes et qu'une quatrième a été pourchassée en voiture, renversée violemment et laissée à terre, le 17 avril", poursuit M. Teillet.

Deux des mis en cause sont originaires de Tours, l'un de Marseille et le quatrième de la région parisienne.

"Leur équipement (armes, vêtements, voiture volée…) et leur mode opératoire ont démontré leur détermination extrême à reconquérir par tous les moyens le point de deal, à la demande de leurs commanditaires, en éliminant physiquement leurs concurrents et en prenant le risque de blesser, en plein après-midi, toute personne se trouvant à proximité", a dit M. Teillet.