Ce que l'on peut attendre du sommet du G20 à Bali

L'Indonésie espère qu'en tant qu'hôte du sommet du G20, elle pourra jouer un rôle central pour désamorcer le conflit en Ukraine (Photo, AFP).
L'Indonésie espère qu'en tant qu'hôte du sommet du G20, elle pourra jouer un rôle central pour désamorcer le conflit en Ukraine (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 15 novembre 2022

Ce que l'on peut attendre du sommet du G20 à Bali

  • Le sommet du Groupe des 20 se déroule à Nusa Dua, sur l'île de Bali, les 15 et 16 novembre
  • Les membres du G20 représentent 80 % de la production économique mondiale et près de 75 % des exportations

DUBAÏ/DENPASAR: Les dirigeants du monde se réunissent en Indonésie cette semaine pour discuter des questions affectant la stabilité du marché mondial. Les discussions risquent d'être affectées par les tensions liées à la guerre en Ukraine et ses retombées économiques.

Le sommet du Groupe des 20 se déroule à Nusa Dua, sur l'île de Bali, les 15 et 16 novembre. Il est le point culminant de la présidence indonésienne, à l'origine de plus de 200 réunions de travail et événements parallèles organisés tout au long de l'année.

Qu'est-ce que le G20 ?

Il a été créé fin 1999, dans le sillage de la crise financière asiatique. Initialement axé sur la politique macroéconomique au sens large, il s'est ensuite transformé en un forum destiné à aborder des problèmes urgents tels que l'accès aux vaccins, la sécurité alimentaire et le changement climatique.

Le groupe est composé de 19 États: Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Russie, Royaume-Uni et Turquie. L'Union européenne y participe également.

Ensemble, ces 20 économies représentent 80 % de la production économique mondiale, près de 75 % des exportations et environ 60 % de la population mondiale.

Chaque année, les dirigeants des membres du G20 se réunissent pour discuter de questions économiques et financières et pour coordonner les politiques sur d'autres questions d'intérêt commun.

Le sommet annuel du groupe est accueilli et présidé par un membre différent à chaque fois, ce qui donne aux pays hôtes l'occasion de mettre l'accent sur les questions qui les concernent.

Le président indonésien Joko Widodo a tenté d'organiser une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine (Photo, AFP).

La présidence indonésienne

L'Indonésie, pays qui compte le plus de citoyens musulmans en son sein et quatrième pays le plus peuplé au monde, a axé sa présidence sur le pilotage de la reprise post-pandémie, la transition énergétique et la transformation numérique.

Toutefois, en février, trois mois seulement après le début de sa présidence du groupe, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a changé la donne, plaçant au centre des discussions la sécurité alimentaire et énergétique. Ces deux questions sont désormais des préoccupations mondiales.

Les prix élevés des carburants et des denrées alimentaires sont souvent liés à des manifestations de masse, à la violence politique et à des troubles. Si le Sri Lanka et le Pérou ont déjà commencé à connaître des émeutes, la Turquie, le Pakistan et l'Égypte risquent également de connaître des troubles sociaux en raison de l’augmentation du coût de la vie.

Ces problèmes devraient dominer les discussions du sommet du G20.

Selon Teuku Rezasyah, maître de conférences en relations internationales à l'université Padjadjaran de Bandung, «la plupart d'entre nous ont tiré des leçons de la crise financière de 1997 et de celle de 2008, c'est la raison pour laquelle le G20 a été créé.»

Inflation, crise énergétique, insécurité alimentaire

Selon une enquête menée début novembre par le Forum économique mondial, l'inflation, qui atteint des niveaux jamais vus depuis des décennies, la crise de la dette et les problèmes liés au coût de la vie constituent les principales menaces pour les affaires des pays du G20 au cours des deux prochaines années.

La récession économique mondiale provoquée par la pandémie de coronavirus a été aggravée par la guerre qui se poursuit en Europe.

Bien que le G20 soit un forum économique qui n'a pas vocation à évoquer les conflits militaires et politiques, la guerre en Ukraine devrait être au centre discussions cette fois-ci.

Pour Saidiman Ahmad, directeur d'un institut de sondage, «cette guerre est devenue la source de crises énergétiques et agricoles. Il serait étrange qu'une question aussi importante ne devienne pas l'un des principaux points à l'ordre du jour du forum du G20.»

L'accord céréalier entre la Russie et l'Ukraine a permis de réduire le risque de famines dans le monde (Photo, AFP).

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les sanctions occidentales imposées à Moscou, la flambée des prix du carburant est la deuxième plus importante depuis les années 1970. Le conflit a également perturbé l'approvisionnement en blé et en engrais car les deux pays représentent un tiers de la production mondiale de blé. La Russie est également l'un des principaux exportateurs de nitrates utilisés dans l'agriculture.

Les pénuries alimentaires prolongées et les prix élevés des denrées alimentaires pourraient plonger des millions de personnes dans l'insécurité alimentaire aiguë. Face aux avertissements de l'ONU en la matière, les ministres des Finances et de l'Agriculture du G20 se sont engagés, lors d'une réunion en octobre, à prendre des mesures pour endiguer la catastrophe. Il n'est toutefois pas certain que cette question soit prise en compte dans la déclaration finale des dirigeants.

En revanche, les tentatives de résolution de la crise de l'électricité devraient figurer dans le communiqué du sommet.

Le ministère indonésien de l'Énergie et des Ressources minérales a annoncé la semaine dernière que les membres du G20 avaient convenu d'accélérer la transition énergétique – passage des combustibles fossiles aux sources renouvelables – et d'inclure les efforts en matière de sécurité énergétique dans la déclaration finale du sommet.

Qui sera présent?

Le président indonésien Joko Widodo a annoncé que 17 dirigeants des pays du G20 avaient confirmé leur présence, dont le président américain Joe Biden et le président chinois Xi Jinping.

Les présidents des deux plus grandes économies du monde devraient se rencontrer à Bali lundi, pour leur premier entretien en tête-à-tête depuis l'entrée en fonction de M. Biden. Cette rencontre intervient dans un contexte de fortes tensions entre les États-Unis et la Chine, notamment au sujet des politiques commerciales, de la technologie, de l'activité militaire croissante de Pékin en mer de Chine méridionale et de ses actions sur Taïwan.

La Chine a également évité de condamner directement la Russie pour l'invasion de l'Ukraine. Les États-Unis ont quant à eux été le principal initiateur de sanctions contre Moscou.

Outre les dirigeants du G20, des dizaines d'autres responsables de haut niveau sont également attendus. Dans son rapport sur la sécurité du sommet, l'armée indonésienne a annoncé qu'elle avait préparé des groupes de travail VVIP pour 42 chefs d'État supplémentaires arrivant à Bali pour assister au forum.

La diplomatie indonésienne

L'Indonésie a tenté d'organiser une rencontre entre Vladimir Poutine, le président de la Russie – l'un des principaux membres du G20 – et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a été invité au sommet.

Fin juin, Widodo a été le premier dirigeant asiatique à se rendre à Kiev et à Moscou pour rencontrer ses homologues ukrainiens et russes dans le but d'atténuer l'impact du conflit sur la communauté internationale.

Les Indonésiens sont convaincus que leur pays, hôte du G20, peut contribuer à désamorcer le conflit.

Une enquête menée par Saiful Mujani Research and Consulting en août a montré que 84 % des Indonésiens interrogés connaissant le forum du G20 étaient d'accord pour dire que leur pays – qui a essayé de rester neutre v pourrait jouer un rôle dans la résolution du conflit.

Le président américain Joe Biden a rencontre le président indonésien Joko Widodo en marge du sommet du G20, le 14 novembre 2022 (Photo, AFP).

Les espoirs, cependant, pourraient être mal placés.

«L'objectif principal de la réunion du G20 est économique, pas politique. C'est une chose qu'il faut souligner», a déclaré à Arab News le Dr Luthfi Assyaukanie, maître de conférences en relations internationales à l'université Paramadina de Jakarta.

«On ne peut pas attendre de ce forum une réconciliation entre la Russie et l'Ukraine, car il n'est pas conçu pour accomplir une telle chose. Même les Nations unies ou l'Union européenne ne peuvent pas gérer ce problème», a-t-il poursuivi.

Qu'en est-il du communiqué final ?

La guerre est susceptible d'affecter la déclaration finale des dirigeants du sommet. Des indices en ce sens ont déjà été observés en juillet, lorsqu'une réunion des ministres du G20 n'a pas permis de dégager un consensus sur les raisons de la crise actuelle.

Alors que les États occidentaux l'ont imputée à l'invasion de la Russie, Moscou a estimé pour sa part que les problèmes étaient issus des sanctions radicales prises à son encontre et par un blocus européen sur le transport de certaines marchandises russes à travers les frontières de l'UE.

«Dans le communiqué, il faut expliquer pourquoi l'insécurité alimentaire sévit actuellement dans le monde. Ils n'ont pas pu se mettre d'accord sur les causes de la crise alimentaire et de l'inflation», a déclaré M. Assyaukanie, ajoutant que les mêmes obstacles apparaîtraient désormais lors du sommet.

«L'objectif ultime du forum du G20 est de formuler un communiqué. Je crains que le sommet du G20 ne le fasse pas, et si c’est le cas, on pourrait considérer ce forum comme un échec.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »