LE CAIRE: L'état de santé du détenu politique égypto-britannique Alaa Abdel Fattah s'est "grandement détérioré", s'alarme jeudi sa soeur Mona Seif après la première visite familiale depuis qu'il a mis fin à sept mois de grève de la faim.
"On l'a vu. Il était fragile, vulnérable, émouvant, il voulait seulement nous avoir à ses côtés", a rapporté son autre soeur Sanaa Seif qui l'a vu au parloir "derrière une vitre" et lui a parlé "au travers d'un combiné qui laisse peu de possibilité de se comprendre".
Pour la première fois depuis le 24 octobre, le blogueur prodémocratie qui fêtera ses 41 ans vendredi, a revu sa mère Laila et sa soeur Sanaa auxquelles il avait annoncé dans une lettre datée de lundi avoir mis un terme à sa grève de la faim.
"L'état d'Alaa Abdel Fattah s'est grandement détérioré ces deux dernières semaines", a annoncé Mona Seif sur Twitter, peu après la visite.
Entre le 2 avril et le 2 novembre, le militant n'avait avalé que 100 calories par jour pour attirer l'attention du monde sur le sort des 60.000 détenus d'opinion d'Egypte, selon les ONG. Puis il avait cessé de se nourrir et enfin de boire le 6 novembre à l'ouverture de la COP27 à Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge.
«Détails plus tard»
Depuis, sa famille le disait en danger de mort et réclamait de pouvoir le voir alors que l'administration pénitentiaire et le parquet assuraient qu'il était sous "traitement médical" et qu'il était "en bonne santé".
Son avocat, Khaled Ali, qu'il n'a pas vu depuis mars 2020, s'est vu refuser deux fois son permis de visite à la prison de Wadi al-Natroun, à 100 kilomètres au nord-ouest du Caire.
Dans la lettre à sa famille, Alaa Abdel Fattah écrivait: "je veux fêter mon anniversaire avec vous jeudi, ramenez un gâteau". Sa missive ne disait rien des raisons qui l'avaient poussé à se nourrir de nouveau. "Je vous verrai au parloir et je vous dirai tout alors", disait-il seulement.
A ce sujet, "la famille donnera plus de détails plus tard", a affirmé Mona Seif sur Twitter.
Le sort d'Alaa Abdel Fattah s'est largement invité à la COP27, organisée à Charm el-Cheikh, à l'autre bout du pays. Jeudi, de nouveau, des dizaines de participants à une plénière de la société civile ont scandé "Libérez Alaa!" et "libérez les tous!".
Sanaa Seif y a organisé ces derniers jours deux conférences de presse remarquées, tandis que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a été forcé de répondre aux questions de plusieurs dirigeants occidentaux au sujet de celui qui est devenu le détenu le plus célèbre d'Egypte.
Grâce ?
Alaa Abdel Fattah a été condamné fin 2021 à cinq ans de prison pour "fausses informations" pour avoir partagé sur Facebook un texte, écrit par quelqu'un d'autre, accusant un officier de police d'avoir torturé à mort un prisonnier.
A ses côtés, son autre avocat, Mohammed al-Baqer --arrêté alors qu'il le défendait devant la justice militaire en septembre 2019-- et le blogueur Mohammed Ibrahim, alias Oxygen, ont reçu la même peine.
Semblant faire un appel du pied, devant la presse et aux côtés de M. Sissi, M. Biden a salué la semaine dernière à la COP27 la commission des grâces présidentielles réactivée en avril en Egypte.
Il y a une semaine, Mona Seif a déposé une nouvelle demande à cette commission.
Dans la foulée, l'un des présentateurs de talk-shows les plus influents du pays, Amr Adib, grand partisan de M. Sissi, a plaidé pour une grâce "dans l'intérêt de l'Egypte".
Mais si la commission des grâces a libéré plus de 750 détenus d'opinion depuis avril, les ONG des droits humains se plaignent du fait que dans le même temps les autorités ont fait arrêter deux fois plus de gens.
L'Egypte compte quelque 60.000 détenus d'opinion, selon des ONG.