Les manifestations persistantes en Iran semblent avoir un caractère différent, comparativement aux précédentes vagues de protestations. Le peuple iranien, en particulier les femmes et la jeune génération, refuse d'arrêter son mouvement de résistance en action depuis plus de deux mois, les foules continuant de scander «mort au dictateur», «mort au (chef suprême Ali) Khamenei» et «cette année est une année de sang, Seyyed Ali (Khamenei) sera parti».
En conséquence, l'une des politiques les plus inefficaces et contreproductives que les États-Unis et l'Union européenne pourraient appliquer consisterait à assouplir les sanctions ainsi que la pression sur le régime iranien par des accords tels que la relance de l'accord nucléaire, ou bien en faisant du commerce et en concluant des accords commerciaux avec Téhéran.
Une approche aussi mal informée enverrait un mauvais message au peuple iranien: que l'Occident ne se soucie pas de lui et n'a aucun intérêt à se tenir aux côtés des Iraniens et de leurs aspirations à établir un système démocratique de gouvernance, d'État de droit et de justice, de liberté de la parole, de la presse et des regroupements, et à promouvoir les droits des femmes et les droits humains. L'Occident doit éviter de s'engager dans des négociations avec le régime iranien qui pourraient conduire à des avantages économiques, financiers ou politiques pour l'establishment théocratique.
En d'autres termes, ce n'est pas le moment de s'asseoir à la même table que les dirigeants iraniens et de leur serrer la main, car cela ne ferait que légitimer leur violente répression contre le peuple iranien. Comme l'a souligné le mois dernier la directrice régionale d'Amnesty International, Heba Morayef: «L'utilisation irresponsable et illégale d'armes à feu par les autorités iraniennes contre des manifestants, notamment à balles réelles, révèle une fois de plus le coût tragiquement élevé de l'inaction internationale. Tous les États membres du Conseil des droits de l'homme de l'ONU doivent prendre maintenant des mesures décisives et convoquer immédiatement une session spéciale sur l'Iran afin d'éviter de nouvelles pertes de vie. Ne pas agir de manière décisive ne fera qu'encourager les autorités iraniennes à sévir davantage contre les personnes endeuillées et les manifestants.
D'un autre côté, l'un des outils les plus efficaces que l'Occident pourrait utiliser est de lancer immédiatement le processus de rétablissement des sanctions de l'ONU contre la République islamique. Cela ne peut se faire que par le biais de la plate-forme de l'accord sur le nucléaire. Lorsque le Plan d'action global conjoint (PAGC), c’est-à-dire l'accord sur le nucléaire iranien, a été conclu en 2015, les signataires sont convenus de lever les sanctions de l'ONU contre Téhéran en guise de récompense contre la promesse des religieux au pouvoir de restreindre leurs activités nucléaires et de se conformer aux termes de l'accord.
«L'Occident doit éviter de s'engager dans des négociations avec le régime iranien qui pourraient conduire à des avantages économiques, financiers ou politiques pour l'establishment théocratique.»
Dr Majid Rafizadeh
Les sanctions, qui étaient importantes, car elles menaçaient l'emprise des religieux au pouvoir, ont finalement amené les dirigeants iraniens à la table des négociations entre 2013 et 2015. L'une des séries de sanctions a été adoptée par la résolution 1929 du Conseil de sécurité des Nations unies (CNSU), qui a resserré l'emprise sur les transactions financières de l'Iran et lui a interdit d'acheter des armes lourdes. Une autre série de sanctions, la résolution 1803 du CSNU, a imposé des restrictions sur les transactions bancaires iraniennes et a appelé les pays à inspecter les navires et les avions-cargos iraniens lorsqu'il y avait des motifs raisonnables de croire que le régime faisait de la contrebande de produits interdits.
Réimposer ces sanctions enverrait aux manifestants un message fort, à savoir que la communauté internationale est à leurs côtés. Il existe une disposition dans la résolution 2231 du CSNU qui autoriserait une telle ligne de conduite. Afin d'invoquer cette disposition, «un État participant au PAGC» peut notifier le CSNU qu'il y a eu une «non-exécution importante des engagements pris dans le cadre du PAGC.»
Selon cette résolution, toute partie signataire peut déclencher un compte à rebours de trente jours avant un «retour à la situation antérieure» qui rétablirait toutes les sanctions de l'ONU contre l'Iran, notamment un embargo sur les armes, s'il s'avère que Téhéran ne respecte pas ses obligations. Les autres membres ne peuvent pas opposer leur veto à une telle décision. En d'autres termes, les États-Unis, l'Allemagne, la France ou le Royaume-Uni pourraient déclencher les dispositions de retour à la situation antérieure de l'accord sur le nucléaire. Une fois cette démarche effectuée, le CSNU aurait trente jours pour rétablir les sanctions contre le régime iranien.
Mais comme les États-Unis ne sont plus considérés comme un État participant au PAGC du fait que l'administration Trump les a retirés de l'accord, Washington devrait persuader l'un de ses alliés européens qu'il est toujours partie prenante et peut lancer le processus.
En un mot, l'Occident devrait s'abstenir de négocier avec les dirigeants iraniens ou de conclure tout accord qui pourrait apporter des victoires financières et politiques à l'establishment théocratique. Une telle ligne de conduite ne ferait que légitimer l'agression et la violence du régime iranien et isolerait les manifestants iraniens. Réimposer les sanctions de l'ONU est actuellement l'un des moyens les plus efficaces pour contrer le régime iranien.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com