Au Maroc, la scène musicale a été touchée de plein fouet par la pandémie. Du jour au lendemain, les musiciens marocains se sont trouvés dans l’impossibilité de monter sur scène, et la situation n’a toujours pas changé à ce jour: aucune date de reprise des concerts n’est prévue.
Les festivals et les concerts sont les principales sources de revenus des musiciens. Au Maroc, la situation est d’autant plus préoccupante qu’il n’existe pas de revenu minimum pour les artistes ou de statut d’intermittent pour amortir la chute.
« Ici, quand un musicien ne sort pas travailler, il meurt de faim », confie Majid Bekkas, musicien de renom qui sillonne le monde avec sa musique tagnaouite. Depuis le début du confinement, il compte sur les quelques initiatives de concerts possibles, en live, made at home sur les réseaux sociaux, mais s’inquiète de voir de nombreuses dates de concert reportées, voire tout simplement annulées.
Tous les musiciens ne sont pas logés à la même enseigne
Le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports a bien lancé un appel à projets pour soutenir les musiciens, mais beaucoup s’interrogent. « Nous avons bien peur que ce soient toujours les mêmes qui touchent les aides : ceux qui sont capables de remplir des dossiers rapidement et ceux qui possèdent une carte d’artiste, déplore le musicien Adil Kaghat. Le Bureau des droits d’auteur a également décidé de distribuer une enveloppe de quelques millions de dirhams à ses membres. Mais tous les artistes ne sont pas adhérents du Bureau. »
Dans la sphère musicale, tout le monde n’est donc pas logé à la même enseigne. Que vont devenir ces artistes qui jouent dans les restaurants et autres lieux publics ? « Nous pensons à nos musiciens, mais nous ne pouvons pas nous permettre aujourd’hui d’autoriser à nouveau les concerts, c’est beaucoup trop dangereux », précise Ghislaine Andalous, gérante du Backstage de Casablanca, véritable scène alternative pour la musique dans le pays. « La musique n’est hélas pas prioritaire », se désole la gérante qui vient à peine d’ouvrir son restaurant, à 50 % de sa capacité d’accueil pour se conformer aux normes de sécurité.
Même scénario au George de Rabat. Le restaurant accueillait des concerts tous les mercredis, vendredis et samedis. Les musiciens étaient rémunérés 800 dirhams par soirée. « Nous n’avons pas encore reçu l’autorisation de reprogrammer les concerts car les scènes sont exiguës. Et sans trésorerie, nous ne pouvons pas payer les musiciens », avoue le maître des lieux, Lucas Servonnat, qui a dû se séparer de plusieurs de ses salariés faute de recettes.
« Pense-t-on à ces musiciens ? » renchérit Majid Bekkas. Plus d’événements, plus de soirées privées, plus de mariages. Comment survivre ? « On survit grâce à ce qu’on a gagné pendant l’année, mais la haute saison des festivals et des événements est perdue ! L’été est traditionnellement une mine d’or pour nous », se désole Amine Bliha, percussionniste et batteur qui joue notamment au sein de l’Orchestre symphonique royal. Comme les rassemblements sont interdits, il n’est pas possible d’organiser des concerts. « Nous n’avons pas de salaire, nous vivons de cachets. C’est effrayant ! »
Impatience, fatigue, angoisses… L’ambiance n’est pas à l’optimisme. Pourtant l’espoir demeure. Les musiciens continuent de créer et espèrent des jours meilleurs. C’est le cas du groupe Bab L’Bluz: il a profité du confinement pour sortir l’album Nayda, qui connaît un grand succès. Quant aux artistes Diae Ettaybie ou Hamza El Fadly, ils viennent de sortir plusieurs singles qui réchauffent le cœur de leurs fans sur la Toile. Le premier ravive la beauté et la force des traditions avec Ha Wlayllah ; le second, Derhem, est un tube entraînant qui anime déjà l’été. Tous espèrent en tout cas reprendre rapidement le chemin des concerts et retrouver l’énergie du public, car « la magie de la scène est sans pareil ». À suivre…