MONTPELLIER: Avec sa nouvelle exposition "Musées en exil", le Musée d'art contemporain de Montpellier, dans le sud de la France, accueille trois collections conçues comme autant d'actes de résistance à la guerre, la dictature et l'oppression, du Chili aux Territoires palestiniens en passant par la ville martyre de Sarajevo.
"Cette exposition prouve que quand des pays sont en guerre, que des peuples sont en exil ou éprouvent d'immenses difficultés, ils pensent à leur patrimoine, celui qu'il faut protéger mais aussi celui du futur", a expliqué Numa Hambursin, directeur de Montpellier Contemporain (Mo.Co), avant l'ouverture de l'exposition, qui se tient du 11 novembre au 5 février 2023.
C'est ainsi que, après le coup d'Etat au Chili du général Augusto Pinochet en 1973, de nombreux artistes forcés à l'exil ont décidé de créer une collection, réussissant à rassembler plus de 1.300 oeuvres pour rendre hommage au président de gauche Salvador Allende.
Après le retour de la démocratie, ces oeuvres ont pu intégrer en 1991 le Museo de la Solidaridad Salvador Allende à Santiago, la capitale chilienne.
A Montpellier, l'exposition se concentre sur 32 des 265 oeuvres offertes par des artistes français. Les photos, affiches et peintures aux messages politiques la plupart du temps clairement exprimés, reflètent parfaitement l'esthétique et la forte politisation des années 1970.
L'étape suivante de la visite mène en Europe, à Sarajevo, au coeur de la guerre et des atrocités des quatre années de siège imposé par les forces serbes, de 1992 à 1996, qui ont fait 11.000 morts.
Souvent marquées par les thèmes de la mort et de l'absence, moins explicitement politiques, il s'agit là d'oeuvres typiques de la fin du XXe siècle, telle cette installation de paires de chaussures sous de grands portraits de personnes disparues ou cette vidéo montrant une main anonyme nettoyant des os humains, rappel d'un conflit où des proches cherchent leurs disparus depuis des années dans des charniers.
Elles ont fait l'objet d'expositions à travers l'Europe, avant de rejoindre pour la plupart les remises de l'hôtel de ville de Sarajevo, dans l'attente de la construction d'un musée d'art contemporain dans la capitale de la Bosnie-Herzégovine, en principe en 2023.
«Besoin vital»
Elias Sanbar, ancien ambassadeur palestinien à l'Unesco, devra sans doute attendre plus longtemps encore pour voir se concrétiser son projet de "Musée national d'art moderne et contemporain de la Palestine" à Jérusalem-Est, partie de la ville occupée par Israël depuis 1967, et dont les Palestiniens veulent faire la capitale du futur Etat auquel ils aspirent.
La collection de ce futur musée, qui ne devrait voir le jour qu'à l'issue d'un conflit qui dure depuis plus de 75 ans, est constituée de plus de 340 oeuvres de 150 artistes internationaux, dont 44 sont montrées à Montpellier.
Depuis 2015, elle est conservée l'Institut du monde arabe (IMA) à Paris, où elle a déjà fait l'objet de plusieurs expositions.
"On peut parfois se demander si c'est bien utile de se fatiguer à faire tout ça. Mais non seulement, ce n'est pas un luxe mais c'est un besoin vital. Il faut toujours amener de la beauté au service des gens qui souffrent. C'est une forme de résistance, l'art a un formidable pouvoir d'entraînement", a assuré l'ancien ambassadeur et poète palestinien de 75 ans.
L'exposition comporte aussi une mise en contexte historique, du déménagement des oeuvres des musées espagnols pendant la Guerre civile et de celles du Louvre à la veille de la Seconde Guerre mondiale, sans oublier l'actuel conflit en Ukraine.
"C'est l'histoire de toutes ces oeuvres déplacées, dont certaines ont été endommagées", souligne l'un des deux commissaires de l'exposition, Vincent Honoré, "mais c'est aussi une histoire de solidarité et d'espoir, parce que toutes ces collections sont fondées sur l'idée de la réconciliation des peuples".