RENNES : «Votre livre est-il tiré d'un vrai fait divers ?»: A quelques semaines de la remise du prix Goncourt des lycéens, quelque 2.000 élèves «au taquet» ont questionné les 15 auteurs en lice pour mieux explorer leur roman.
«Pourquoi le titre spoile-t-il un peu l'histoire ?», demande l'un des jurés lycéens, qui sont venus de Brest, de Cherbourg ou encore de Saumur, jeudi au centre culturel de Rennes, à Pascale Robert-Diard, autrice de «La petite menteuse» (L'iconoclaste).
«C'était mon titre de travail. On peut se dire que c'est dommage de spoiler l'histoire, mais (avec les éditeurs) on l'a gardé, parce qu'on l'aimait bien. Ce n'était pas un thriller, la question n'était pas de savoir si (la jeune fille) avait dit ou pas la vérité», répond Pascale Robert-Diard, première à passer sous le feu des questions.
Dans son premier roman où une collégienne fait face aux conséquences judiciaires de ses accusations de viol, la chroniqueuse judiciaire au «Monde» décrit le collège comme une «implacable gare de triage».
Pascale Robert-Diard dit avoir voulu rappeler «ce qu'est le collège», «la laideur», «la difficulté à traverser cette période».
Pour cette 35e édition du Goncourt des lycéens - prix né à Rennes - organisée par le ministère de l'Education en partenariat avec la Fnac, sept rencontres entre élèves et auteurs se sont tenues ces dernières semaines en région.
Ces rendez-vous marquent la première étape de ce marathon de lecture dont l'objectif est de faire découvrir la littérature contemporaine aux lycéens. 55 lycées en régions mais aussi de l'étranger (Etats-Unis, Canada, Liban) composent le jury cette année.
Le lauréat du Goncourt des lycéens sera annoncé à Rennes, le 24 novembre.
- «Sans filtre» -
Acclamés par les élèves, les auteurs sont venus donner des clés pour comprendre leur roman.
«Vous êtes-vous inspiré de votre propre vie ?» demandent les lycéens à Nathan Devers, auteur du roman «Les liens artificiels» (Albin Michel), l'histoire d'un «pauvre type qui vit dans un monde con», qui va vivre des expériences fortes dans un métavers.
Le jeune auteur, qui signe son troisième roman, explique avec humour que la vie de son personnage est finalement «même parfois contraire à la (sienne)», que son roman décrit «une société libérale» et «sa brutalité».
Une lycéenne demande à Carole Fives, autrice de «Quelque chose à te dire» (Gallimard), l'histoire hitchcockienne d'une écrivaine à succès et de son admiratrice, si l'un de ses protagonistes «a des sentiments pour Elsa» ou «s'il fait semblant».
«J'écris des mots, mais je ne fais pas de fiches de personnages, je ne suis pas dans le off», explique l'autrice. Surprise par la vibrante lecture d'un extrait de son roman par Blandine venue avec sa classe de Cherbourg, la romancière lilloise se réjouit de trouver des élèves «très attentifs et réceptifs».
«Ils étaient au taquet, il y avait une bonne énergie, je les trouvais très bienveillants, et les questions bien élaborées, on sentait qu'ils avaient lu», note-t-elle.
Pour Karol Moreau, professeure de français au lycée Ronsard de Vendôme (Loir-et-Cher), cette rencontre est importante pour motiver ses élèves.
«Ils sont très dynamiques, on a des petits lecteurs, on a des élèves qui sont aussi dyslexiques», explique à l'AFP Mme Moreau.
Dans sa classe, Enzo a lu un extrait du roman de Sabyl Ghoussoub, encouragé par ses camarades depuis les gradins.
«L'explosion du port de Beyrouth est-elle un point de départ pour votre histoire ?», «pourquoi un roman aussi éclaté», demandent les adolescents à l'auteur de «Beyrouth-sur-Seine» (Stock), qui rend hommage à ses parents libanais.
«Je suis à Rennes, si je prends mon téléphone je suis à Beyrouth (...) cet espèce de va-et-vient (...) c'est moi», explique l'écrivain.
Selon Sabyl Ghoussoub, les lycéens posent «des questions vraiment sans filtre qui sont assez bouleversantes». «Mon rapport au Liban change, c'est comme si je me revoyais à leur âge», dit-il après une séance de dédicaces et de selfies.