France: un titre de séjour «métiers en tension» pour étrangers en situation irrégulière

Ekrame Boubtane est économiste, maître de conférences, chercheuse au Centre d’études et de recherches en développement international (Cerdi) à l’université Clermont-Auvergne et spécialiste des migrations. (Photo fournie).
Ekrame Boubtane est économiste, maître de conférences, chercheuse au Centre d’études et de recherches en développement international (Cerdi) à l’université Clermont-Auvergne et spécialiste des migrations. (Photo fournie).
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Publié le Lundi 05 décembre 2022

France: un titre de séjour «métiers en tension» pour étrangers en situation irrégulière

  • Pour pallier le manque de main-d’œuvre, le gouvernement français s’apprête à créer un titre de séjour spécifique
  • «L’effet “rattrapage de la reprise” cause une surchauffe de l’économie ainsi que des tensions sur le marché du travail»

PARIS: Pour pallier le manque de main-d’œuvre, le gouvernement français s’apprête à créer un titre de séjour spécifique. Dans une interview accordée au journal Le Monde le 2 novembre dernier, les ministres de l’Intérieur et du Travail, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, ont annoncé la possibilité d’accorder un titre de séjour «métiers en tension». Ce dernier permettrait de régulariser les travailleurs immigrés en situation irrégulière en France.

Selon les deux hommes politiques, avec ce dispositif, le salarié n’aura plus besoin de solliciter un certificat Cerfa à son employeur pour formuler une demande de régularisation. Après l’étude de dossier, la préfecture de police pourrait délivrer au postulant un titre de séjour salarié ou temporaire. «Les organisations professionnelles nous disent qu'elles ont besoin qu'on facilite le recrutement d'étrangers. Nous leur proposons des solutions avec ce projet de loi», explique Olivier Dussopt.

Réguler l’immigration du travail?

Les secteurs d’activité qui ont déjà fait appel à des travailleurs étrangers, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, comme ceux du BTP, de la restauration, de l’hôtellerie ou de l’agriculture, sont nombreux. Ce constat se trouve confirmé par le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, qui rappelle que les règles actuelles (circulaire Valls de 2012) permettent, sous certaines conditions, la régularisation des sans-papiers par l’embauche.

Ekrame Boubtane est économiste, maître de conférences, chercheuse au Centre d’études et de recherches en développement international (Cerdi) à l’université Clermont-Auvergne et spécialiste des migrations. «Si le titre de séjour proposé a pour objectif de faciliter la régularisation par le travail des personnes en situation irrégulière qui occupent déjà des métiers en tensions, c’est plutôt une bonne chose pour l’économie», explique-t-elle à Arab News en français, soulignant que cette initiative entraîne une meilleure réinsertion professionnelle et une meilleure intégration économique et sociale.

«Il existe des voies de migration qui sont régulières pour des professions qui nécessitent un niveau d’étude supérieur, où l’accueil des étudiants étrangers est encouragé. En revanche, pour les métiers qui n’exigent pas ce niveau de qualification, les voies d’immigration sont plus limitées», souligne-t-elle, évoquant les travailleurs saisonniers ou les secteurs plus durables comme celui des services à la personne. «Pour ces filières, il reste la voie de l’immigration pour motif familial ou humanitaire ainsi que les personnes en situation irrégulière», ajoute-t-elle.

Tensions et besoins récurrents

Interrogée sur la situation de tension des métiers en France, Ekrame Boubtane nous révèle que la situation de la France est assez particulière, mais, au fond, assez comparable aux autres pays européens qui ont connu un arrêt des activités économiques durant la pandémie. «L’effet “rattrapage de la reprise” cause une surchauffe de l’économie ainsi que des tensions sur le marché du travail», indique-t-elle, soulignant qu’une partie des tensions que l’on observe aujourd’hui est temporaire et ne crée pas d’emplois permanents.

«Ces tensions vont disparaître dès que le cycle de l’économie reviendra à la normale. Néanmoins, on relève d’autres tensions récurrentes, persistant depuis des années, et qui concernent aussi bien les emplois nécessitant des formations qualifiantes (infirmier, par exemple) que les métiers sans qualification (secteur agroalimentaire). Si on veut avoir une gestion de la migration plus cohérente au regard de la situation de notre économie, on devrait assumer d’avoir besoin de travailleurs qui n’ont pas un haut niveau de diplômes qui sont aussi essentiels à la vie économique que ceux qui possèdent des diplômes supérieurs.»

Ekrame Boubtane précise que cette situation est insatisfaisante pour les personnes qui travaillent dans les circuits informels ou dans les métiers à fortes tensions, mais aussi pour l’économie française. Pour elle, il serait plus pertinent de mettre en place une sorte de voie d’arrivée en France de manière régulière, au même titre que celle qui est réservée aux étudiants ou aux diplômés du supérieur.

Vers la politique de l’immigration choisie

La France va-t-elle vers une politique d’immigration choisie, celle des quotas – défendue par l’ancien président Nicolas Sarkozy –, pratiquée par d’autres pays, comme le Canada ou, plus récemment, l’Allemagne et l’Italie? Prévu pour le premier semestre 2022, le projet de la future loi sur l’immigration vise à améliorer les procédures d’expulsion et de faciliter l’intégration des travailleurs immigrés. Une vision partagée par Olivier Dussopt, qui plaide pour que le travail «redevienne un facteur d’intégration et d’émancipation».


La manifestation de soutien à Le Pen "n'est pas un coup de force", dit Bardella

La présidente du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), l'eurodéputé Jordan Bardella (G) et la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, quittent le palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 26 août 2024, après leur rencontre avec le président français. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
La présidente du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), l'eurodéputé Jordan Bardella (G) et la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, quittent le palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 26 août 2024, après leur rencontre avec le président français. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
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  • « Ce n'est pas un coup de force, c'est au contraire une défense très claire et très profonde de l'État de droit et de la démocratie française.
  • « Cela nous semblait nécessaire que nous puissions nous exprimer directement aux Français.

STRASBOURG : La manifestation de soutien à Marine Le Pen prévue dimanche à Paris « n'est pas un coup de force », mais une mobilisation « pour la démocratie », a assuré mercredi Jordan Bardella, président du Rassemblement national, à des journalistes au Parlement européen à Strasbourg.

« Ce n'est pas un coup de force, c'est au contraire une défense très claire et très profonde de l'État de droit et de la démocratie française. C'est une mobilisation en réalité, non pas contre, mais pour la démocratie française », a déclaré l'eurodéputé au sujet de ce rassemblement annoncé par le RN après la condamnation de la triple candidate à la présidentielle à une peine d'inéligibilité immédiate.

« Cela nous semblait nécessaire (...) que nous puissions nous exprimer directement aux Français par l'intermédiaire de ces discours qui seront prononcés dimanche avec l'ensemble de nos cadres, de nos parlementaires et de nos militants », a-t-il ajouté.

Cette condamnation, que le RN qualifie de « scandale démocratique », compromet grandement ses chances de concourir une quatrième fois à la fonction suprême en 2027.

Pour Jordan Bardella, cela ne change « absolument rien » à sa relation avec Marine Le Pen, « si ce n'est qu'elle est peut-être encore plus forte qu'elle ne l'a été par le passé ».

« Je suis à ses côtés, je vais continuer à l'être (...) Nous allons évidemment mener le combat », a assuré l'eurodéputé qui faisait son retour au Parlement européen après avoir manqué les deux premiers jours de la session.

Il a qualifié de « bonne nouvelle » l'annonce de la justice qu'une décision en appel devrait être rendue « à l'été 2026 », donc bien avant la présidentielle.


Condamnation de Marine Le Pen: Macron rappelle au gouvernement l'indépendance de la justice

Le président français Emmanuel Macron (Photo AFP)
Le président français Emmanuel Macron (Photo AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a « rappelé » que l'autorité judiciaire est indépendante et que les magistrats doivent être protégés
  • Le chef de l'État a également affirmé que « tous les justiciables ont droit au recours ».

PARIS : Mercredi en Conseil des ministres, le président français Emmanuel Macron a « rappelé » que l'autorité judiciaire est indépendante et que les magistrats doivent être protégés, après la condamnation de la cheffe de l'extrême droite Marine Le Pen qui a suscité des attaques contre les juges, ont rapporté des participants.

Le chef de l'État a également affirmé que « tous les justiciables ont droit au recours », selon ces sources. La justice a déjà fait savoir qu'un nouveau procès en appel pourrait se tenir dans des délais qui laissent une porte ouverte à une éventuelle candidature présidentielle en 2027 de la leader du Rassemblement national (RN), principale formation d'extrême droite française. 

Devant la presse, à l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a rapporté mercredi les propos du chef de l'État.

« La première chose qu'il a rappelée, a poursuivi Mme Primas, est que la justice est évidemment indépendante et prend ses décisions en toute indépendance, et qu'il faut donc la respecter comme l'un des piliers de notre démocratie. La première, a-t-elle dit, est que la justice est indépendante et qu'elle prend ses décisions en toute indépendance et qu'il faut donc la respecter comme un pilier de notre démocratie.

« La troisième chose, pour rappeler que les menaces qui sont faites à l'encontre des magistrats sont absolument insupportables et intolérables, puisque nous sommes encore une fois dans une démocratie. Et la justice est tout à fait indépendante et doit être respectée », a-t-elle ajouté.

« Et la troisième chose, pour rappeler que chacun a le droit à une justice équivalente et que le droit est le même pour tous. »


Bac: l'épreuve de maths en première se précise pour l'an prochain

La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite à l'école élémentaire Claude-Monnet à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, le 28 mars 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite à l'école élémentaire Claude-Monnet à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, le 28 mars 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
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  • Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE, qui rassemble syndicats, associations de parents, collectivités, etc.) a majoritairement voté contre le projet de décret et d'arrêté
  • L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé en décembre 2023 la création de cet examen sur le modèle de l'épreuve anticipée de français pour le baccalauréat en fin de première,

PARIS : Le projet d'épreuve de mathématiques en classe de première pour l'an prochain, qui vise à mettre en œuvre le « choc des savoirs » annoncé par l'ex-ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal, a été présenté mardi devant une instance consultative de l'Éducation nationale, étape-clé avant sa publication.

Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE, qui rassemble syndicats, associations de parents, collectivités, etc.) a majoritairement voté contre le projet de décret et d'arrêté instaurant cette « épreuve terminale de culture mathématique aux baccalauréats général et technologique ».

Ils ont recueilli 0 voix pour, 27 contre, 31 abstentions et 4 refus de prendre part au vote (l'administration ne votant pas dans cette instance), un vote indicatif qui n'empêche pas la mise en œuvre de la réforme, selon des sources syndicales.

Cette épreuve écrite d'une durée de deux heures, qui entrera en vigueur au printemps 2026, sera « affectée d'un coefficient 2 » (points pris sur l’épreuve du Grand oral en terminale), selon ces textes, consultés par l'AFP.

L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé en décembre 2023 la création de cet examen sur le modèle de l'épreuve anticipée de français pour le baccalauréat en fin de première, un projet confirmé en novembre 2024 par sa successeure, Anne Genetet.

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré (collèges et lycées), qualifie auprès de l'AFP la mesure de « rafistolage supplémentaire du bac Blanquer », décidé en 2019 par l'ex-ministre Jean-Michel Blanquer.

Pour Jérôme Fournier, secrétaire national du SE Unsa, la nouvelle épreuve « alourdit la fin de l'année pour les élèves et les correcteurs ».

La première partie, qui est commune à tous les élèves, sera sous forme de QCM et pourrait être corrigée automatiquement, ce à quoi « de nombreuses organisations syndicales sont opposées », a-t-il ajouté, tandis que la deuxième partie devrait consister en des résolutions de problèmes.

Des projets de textes ont par ailleurs été votés au CSE relatif à « la mise en place du +parcours renforcé+ en classe de seconde générale et technologique » ou professionnelle à partir de la rentrée 2026, avec trois votes pour, 45 contre et 13 abstentions.

Mis en place par la ministre Élisabeth Borne, ce parcours est destiné aux élèves n’ayant pas obtenu le diplôme du brevet. Son organisation relèvera « de l’autonomie de l’établissement sur la base indicative de deux heures hebdomadaires sur tout ou partie de l’année », selon le projet d'arrêté.

Sophie Vénétitay déplore « une coquille vide » tandis que Tristan Brams (CFDT Éducation) regrette l'absence de « moyens supplémentaires ».