STOCKHOLM : Le dirigeant conservateur suédois Ulf Kristersson a été élu lundi Premier ministre par le Parlement, avec un soutien inédit et influent de l'extrême droite des Démocrates de Suède (SD) marquant une nouvelle ère politique pour le pays scandinave.
Le chef du parti des Modérés, artisan d'un rapprochement sans précédent de la droite traditionnelle et du camp nationaliste aux élections législatives de septembre, a réuni 176 voix pour son élection comme chef de gouvernement, pour 173 contre.
Après huit ans de gauche au pouvoir, il succède à la cheffe du gouvernement sociale-démocrate Magdalena Andersson, qui assurait la transition après avoir présenté sa démission après des élections très serrées.
Le vote a été salué par des applaudissements sur les bancs des trois partis de droite (Modérés, Chrétiens-démocrates, Libéraux) qui formeront le futur gouvernement, et des SD, très influente première formation de la majorité avec 73 sièges.
Pour devenir Premier ministre, Ulf Kristersson, 58 ans, ne devait pas avoir de majorité absolue contre lui.
"Maintenant le changement est possible", a-t-il déclaré en conférence de presse après son élection, faisant part de son "humilité devant les tâches qui nous attendent".
Vendredi, après plusieurs semaines de négociations, le chef de file de la droite suédoise avait présenté un accord politique avec les trois autres chefs de partis partenaires de la majorité, dont le patron des SD Jimmie Åkesson.
A 43 ans, ce dernier avait été le grand vainqueur des élections du 11 septembre, avec un score record de 20,5% des voix et le nouveau rang de deuxième parti de Suède derrière les sociaux-démocrates sortants.
Dans leur feuille de route de 62 pages présentée vendredi, les quatre partis prévoient notamment des mesures pour lutter contre la criminalité et réduire l'immigration, baisser l'aide au développement dont la Suède est une championne, ainsi qu'une relance de l'énergie nucléaire que la Suède avait résorbée ces dernières décennies.
Le nouveau gouvernement, attendu mardi, prévoit entre autres des coupes drastiques dans la politique suédoise d'accueil des réfugiés, réduisant le quota de 6 400 l'année dernière à 900 par an pendant les quatre années de mandat, ainsi que la possibilité "d'expulser les étrangers pour mauvaise conduite".
Majorité fragile
Avec de graves problèmes de gangs criminels et de règlements de compte sanglants, Ulf Kristersson avait fait de la sécurité une clé de voûte de son programme électoral aux côtés des promesses de maîtrise des prix de l'énergie perturbés par la guerre en Ukraine.
"La criminalité est un très grand engagement de ce gouvernement", a-t-il déclaré lundi, interrogé sur la priorité de son nouvel exécutif.
Jamais dans l'histoire politique suédoise l'extrême droite n'avait fait partie d'une majorité, sur fond de poussée nationaliste dans plusieurs pays européens.
Le programme prévoit aussi d'autoriser des fouilles sans comportement suspect dans certains quartiers sensibles, des peines plus lourdes pour les récidivistes et la possibilité de témoigner anonymement en justice.
A l'international, la Suède va assurer la présidence de l'UE au premier semestre 2023 et doit aussi boucler son adhésion à l'Otan, menacée d'un veto turc.
"Je me réjouis de travailler ensemble pour répondre aux défis multiples auxquels notre Union fait face", a réagi présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en félicitant M. Kristersson.
Le grand défi du nouvel exécutif était de concilier les attentes contradictoire du petit parti des Libéraux, dont la ligne rouge était l'accession de l'extrême droite au gouvernement, et l'influence des SD, qui revendiquaient des postes de ministres.
Même en dehors du gouvernement, ces derniers ont salué lundi leur "rôle absolument décisif" dans la majorité.
A la fois comme "plus grand parti parmi les quatre dans le document gouvernemental, et en tant que garant parlementaire du gouvernement qui va entrer en fonction", s'est félicité M. Åkesson.
"C'est un gouvernement SD mais sans les SD", tranche l'éditorialiste du quotidien Aftonbladet Anders Lindberg, proche des sociaux-démocrates. "C'est leur politique, y compris dans des domaines controversés comme l'immigration, les règles de la police, le système judiciaire ou l'aide internationale".
En raison des fragilités de la nouvelle majorité, la gauche, de retour dans l'opposition, n'a pas abandonné l'espoir de revenir au pouvoir avant les prochaines élections prévues en 2026, en ramenant à elle des députés libéraux.