‘Inner child’ de Bady Dalloul ou la redéfinition de l’enfance

Un dessin de la collection «Inner child» de Bady Dalloul. (Photo fournie)
Un dessin de la collection «Inner child» de Bady Dalloul. (Photo fournie)
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Publié le Mercredi 02 novembre 2022

‘Inner child’ de Bady Dalloul ou la redéfinition de l’enfance

  • Dalloul s'engage dans un discours révolutionnaire qui franchit les frontières nationales et culturelles et crée un dialogue entre la fiction et le réel
  • Le Japon, terre étrangère pour Dalloul, lui a permis de se sentir à nouveau comme un enfant et, par conséquent, de reconstituer consciemment des aspects de son enfance

DUBAÏ: Né à Paris de parents syriens, l'artiste multimédia Bady Dalloul s’est tourné vers des concepts historiques, politiques et sociologiques divergents pour réfléchir sur la question de la migration mondiale.

À travers le dessin, la vidéo et les objets, Dalloul s'engage dans un discours révolutionnaire qui franchit les frontières nationales et culturelles et crée un dialogue entre la fiction et le réel, en interrogeant la logique d'écriture de l'histoire et la construction artificielle des délimitations territoriales.

Dalloul et son plus jeune frère Jad ont trouvé refuge dans le dessin, alors qu’ils visitaient, pendant les vacances d’été, leur ville natale à Damas, en Syrie. Ces premiers gribouillages ont orienté Dalloul vers d'autres formes de création artistique, qui l'ont à son tour conduit à une application artistique multimédia et à l'obtention du diplôme de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) de Paris en 2015, puis du Prix de l’Arab Contemporary Creation décerné par les Amis de l'Institut du Monde Arabe en 2017.

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L’artiste multimédia Bady Dalloul. (Photo Fournie)

«Ma carrière a commencé par un simple jeu auquel je jouais avec mon petit frère à Damas, quand nous rendions visite à nos proches en été. Le jeu consistait à imaginer que nous étions les rois de pays fictifs. Jad était le roi de Jadland et moi celui de Badland. Nous avons commencé à dessiner sur les pages des agendas de mon grand-père. Plus nous écrivions, dessinions et faisions des collages et découpions des journaux et les mettions dans nos agendas, plus ces pays qui étaient les nôtres devenaient réels pour nous», raconte Dalloul dans une entrevue.

«Pendant des années, je me suis demandé ce que je devais faire de ma passion de dessin et de ce monde parallèle que je m’inventais, mais j'ai continué à le faire, même lorsque mon petit frère ne s’y intéressait plus», poursuit Dalloul.

Les souvenirs de ces étés à Damas et le recours qu'il a trouvé dans ces premiers dessins nourrissent encore son travail, qui a été exposé dans des galeries du monde entier, comme Mathaf: Arab Museum of Modern Art au Qatar, la Galerie Untilthen à Paris, la galerie Alexandra de Viveiros à Paris également, ainsi que l'ENSBA. Dalloul a notamment participé à des expositions collectives au Palais de Tokyo (Paris), au Centre Pompidou (Paris), à la Fondation Gulbenkian, à l’Instituto Valenciano de Arte Moderno – IVAM, Valence, et au Warehouse 421, à Abu Dhabi.

«J'ai compris que ma pratique de l'art était une façon de comprendre l'histoire, comprendre comment les pays du Proche-Orient sont récemment nés au XXème siècle. L'art m'a donc aidé à comprendre d'abord, et parfois même à faire face à l'histoire, quand c'était plus douloureux», révèle Dalloul.

East-East: UAE meets Japan Vol.5, Atami Blues, du 3 au 27 novembre, est la cinquième édition d'une série d'expositions lancée par la conservatrice Sophie Mayuko Arni qui vise à favoriser les dialogues artistiques entre les EAU et le Japon à travers des collaborations et des échanges artistiques, à l'occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre ces deux pays. L'exposition sera axée autour de l'idée que «les océans et les mers sont habités par des esprits, et que les artistes contribuent à honorer et donner vie aux qualités cachées portées par leurs vagues.» Dalloul y exposera des exemples de sa série d’œuvres la plus récente, «Inner child». 

L’idée principale de cette collection apparaît dans son titre «Inner child»Enfant intérieur»): elle vise à aborder dans son ensemble la question de la migration et permet aux spectateurs de s'imaginer momentanément des expériences de lieux et de personnes inconnus qui évoluent en dehors du domaine des galeries ou des musées.

La source d'inspiration à l’origine de cette collection provient de l'expérience personnelle de Dalloul lors de sa visite au Japon. Durant son premier voyage au Japon à l’occasion d’une exposition, Dalloul a découvert qu'en cette terre étrangère, il pouvait se sentir à nouveau comme un enfant, ce qui lui a permis d'affronter les questions délicates de l'identité et de reconstituer consciemment des aspects de son enfance.

L'intérêt de Dalloul pour le Japon a influencé ses œuvres antérieures, en particulier son court métrage «Ahmad the Japanese», dont le titre s’inspire de celui du poème du Palestinien Mahmoud Darwish «Ahmed Al-Zaatar.» Le film «Ahmad the Japanese» documente le voyage d'un personnage archétype appelé Ahmad, qui va du monde arabe jusqu’au Japon «rapportant les histoires de plusieurs personnes et de leur migration», illustrant les récits complexes de l'immigration et du mélange de cultures.

«J'ai trouvé que le Japon était un endroit où je pouvais prendre du recul et voir plus clairement ce qui se passait dans les pays de mes parents au Proche-Orient, mais également comprendre ma vie depuis mon enfance, moi qui suis d’origine étrangère et né à Paris», dit Dalloul.

«Par exemple, les boulangeries dans lesquelles je me rendais ressemblaient à celles que j’avais connues auparavant, mais d'une manière très différente. Cette différence résidait dans les détails. Il en était de même pour les bibliothèques. La même chose se produisait aussi quand j’allais dans certains endroits et essayais de les comprendre, alors que je ne savais ni lire ni écrire.»

«Avec le temps, j'ai compris que ce qui m'intéressait le plus au Japon n'était pas seulement la culture que j'aime et respecte, et dont j’essaye de profiter. Je pense que c'est surtout cette étape qui précède l’apprentissage d’une langue, cette étape durant laquelle nous essayons de comprendre la langue, nous sommes attentifs aux choses, sans les comprendre pleinement», explique Dalloul.

Inspiré et influencé par sa nouvelle compréhension des événements qui ont eu lieu tout au long de sa formation et de son auto-orientation, Dalloul optimise cette expérience de compréhension universelle en la reliant à la rencontre d'un enfant avec le monde.

«Quand on est bébé, et avant qu'on ne comprenne les langues, nos proches nous disent des choses. Je pense que le bébé les comprend, mais il ne comprend pas tout à fait en raison de son âge bien sûr, mais aussi parce qu'il ne maîtrise pas la langue.»

L'association la plus proche pour conceptualiser cette expérience d'être dans un pays étranger, dans la perspective de Dalloul, est de l'associer à un enfant qui est incapable de comprendre le langage mais qui reste capable de comprendre et de communiquer dans une certaine mesure, grâce à la compréhension universelle et à l'instinct.

La scène commence avec le spectateur accompagné individuellement dans une pièce et vers un siège qui lui est réservé, avec des écouteurs qui transmettent une voix dans une langue étrangère alternant entre le japonais, le français, l'anglais et l'arabe, qui finissent par s'entremêler d'une manière qui oblige le public à imaginer une réalité parallèle. Simultanément, en même temps que la voix, le public visionnera des textes, des vidéos et un dessin qui seront diffusés devant lui.

Pour cela, Dalloul a collaboré avec l'hypnothérapeute Mami Nakanishi pour créer une situation qui placerait le public dans une forme «d'hypnose douce» qui le rapprocherait de l'état d'esprit vécu pendant la petite enfance et aiderait chaque personne à atteindre son «inner child

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Un dessin de la collection «Inner child» de Bady Dalloul. (Photo Fournie)

Après avoir écouté les enregistrements, les spectateurs curieux remarqueront une petite lumière dans une zone spécifique de la pièce, qui contient le dessin d'un jeune garçon se tenant debout à côté d'un rivage délimité par des oreilles et où se superposent les images d'une main, d'un doigt, d’un nez, d’un œil et d’une oreille, renforçant le thème de l'enfance. À côté du dessin, une grande oreille, de la taille d'une main humaine, avec un écouteur, invite les spectateurs à écouter. Les écouteurs contiennent des enregistrements à basse fréquence similaires à l’écho du coquillage que l'on entend lorsqu'un coquillage est placé sur l'oreille.

Par ailleurs, la collection se trouve dans une pièce faisant face à la mer, ce qui rend l’expérience et le message véhiculé par rapport à l'universalité, la mer et la migration, particulièrement puissants.

Dalloul introduit progressivement le thème de la migration en juxtaposant la compréhension universelle associée à la communication avec les différences culturelles, tout en intégrant le sujet des zones côtières, notamment la mer, à travers des vidéos, et le son de la mer. Alors que le thème de la mer est universel et représente quelque chose que même le plus jeune enfant visitant l'exposition pourrait comprendre, cette perception partagée de l'eau a permis à Dalloul de se rendre compte que chacun fait partie d'une espèce collective partageant une plate-forme mondiale. Cependant, certaines marges sont continuellement contestées, ce qui fait que les individus, notamment ceux issus de cultures différentes, entretiennent chacun une relation différente avec la mer.

«Quand les gens quittent le Liban et la Syrie au Proche-Orient à la recherche d’un avenir meilleur, ils prennent parfois la mer pour se rendre ailleurs. Au Japon, chaque fois que je parlais de gens venant d'ailleurs par voie maritime – pas nécessairement du Proche-Orient – ce n'était pas une image très courante. C’est alors que je me suis demandé comment parler de ces voyages à des personnes qui seraient peut-être moins enclines à écouter…»

La différence de cultures abordée par Dalloul fait référence aux histoires dramatiques entendues au Moyen-Orient et en Afrique, de réfugiés et de migrants qui voyagent par bateau pour échapper aux guerres, à la pauvreté et à l'oppression politique dans leur pays d'origine. À titre d’exemple, selon l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 137 000 personnes ont traversé la mer Méditerranée au cours des six premiers mois de 2015. Cela offre une représentation statistique du nombre effarant de réfugiés et de migrants à l'Est qui utilisent la mer comme issue de secours.

En introduisant ce concept, Dalloul met en évidence la discordance entre la compréhension locale de la mer et celle des différentes cultures.

Les motivations de la collection «Inner child» englobent des sentiments et des expériences difficiles à cerner, en particulier dans un pays où la population est majoritairement homogène. Cependant, le fait que Dalloul joue sur la sentimentalité, en utilisant des images de l'enfance, des scénarios d'hypnose dans des enregistrements audio et des concepts universels, permet un choc de mondes qui autrement se croiseraient sans doute rarement, créant ainsi un lien entre l'imaginaire, fourni par différentes formes d'art, et le réel, fourni par son insistance sur les problèmes du monde réel. Ce faisant, il parvient à créer une collection qui reflète et inspire à la fois de meilleures conceptions des rencontres des gens avec le monde, approfondissant et élargissant les façons dont le sentiment peut être formé à partir d'expériences ou de lieux subjectifs.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La disparition d’une femme est le thème de départ de la nouvelle pièce de Betty Taoutel dans « Mono Pause »

« Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », explique Betty Taoutel (Photo: fournie)
« Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », explique Betty Taoutel (Photo: fournie)
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  • L’histoire d’une femme qui traverse un chamboulement intérieur, exacerbé par tout ce qu’elle a vécu ces dernières années au Liban
  • Une pièce qui raconte la rencontre de deux personnes, l’une en quête de solitude et l’autre fuyant la solitude

DUBAÏ : Pour son retour au théâtre après quatre ans d’absence, l’auteure-metteuse en scène et comédienne Betty Taoutel, fait bien des mystères. « C’est l’histoire de la disparition volontaire d’une femme. Les événements se déroulent dans une maison de la montagne libanaise », raconte Betty. 

« Les gens ont commencé à me demander où j’avais disparu. Et cette question, qui revenait de manière récurrente, a fini par provoquer chez moi un déclic. J’allais faire de la disparition d’une femme le thème de départ de ma nouvelle pièce », explique la dramaturge qui, dès août 2023, va s’atteler à l’écriture de Mono Pause.

L’histoire d’une femme (qu’elle interprète elle-même) qui traverse un chamboulement intérieur, exacerbé par tout ce qu’elle a vécu ces dernières années au Liban et qui décide volontairement de disparaître pour prendre une pause. Partie se réfugier dans une maison de montagne, elle y croisera en chemin un homme. Un personnage que Taoutel, qui écrit toujours des rôles spécifiques pour ses acteurs, a spécialement concocté pour son ami le professeur Jacques Mokhbat, spécialiste des maladies infectieuses et comédien à ses heures perdues.

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Partie se réfugier dans une maison de montagne, elle y croisera en chemin un homme. Un personnage que Taoutel a concocté pour son ami le professeur Jacques Mokhbat. (Photo : fournie)

« Il m’avait contactée quelques mois plus tôt et m’avait fait part de sa lassitude de baigner dans ce tourbillon de virus et de pandémie. Et de son envie de prendre congé de la médecine en remontant sur les planches d’un théâtre. Son désir de jouer a été l’un des facteurs déclencheurs de cette pièce qui, sans évoquer directement les événements traversés, dépeint leurs conséquences sur nos vies, nos caractères et notre seuil de tolérance », signale l’auteure, qui a également signé la mise en scène de Mono Pause.

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"Mono Pause" : la nouvelle pièce de Betty Taoutel. (Photo: fournie)

Une pièce qui, à travers ce duo d’acteurs sur scène, « accompagnés des voix off de cinq autres personnages », raconte aussi la rencontre de deux personnes, « l’une en quête de solitude et l’autre fuyant la solitude », consent-elle à dévoiler.


«Juste un défi»: une artiste peint avec ses mains et ses pieds dix tableaux simultanément

L'artiste néerlandais Rajacenna van Dam peint dix tableaux à la fois avec ses mains et ses pieds, en direct dans un musée à Vlaardingen, le 3 mai 2024 (Photo, AFP).
L'artiste néerlandais Rajacenna van Dam peint dix tableaux à la fois avec ses mains et ses pieds, en direct dans un musée à Vlaardingen, le 3 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Un astronaute, un autoportrait, un panda avec des lunettes et sept autres peintures, posées à l'envers par terre, sur une table et sur deux chevalets, voient le jour sous les coups de brosse de la jeune femme
  • C'est parti d'une blague, un défi pour contrer l'ennui mais aujourd'hui, c'est du sérieux

VLAARDINGEN, Pays-Bas:  Armée de deux pinceaux entre les orteils et deux autres dans les mains, une concentration extrême dessinée sur son visage, Rajacenna van Dam, artiste néerlandaise de 31 ans, peint simultanément dix tableaux dans un musée aux Pays-Bas.

Un astronaute, un autoportrait, un panda avec des lunettes et sept autres peintures, posées à l'envers par terre, sur une table et sur deux chevalets, voient le jour sous les coups de brosse de la jeune femme aux cheveux bouclés.

C'est parti d'une blague, un défi pour contrer l'ennui mais aujourd'hui, c'est du sérieux : les bras et les jambes tendus, un coup de pinceau par ci, un coup de pinceau par là, Rajacenna, son nom d'artiste, est une perfectionniste et a planifié tous ses gestes en amont dans sa tête.

"Je travaille un peu sur un tableau, puis je reviens à un autre tableau, donc je déplace constamment ma concentration entre tous les tableaux", explique auprès de l'AFP Rajacenna, gauchère d'origine.

"Il y a cinq ans, j'ai commencé à peindre à deux mains, pour le défi et pour aller plus vite, et j'ai découvert que j'étais ambidextre", se souvient-elle.

Et un jour, un journaliste demande en plaisantant si elle peut aussi peindre avec les pieds.

Elle essaie, "pour le fun". Après des mésaventures avec du scotch entre les orteils, elle essaie de la pâte à modeler pour coincer le pinceau. Elle finit par y arriver, poste une vidéo sur internet qui devient virale et les commandes commencent à tomber.

La différence entre les tableaux peints à la main et ceux au pied n'est pas visible. A part pour elle.

"Je vois vraiment une grande différence car c'est un peu moins précis", dit-elle, invitée pour cette performance par un musée dans sa ville natale, Vlaardingen, dans le sud des Pays-Bas.

«Extraordinaire»

"Je m'ennuie assez vite, donc j’aime me mettre au défi, et faire tout ça en même temps provoque en moi une sorte de sensation de méditation, ce qui me calme beaucoup", raconte l'artiste, qui adorait déjà dessiner étant enfant.

Elle délaisse l'activité durant la puberté puis à 16 ans, un dessinateur de rue en Italie ravive la passion en elle. Aujourd'hui, ses vidéos en ligne ont des millions de vues, notamment celles où on la voit peindre avec ses mains et ses pieds plusieurs tableaux en même temps.

A sa connaissance, elle est la seule à faire ça. "Mais j'espère que les gens seront inspirés à faire plus de choses, ou de se mettre au défi un peu plus, comme dessiner avec les pieds", dit l'artiste, dont les tableaux partent pour des sommes entre 6.000 et 12.000 euros, selon son père, Jaco van Dam.

Elle a été remarquée par des célébrités telles que le chanteur Justin Bieber, qui a qualifié son travail d'"incroyable" lorsqu'elle lui a présenté un portrait de lui-même.

"C'est aussi très spécial pour nous en tant que parents, elle nous surprend aussi et je ne comprends pas non plus comment elle fait", déclare le père de Rajacenna auprès de l'AFP.

Au mur du musée trône un portrait d'Einstein peint par la jeune artiste. Un clin d'oeil à une étude dont fait l'objet son cerveau menée par le neuroscientifique turco-allemand Onur Güntürkün, selon lequel la jeune femme "est capable de choses que les neurosciences jugent impossible".

"Un scanner cérébral a déjà révélé auparavant que ses hémisphères cérébraux droit et gauche sont trois fois plus connectés que la moyenne", affirme Jaco van Dam auprès de l'AFP.

De quoi impressionner le commun des mortels qui déambule dans le musée, comme ce couple de retraités.

"C'est extraordinaire que quelqu'un soit capable de faire ça", s'exclame Anton van Weelden, 75 ans.

"Et en plus, les tableaux sont très beaux et réalistes", dit-il, avouant qu'il s'emmêlerait les pinceaux s'il venait à s'aventurer sur ce terrain-là. "Je n'arriverais même pas à peindre comme ça avec ma main droite".


La silencieuse agonie du glacier colombien Ritacuba Blanco

Un touriste explore le glacier Ritacuba Blanco dans le parc naturel national El Cocuy, dans la province de Boyaca, en Colombie, le 19 avril 2024. Le glacier Ritacuba Blanco, l'un des plus hauts sommets enneigés de Colombie, devrait être recouvert d'un manteau de neige homogène. Mais un brutal phénomène El Niño l'a fait fondre et a révélé de gigantesques crevasses, signe de son agonie. (Photo de Luis Acosta AFP)
Un touriste explore le glacier Ritacuba Blanco dans le parc naturel national El Cocuy, dans la province de Boyaca, en Colombie, le 19 avril 2024. Le glacier Ritacuba Blanco, l'un des plus hauts sommets enneigés de Colombie, devrait être recouvert d'un manteau de neige homogène. Mais un brutal phénomène El Niño l'a fait fondre et a révélé de gigantesques crevasses, signe de son agonie. (Photo de Luis Acosta AFP)
Le pic Pan de Azucar est vu depuis le pic Ritacuba Blanco dans le parc naturel national El Cocuy, dans la province de Boyaca, en Colombie, le 19 avril 2024. Le glacier Ritacuba Blanco, l'un des plus hauts sommets enneigés de Colombie, devrait être recouvert d'un manteau de neige homogène. Mais un brutal phénomène El Niño l'a fait fondre et a révélé de gigantesques crevasses, signe de son agonie. (Photo de Luis ACOSTA / AFP)
Le pic Pan de Azucar est vu depuis le pic Ritacuba Blanco dans le parc naturel national El Cocuy, dans la province de Boyaca, en Colombie, le 19 avril 2024. Le glacier Ritacuba Blanco, l'un des plus hauts sommets enneigés de Colombie, devrait être recouvert d'un manteau de neige homogène. Mais un brutal phénomène El Niño l'a fait fondre et a révélé de gigantesques crevasses, signe de son agonie. (Photo de Luis ACOSTA / AFP)
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  • Dans sa partie la plus basse, à 4.950 mètres d'altitude, de larges fissures révèlent désormais la roche jusque-là cachée
  • Des 14 glaciers tropicaux qui existaient en Colombie au début du 20e siècle, il ne reste plus que six

EL COCUY, Colombie : Il y a quelques mois encore, le Ritacuba Blanco, l'un des plus hauts sommets de Colombie, était recouvert d'un homogène manteau neigeux. Mais la hausse des températures a récemment provoqué de larges fissures dans la glace qui témoignent de sa lente agonie.

Depuis novembre dernier et la hausse des températures dans le pays à cause du phénomène météorologique El Niño, le manteau blanc a commencé à fondre à une vitesse vertigineuse, alertent les experts.

Dans sa partie la plus basse, où l'AFP a pu se rendre, à 4.950 mètres d'altitude, de larges fissures révèlent désormais la roche jusque-là cachée. Les autorités accusent El Niño, qui frappe la Colombie depuis fin 2023.

Le phénomène météorologique est généralement associé à une hausse des températures et d'importantes sécheresses susceptibles d'entraîner des feux de forêts dévastateurs. Il se produit en moyenne tous les deux à sept ans, et les épisodes durent généralement de neuf à douze mois.

L'épisode actuel s'inscrit «dans le contexte d'un climat modifié par les activités humaines», a noté l'Organisation météorologique mondiale (OMM).

La Colombie, dont la biodiversité est l'une des plus riches au monde, a enregistré en mars le mois le plus chaud de son histoire, avec des températures atteignant par endroits 42,4°C.

«Le phénomène El Niño est peut-être la pire chose qui puisse arriver à nos pics enneigés ou à nos glaciers», estime Jorge Luis Ceballos, glaciologue à l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'études environnementales (Ideam). «Il n'y a pas de couverture nuageuse et donc pas de chute de neige», souligne-t-il.

Des 14 glaciers tropicaux qui existaient en Colombie au début du 20e siècle, il n'en reste plus que six. Le Ritacuba Blanco, situé dans le parc national de la Sierra Nevada del Cocuy, à environ 250 km au nord-est de la capitale Bogota, est le plus en péril des sommets encore enneigés du pays.

«À la fin de l'année dernière, les parois ici mesuraient environ six mètres de haut (...) aujourd'hui, elles ne font pratiquement plus qu'un mètre», souligne le guide Edwin Prada.

- «De pire en pire» -

Selon les données les plus récentes, de 2022, quelque 12,8 km2 de ce territoire étaient alors recouverts de glace et de neige, soit l'étendue la plus faible depuis que l'Ideam effectue des relevés. En 2010, le manteau neigeux couvrait 16,5 km2 et même 19,8 km2 en 2003.

Ces derniers mois, «la neige a fondu en raison du manque de précipitations et la glace a été exposée au rayonnement solaire, ce qui a accéléré le dégel», explique M. Ceballos.

La planète a connu en 2023 les températures les plus élevées jamais enregistrées, selon l'Observatoire européen du climat Copernicus (C3S). En Asie, continent le plus touché, les sommets glacés de l'Himalaya sont également en train de disparaître, menaçant la sécurité hydrique de la région, selon l'OMM.

Le phénomène El Niño a également provoqué cette année d'importants incendies en Colombie. Au total, plus de 17.000 hectares de forêts sont parties en fumées dans tous le pays. Une partie des flammes a atteint les paramos, ces écosystèmes fragiles propres aux pays andins.

De nombreux petits lacs qui alimentent habituellement les villages en eau se sont en outre asséchés.

Fait sans précédent au cours de ce siècle, la capitale colombienne a décrété un rationnement du service d'approvisionnement en eau il y a trois semaines en raison du faible niveau de ses réservoirs.

Humberto Estepa, un habitant de Güican, un village proche du Ritacuba Blanco, tremble à chaque fois qu'il se rend au pied du glacier.

Le dégel «cette année a été trop important», assure-t-il. «C'est de pire en pire, il y a de nouvelles crevasses, plus de dégel», se disant «très nostalgique».