CASABLANCA : Un vent de frisson souffle, depuis quelques jours, sur les instituts français du Maroc. En pleine promotion, Achoura, premier film fantastique et d’épouvante marocain, a été présenté à l’occasion de La Nuit de l’horreur.
Du folklore au grand écran
Sorti en salle à la veille d’Halloween, le long métrage du réalisateur Talal Selhami propose aux spectateurs de se plonger dans un savant mélange de folklore marocain et de modernité.
Ce n’est donc pas le hasard qui a présidé au choix des personnages, à l’image de Boughattat, ce monstre issu de la culture traditionnelle marocaine, qui, selon les croyances populaires, serait à l’origine des paralysies du sommeil.
«L’idée, c’était d’avoir un personnage de monstre remis au goût du jour, quelque chose qui raisonne dans l’imaginaire collectif marocain pour traiter du sujet des traumatismes de l’enfance», explique à Arab News en français le scénariste du film, Jawad Lahlou.
Nadia, Ali, Samir et Stéphane sont les protagonistes de l’histoire. Interprétés à l’âge adulte par Sofia Manousha, Younes Bouab, Omar Lotfi et Ivan Gonzalez, ces êtres voient leurs vies complètement chamboulées alors qu’ils célèbrent Achoura. Les quatre enfants, qui s’amusent à s’effrayer, passent de la réalité au cauchemar après la disparition mystérieuse de Samir. Un événement qu’ils tenteront de refouler… jusqu’au jour où leur ami refait surface, deux décennies plus tard.
Dans ce quatuor, Nadia est la figure féminine de l’histoire. Mère, épouse et amie, elle va tenter de se redécouvrir. Jouer ce rôle a été particulièrement enrichissant pour l’actrice franco-marocaine Sofia Manousha: «C’était ma première expérience dans un film fantastique et l’exercice était très technique, car, en général, je travaille beaucoup à l'instinct. On a tourné exclusivement de nuit, ce qui était intéressant pour la construction du personnage; émotionnellement parlant, on n’est pas sur les mêmes énergies. C'était passionnant.»
Un travail de longue haleine
C’est en 2012 que l’idée d’Achoura commence à germer. En prend forme à l’écrit un an plus tard. Si le long métrage, dont le budget s’élève à plus d’un million d’euros, est tourné en 2015, il faudra attendre huit ans avant sa sortie dans les salles marocaines. En effet, plusieurs imprévus liés à la postproduction ou à l’irruption de la pandémie ont retardé le projet.
«Je savais que cela allait être compliqué. On s’est battus pour Achoura. C’est le premier film fantastique marocain, avec un visuel qui tient des standards internationaux. Par rapport aux moyens dont on disposait à l’époque, c’était très ambitieux. Mais s’il fallait le refaire, je le referais. Le cinéma fantastique est un vecteur de culture. On a un terreau incroyable de cultures et de légendes[au Maroc], on ne devrait pas attendre que d’autres viennent traiter ces sujets», nous confie Talal Selhami.
Depuis toujours, le réalisateur a à cœur de partager la culture de son pays avec le reste du monde grâce au cinéma. Le pari semble être réussi. Primé lors de festivals internationaux, son film est plébiscité aux quatre coins du globe: «Achoura est sorti au Japon, ce qui était inespéré, ainsi qu’en Russie – dans quatre cents salles – et presque partout en Asie. On me disait que je ne vendrais mon film ni en Asie ni en Europe de l’Est. Ironie du sort, on l’a davantage vendu dans ces deux régions qu’ailleurs.»
D’après son réalisateur, Achoura pourrait même être «le film marocain qui s’est le mieux vendu dans le monde». Il espère voir l’intérêt que son œuvre a suscité chez davantage d’exploitants de salles de cinéma au Maroc, le pays d’origine du long métrage.