PARIS: Une comédie qui touche du doigt l'exploitation des nounous d'origine africaine dans les familles bourgeoises: en salles mercredi, "Les femmes du square" balaie les clichés grâce à un duo d'interprètes qui montent, Ahmed Sylla et Eye Haïdara.
Signé Julien Rambaldi ("Bienvenue à Marly-Gomont"), le film met en scène Angèle (Eye Haïdara), jeune femme ivoirienne débrouillarde qui vit d'arnaques à la petite semaine dans le nord de Paris.
Obligée de se faire oublier après un coup qui tourne mal, elle parvient à se faire embaucher comme nounou à domicile dans une famille blanche des beaux quartiers. Elle doit garder le petit Arthur, 8 ans, qui vit avec sa mère, fraîchement divorcée (Léa Drucker).
Nourrie, logée, la jeune femme entame une nouvelle vie, rythmée par les réunions improvisées au square, où les nounous du quartier --toutes d'origine africaine-- partagent leurs tracas du quotidien, entre l'argent qu'il faut envoyer au pays et le paternalisme compassé de patronnes qui oublient de payer les heures supplémentaires.
Chez Angèle, le naturel revient au galop. Loin de faire profil bas, elle va prendre à bras-le-corps la défense de ses camarades. Quitte à se faire passer, face aux patrons, pour une juriste chargée d'épauler le personnel à domicile.
Dans sa lutte, elle est aidée par un jeune avocat brillant, Edouard (Ahmed Sylla), seul collaborateur noir d'un prestigieux cabinet, qui lui fera à son tour réviser certains de ses préjugés. Voire même peut-être connaître l'amour.
Une vraie héroïne
"Angèle m'a fait penser à Julia Roberts dans Erin Brockovich", souligne dans une interview à l'AFP Eye Haïdara, dont l'actrice américaine était une idole d'enfance, et qui constate qu'il est encore rare pour les actrices de se voir proposer "des rôles d'héroïnes" comme celui-ci.
Elle-même raconte avoir été frappée par des conversations avec des nounous lors d'ateliers où elle a pu conduire son fils.
Angèle "touche un peu à tout: on la voit grandir avec son côté frondeuse avec ces femmes, cette romance qu'elle vit avec cet avocat, mais aussi son côté intime qu'on dévoile petit à petit, les sacrifices qu'elle a faits", se réjouit celle qui a été révélée en régisseuse aux côtés de Jean-Pierre Bacri dans "Le Sens de la Fête" (2018).
Relativement rare à l'écran, Eye Haïdara, qui vient du théâtre, explique choisir avec soin ses rôles.
«Réparer des injustices»
"Quand on met en lumière les gens qu'on met dans les coins, qu'on n'a pas l'habitude de voir mais qu'on croise tous les jours, ça m'interpelle. La comédie sociale, ça m'attire", explique l'actrice de 39 ans, qui a tourné chez Godard ("Film Socialisme", 2010) et s'est récemment fait remarquer dans la deuxième saison d'"En Thérapie"
Face à elle, Ahmed Sylla, figure comique à la télé comme au cinéma, est ravi d'avoir joué, "à contre-emploi", un jeune cadre propre sur lui et sur la réserve. "Ce film-là a peut-être ce potentiel de réparer des injustices qu'on ne voit pas", souligne-t-il.
Jouer un rôle de personnage "sérieux", "ça me donne confiance en moi, je ne renvoie pas qu'une image de comique, d'humoriste", relève l'acteur de 32 ans, qui espère "avoir la capacité de tout jouer, si je suis bien dirigé".
Il le prouvera aussi dans "Un petit frère", de Léonor Serraille, un drame familial qui était en compétition à Cannes et sort l'an prochain en salle.
"J'ai envie d'être un bon humoriste sur scène, et au cinéma d'être un acteur tout simplement, à part entière, au même titre que Jean Dujardin", résume-t-il. "On peut le voir aussi bien dans OSS-117 que dans Novembre", sur les attentats à Paris et Saint-Denis. "C'est ça que j'ai envie de faire".