Une épave en mer Rouge reflète l'ampleur du patrimoine maritime de l'Arabie saoudite

Des archéologues marins d'Arabie Saoudite et de l'Université de Naples «L’Orientale» documentent certaines des centaines de jarres de stockage trouvées sur le site de l'épave d'Umm Lajj. (Photo, Ministère de la Culture/Université de Naples)
Des archéologues marins d'Arabie Saoudite et de l'Université de Naples «L’Orientale» documentent certaines des centaines de jarres de stockage trouvées sur le site de l'épave d'Umm Lajj. (Photo, Ministère de la Culture/Université de Naples)
Short Url
Publié le Mercredi 12 octobre 2022

Une épave en mer Rouge reflète l'ampleur du patrimoine maritime de l'Arabie saoudite

  • L'épave d'Umm Lajj se trouve à une profondeur d'environ 22 mètres, à 180 km au nord du port moderne de Yanbu
  • En août, la Commission du patrimoine saoudien a lancé un projet d'étude de 400 km de la côte de la mer Rouge du Royaume

LONDRES: À première vue, la tasse en porcelaine bleue et blanche gisant intacte sur le fond marin sablonneux semble avoir été jetée d'un bateau hier.

En fait, cette tasse, l'une des centaines disséminées dans la région immédiate, repose sous les flots depuis plus de deux-cent-cinquante ans.

La cargaison perdue, ainsi que le grand navire marchand qui l'a emportée au fond de l'eau, ne sont pas seulement les indices d'une tragédie oubliée depuis longtemps, mais aussi une indication de l'ampleur du patrimoine maritime de l'Arabie saoudite, encore largement méconnu.

L'épave d'Umm Lajj, nommée d'après la ville la plus proche sur la côte de la mer Rouge du Royaume, se trouve à une profondeur d'environ 22 mètres, entre le lagon d'Al Wajh et l'île d'Al-Hassan, à environ 180 kilomètres au nord du port moderne de Yanbu.

On pense qu'une simple tasse trouvée sur le fond marin au large d'Umm Lajj a été fabriquée en Chine et transportée en mer Rouge au XVIIIe siècle. (Photo, Ministère de la culture/Université de Naples)

L’épave du bateau a été découverte il y a plus de quinze ans par des plongeurs amateurs et, avant que l'accès au site puisse être officiellement restreint, elle a été partiellement pillé.

En 2015, la Commission du patrimoine du ministère saoudien de la Culture a placé les eaux entre Yanbu et Umm Lajj sous protection et a invité une équipe de l'Université de Naples «L'Orientale» à se joindre aux archéologues saoudiens afin d’effectuer une étude du site – et une pièce fascinante du puzzle émergeant de l'histoire maritime du Royaume a commencé à sortir des profondeurs.

Ils ont trouvé les traces des restes d'un grand navire marchand du milieu du XVIIIe siècle, d'environ 40 mètres de long. Bien que partiellement enfouies dans le sable, certaines des poutres du navire étaient encore visibles au-dessus du fond marin. Autour du site de l'épave se trouvait une partie de sa cargaison, notamment des centaines de jarres, d'autres récipients de stockage et des centaines de petites tasses en porcelaine, dont beaucoup étaient encore intactes.

Près de ce que l'on pense être la poupe du navire se trouve un monticule d'environ 1 000 jarres en terre cuite, autrefois couramment utilisées dans toute l'Égypte et l'Arabie pour contenir des liquides, maintenant calcifiées en une seule masse solide. Il est probable que de nombreuses autres jarres se trouvent encore sous le sable.

L'épave se trouve à angle droit par rapport au récif, ce qui indique que le navire a pu connaître son destin au mouillage, peut-être en cherchant à s'abriter des vents du nord-ouest dominants dans la région.

La cause du naufrage reste incertaine. Il est possible qu'il ait sombré dans une tempête ou se soit échoué sur le récif. Un incendie catastrophique pourrait s’être déclaré à bord, ce qui expliquerait la présence de quelques fragments de bois brûlé parmi les débris.

Mais surtout, les archéologues ont pu reconstituer l'histoire du navire et de son équipage, contribuant ainsi à une meilleure compréhension du patrimoine maritime de l'Arabie saoudite et de la région de la mer Rouge.

Au cours des dernières décennies, d'énormes travaux archéologiques ont été menés en Arabie saoudite, dressant un tableau de plus en plus complet d'un patrimoine complexe qui remonte aux premiers jours de l'histoire de l'humanité.

L'archéologue Chiara Zazzaro, co-directrice de l'exploration sous-marine du site.  (Photo, Ministère de la Culture/Université de Naples)

Grâce à leur inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, des trésors tels que la région d'AlUla, où se trouve l'ancienne cité nabatéenne de Hegra, Diriyah, le berceau de l'Arabie saoudite, et la région de Hail, avec sa richesse en art rupestre documentant plus de dix-mille ans d'histoire humaine, commencent à être connus dans le monde entier.

L'attention se porte désormais sur ce qui se cache sous les vagues au large de l'Arabie saoudite. Le point de départ est une simple tasse posée sur le fond marin au large d'Umm Lajj, qui est suspectée d’avoir été fabriquée en Chine et transportée en mer Rouge au XVIIIe siècle.

En août, la Commission du patrimoine saoudien, en collaboration avec l'université du roi Abdelaziz à Djeddah, a lancé des plans pour une recherche sous-marine sans précédent qui sonderait 400 km de la côte de la mer Rouge du Royaume.

Cette recherche débutera du site de l'épave d'Umm Lajj et remontera vers le nord jusqu'à Ras al-Cheikh Hamid, le cap sablonneux de la province de Tabūk qui constitue l'extrémité occidentale de l'Arabie saoudite continentale.

Plusieurs mystères attendent d'être résolus, notamment l'emplacement d'un certain nombre de ports mentionnés par les historiens classiques et qui se trouveraient le long du littoral de la mer Rouge en Arabie saoudite.

Parmi eux figure l'ancien port de Charmuthas, décrit au deuxième siècle avant J.-C. par l'historien grec Agatharchides comme le meilleur port de la côte, capable d'abriter 2 000 navires à la fois.

Certains archéologues pensent qu'il s'agissait d'une vaste étendue d'eau à laquelle on accédait par une baie étroite, ou bras de mer, à quelque 30 km en amont de la côte de Yanbu, toujours fréquentée par de petits bateaux de pêche et autres embarcations de plaisance.

Iotabe, une île qui a servi de port commercial et de centre fiscal romain au premier millénaire, a été mentionnée pour la première fois par des historiens romains contemporains au quatrième siècle et a été associée par certains à l'île stratégiquement importante de Tiran, à l'embouchure du golfe d'Aqaba.

La grande lagune d'Al-Wajh, juste au nord de l'épave d'Umm Lajj, a été évoquée comme le site possible de deux ports antiques. L'un était Egra, mentionné au premier siècle par le géographe grec Strabo comme un village de bord de mer associé à Hegra, à 160 km à l'intérieur des terres. L'autre est un autre port nabatéen perdu, Leuke Kome, ou Horse Bay, également mentionné par Strabo.

L'épave d’Umm Lajj, qui porte le nom de la ville la plus proche sur la côte de la mer Rouge du Royaume, se trouve à une profondeur d'environ 22 mètres. (Photo, Ministère de la Culture/Université de Naples)

Certains de ces sites seront inclus dans la recherche. D'autres ont été identifiés par une équipe de biologistes marins qui a déjà étudié le lagon d'Al Wajh, juste au nord du site de l'épave, dans le cadre d'une étude de onze mois sur l'ensemble de la zone désignée pour le développement par la Compagnie de développement de la mer Rouge, afin d'identifier et de protéger la faune et les écosystèmes de la région.

Chiara Zazzaro, archéologue à l'Université de Naples «L'Orientale» et codirectrice des recherches sous-marines avec Romolo Loreto sur l'épave d'Umm Lajj, a déclaré: «Ils ne sont pas archéologues, mais ils ont soigneusement mentionné la position de chaque élément de preuve archéologique sous-marine potentielle qu'ils ont trouvé, et ils ont une liste d'une douzaine d'endroits, rien que le long de la rive d'Al Wajh.»

On ne sait pas encore si chacun de ces sites est l'épave d'un navire. Mais Zazzaro et ses collègues ont été invités à plonger sur l'un d'eux le mois dernier. «Celui-ci est assurément l’épave d’un navire. Il y a des jarres, semblables à celles que nous avons trouvées à Umm Lajj, et des restes de bois», a-t-elle ajouté.

Parallèlement, alors que la plus vaste étude maritime jamais réalisée sur la côte de la mer Rouge est en cours, l'épave d'Umm Lajj va faire l'objet des premières fouilles archéologiques sous-marines du Royaume.

Le projet est dirigé par la Compagnie de développement de la mer Rouge qui, en partenariat avec le ministère de la Culture, qui prévoient de transformer plus de 28 000 kilomètres carrés de terres, d'îles et d'eaux vierges le long de la côte ouest de l'Arabie saoudite en une destination touristique durable qui tirera le meilleur parti des paysages époustouflants et du patrimoine de la région.

S'exprimant lors de la signature des accords entre l'organisation et le ministère en novembre, John Pagano, directeur général de la Compagnie de développement de la mer Rouge, a déclaré: «La côte de la mer Rouge en Arabie saoudite est riche en histoire, placée au cœur des routes commerciales mondiales depuis des siècles.

«Le partenariat avec les commissions du patrimoine et des musées nous permet à la fois d'explorer l'importance historique de cette région unique et de garantir la préservation de nos découvertes.»

Il a souligné que la Compagnie de développement de la mer Rouge était «engagée dans le développement responsable de l'extraordinaire beauté naturelle et de la valeur historique de la mer Rouge et nous nous réjouissons d'une collaboration étroite pour faire progresser les efforts de conservation du patrimoine du Royaume.»

Les plongées de cette année ont ajouté plus de matériel aux découvertes, des épaves rappelant que des vies ont probablement été perdues: Une cuillère, un peigne, des perles, et ce qui semble être des pièces de monnaie.

Zazzaro a signalé que ces découvertes sont maintenant en cours d'analyse. «Elles ont le même diamètre que le thaler de Marie-Thérèse, un type de pièce d'argent qui a été frappé pour la première fois en 1741 et qui est rapidement devenu une monnaie courante dans le commerce mondial. J'espère qu'elles le sont: Cela nous donnerait tellement d'informations sur l'économie de cette période.»

Parmi les autres trouvailles figurent des grains de café – le port de Mocha au Yémen a été pendant de nombreuses décennies la source d'une grande partie du café consommé en Europe, cultivé sur les flancs des monts Sarawat qui longent le côté de la mer Rouge. Les bols de deux pipes de style ottoman laissent deviner les origines de l'équipage.

Jusqu'à ce que des fouilles soient entreprises, seules quelques poutres sont actuellement visibles, mais elles sont suffisamment importantes pour montrer que le navire n'était pas un boutre arabe traditionnel.

«Il est complètement différent. Les boutres sont normalement plus courts, d'un maximum d'environ 35 mètres, alors qu'il s'agit d'une structure assez massive. Les planches sont très épaisses, et la charpente interne est également très grande», a ajouté Zazzaro.

Elle a indiqué que le navire a presque certainement été construit sur la mer Rouge, probablement en Égypte.

«Nous avons analysé le bois et il est d'origine européenne, en pin et en chêne, et nous savons, grâce à des sources d'archives, qu'il y avait des chantiers navals dans le golfe de Suez qui avaient accès à ces matériaux», a-t-elle clarifié.

Les fouilles de l'épave vont certainement révéler d'autres secrets. Mais les archéologues ont déjà reconstitué une grande partie de l'histoire du navire, et la manière dont elle s'inscrit dans le cadre plus large du commerce maritime égypto-arabe avant l'expansion européenne en mer Rouge.

La première chose dont les archéologues se sont rendu compte, c'est qu'il y avait des similitudes frappantes entre le navire d’Umm Lajj et deux autres épaves de la mer Rouge, découvertes au large de l'Égypte en 1969 et 1994.

La cargaison des deux épaves, un grand navire ottoman du XVIIIe siècle découvert au large de Charm el-Cheikh et un navire similaire trouvé sur l'île de Sadana, près de Safaga en Égypte, était similaire à celle d'Umm Lajj.

Mais c'est l'analyse experte des coupes de l'épave d'Umm Lajj qui a permis de dater le navire, de déterminer la route qu'il avait probablement empruntée et d'établir son rôle dans le schéma général du commerce dans la région.

Dans un article publié en 2018, Chiara Visconti, professeure d'archéologie chinoise et d'histoire de l'art à l'Université de Naples «L'Orientale», a conclu que l'épave d'Umm Lajj pouvait «être considérée comme une preuve archéologique importante du commerce inter-asiatique le long de la mer Rouge – une mer qui a jusqu'à présent fait l'objet de peu d'exploration archéologique – et de la complexité des routes commerciales utilisées pour transporter la porcelaine chinoise à travers la Route maritime de la soie».

Elle s'est rendu compte que le motif décoratif trouvé sur de nombreuses tasses – en particulier, un pin avec un tronc noueux émergeant d'un sol rocheux d'un côté et une seule touffe d'herbe de l'autre, connu par les historiens sous le nom de motif du pin bleu – avait également été vu sur des dizaines de milliers de tasses dans la cargaison du Geldermalsen.

«C’est à coup sûr une épave de navire. Il y a des jarres, semblables à celles que nous avons trouvées à Umm Lajj, et des restes de bois», a déclaré Chiara Zazzaro. (Photo, Ministère de la Culture/Université de Naples)

Ce navire, qui appartenait à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, avait sombré au large d'une île d'Indonésie en 1752 alors qu'il revenait de Canton vers les Pays-Bas avec de nouveaux stocks de porcelaine chinoise très prisée.

Les archives montrent qu'au printemps 1751, le Geldermalsen avait quitté Canton avec une cargaison de tasses et d'autres porcelaines à destination de Surat, un centre de commerce de la société dans le nord-ouest de l'Inde.

Visconti a conclu qu'une partie de la porcelaine a ensuite fait son chemin de Surat à bord d'un navire indien jusqu'à Djeddah, où elle a été transférée sur le navire d’Umm Lajj, «très probablement l'un des navires qui couvraient le secteur du centre-nord de la mer Rouge, sur la route de Djeddah à Suez».

Le navire d’Umm Lajj semble n'avoir porté aucun canon et, à une époque où l'océan Indien était une zone interdite à tous, sauf aux marchands les plus lourdement armés, «il semble peu probable qu'un navire destiné à naviguer dans l'océan Indien ait pris la mer sans avoir à bord des moyens de défense».

Un indice fascinant pointe vers la destination prévue de la cargaison perdue: l’absence de sous-tasses. Dans son article, Visconti a indiqué: «Dans les cargaisons destinées à l'Europe... les tasses à thé et à café étaient toujours accompagnées de leurs sous-tasses respectives. La cargaison d'Umm Lajj est composée de tasses sans sous-tasses, ce qui suggère qu'elle était destinée au marché du Moyen-Orient.»

En fin de compte, il est prévu que les visiteurs du projet de la mer Rouge puissent plonger sur le site de l'épave d'Umm Lajj. Sur terre comme sur mer, l'Arabie saoudite mène une politique de musées ouverts, plaçant les trésors culturels au cœur des projets destinés à attirer les touristes dans le Royaume.

Certains de ces objets seront récupérés et exposés dans des musées, mais d'autres, notamment la masse calcifiée des pots, seront laissés là où ils sont tombés sur le fond marin, pour être découverts dans leur environnement.

En tant qu'archéologue, Zazzaro soutient pleinement le principe de l'accès des plongeurs touristiques aux sites du patrimoine subaquatique.

«Il faut le faire de manière responsable, bien sûr. Mais il s'agit d'un patrimoine pour tous, et plus il y a de personnes qui peuvent venir le voir et en apprendre davantage, mieux c'est. C'est ce qui donne du sens à notre travail», a-t-elle ajouté.

En 2015, l'Arabie saoudite a ratifié la Convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, en vertu de laquelle les sites subaquatiques bénéficient du même statut et de la même protection que les sites terrestres.

La convention comporte également des principes de base que les États doivent prendre en compte dans leurs efforts pour protéger les sites archéologiques engloutis, notamment en donnant la préférence à la préservation in situ.

Zazzaro a signalé: «L'annexe de la convention stipule qu'avant de lancer un projet, il faut réfléchir à ce qu'il faut faire ensuite, à la manière de prendre soin du site et de s'assurer que les populations locales le connaissent, et à la manière de garantir que tout le monde puisse profiter de ces découvertes importantes.»

Après la fouille du navire, Zazzaro estime qu’il devrait être laissé en place, dans ce qui est un environnement naturellement protecteur.

Des archéologues marins d'Arabie Saoudite et de l'Université de Naples «L'Orientale» documentent des centaines de jarres de stockage trouvées sur le site de l'épave d'Umm Lajj. (Photo, Ministère de la Culture/Université de Naples)

«Il serait très difficile et coûteux de retirer, de conserver et d'exposer la structure en bois du navire. De plus, il est préférable de le voir là où il se trouve – ce sera un spectacle admirable.

«La chance de pouvoir plonger sur cette épave était un rêve devenu réalité. C'est tellement spectaculaire. À seulement 20 mètres de profondeur, la lumière y pénètre, et la visibilité est très bonne», a-t-elle ajouté.

Bien que l'Arabie saoudite bénéficie de plus en plus d'une ouverture sur le monde et que les visiteurs affluent pour découvrir ses nombreux trésors patrimoniaux, les sites archéologiques terrestres étant protégés par le manque de visiteurs, les sites sous-marins sont eux aussi restés largement intacts.

«En Méditerranée, de nombreuses épaves – certainement à une vingtaine de mètres – auraient été largement pillées, et il est désormais rare de trouver une épave intacte à cette profondeur.

«Mais en Arabie Saoudite, il y a une richesse de matériel qui attend d'être découverte le long de la côte de la mer Rouge, et une grande partie de ce matériel n'a probablement pas été touché du tout», a soutenu Zazzaro.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Des luttes à l'innovation : Comment le calligraphe saoudien Abdulaziz Al-Rashedi a révolutionné l'écriture arabe

3punt 5. (Fourni)
3punt 5. (Fourni)
Short Url
  • « Je ressens une lumière sacrée dans les lettres », déclare Abdulaziz Al-Rashedi

DUBAÏ : La première passion du calligraphe saoudien et professeur d'arts Abdulaziz Al-Rashedi a toujours été le stylo. Son intérêt pour l'écriture a commencé à l'école primaire dans les années 1980, dans sa ville natale de Médine.

Al-Rashedi parle de tenir un stylo comme un musicien pourrait parler de son instrument. Aux yeux du calligraphe, l'écriture est un acte artistique, comme une danse, qui possède sa propre magie.

« Ce que j'aimais dans le stylo, c'était la façon dont l'encre en coulait », confie-t-il à Arab News. « Le stylo m'a conduit à mon amour pour la calligraphie arabe. »

--
Al-Rashedi parle de la tenue d'un stylo comme un musicien parlerait de la tenue de son instrument. (Fourni)

Cependant, il a dû faire face aux défis posés par l'environnement social conservateur du Royaume dans les années 1980 et 1990.

« Les gens ne considéraient pas l'art comme quelque chose d'important. À cette époque, ils pensaient que l'art ne rapportait pas d'argent. Pour eux, c'était une perte de temps », explique-t-il. « Dans un tel environnement déprimant, je souffrais du manque d'intérêt des gens. Ils disaient que l'écriture me distrairait de mes études. Mais en réalité, cela m'encourageait à étudier. »

Son intérêt pour la calligraphie n'a pas échappé à tout le monde. Le père d'Al-Rashedi, aujourd'hui décédé, l'a toujours soutenu.  

--
3punt 2. (Fourni)

« Il croyait en l'écriture et en sa préservation », déclare Al-Rashedi. « Il pensait que je faisais quelque chose d'important de ma vie, même si d'autres pensaient le contraire. Ils comparaient cela à des gribouillages. En réalité, je faisais de l'art tout seul. Aucun de mes amis ne partageait cet intérêt avec moi et il n'y avait aucun institut de calligraphie pour encourager ce talent. La situation était très difficile. »

Mais en 1993, Al-Rashedi a appris qu’il existait en effet un maître calligraphe saoudien vivant à Médine : Ahmad Dia. Ce dernier a gentiment accepté de lui enseigner les bases de la calligraphie arabe. Et, peut-être tout aussi important, il l’a fait dans sa maison, qu'Al-Rashedi compare à une école, un musée et un lieu de rencontre pour calligraphes.

« J'étais jeune, mais il me traitait comme un homme », se souvient l'artiste. « Pour nous, les calligraphes, il était comme un père spirituel, qui a planté en nous une graine de détermination. Il nous a toujours encouragés et ne nous a jamais réprimandés si notre écriture n'était pas parfaite. »

--
3punt 4. (Fourni)

Al-Rashedi est resté en contact avec son mentor jusqu'à la mort de Dia en 2022, lors de la pandémie de COVID. « Lorsqu'il est mort, c'est comme si la lumière s'était éteinte », confie-t-il.

Al-Rashedi s'est également formé en recopiant les œuvres d'une autre figure importante : Hashem Al-Baghdadi, le calligraphe et éducateur irakien influent, qui a publié des ouvrages sur les règles de la calligraphie arabe. Al-Rashedi décrit l'époque avant les réseaux sociaux comme une « période véritablement sombre », où il n'y avait aucune opportunité d'organiser des expositions ou de partager son travail avec les autres.

« Les gens ne communiquaient pas entre eux. C’était une période qui manquait (d’opportunités) et même de bons matériaux, comme des stylos et du papier », se souvient-il.

Mais avec l’avènement des réseaux sociaux, notamment Facebook, et l’ouverture de quelques galeries d’art, dont Athr Gallery à Djeddah en 2009, les choses ont considérablement changé. Aujourd’hui, Al-Rashedi peut partager ses œuvres sur Instagram et d’autres plateformes, montrant les compétences qu’il a perfectionnées au cours de trois décennies de pratique.

--
Sa fascination pour l'écriture a commencé à l'école primaire, dans les années 80, dans sa ville natale de Madinah. (Fourni)

La calligraphie arabe est une forme d’art respectée à l’échelle internationale, existant depuis des milliers d’années, utilisée dans les textes islamiques et présente sur des monuments à travers le monde. Quel est donc son secret de longévité ?

« Je me demande souvent pourquoi les courbes de la calligraphie arabe fascinent les gens depuis si longtemps, et je pense que cela a inévitablement un lien avec sa sainteté », explique-t-il. « Allah a été une source d’inspiration pour les calligraphes et leur innovation dans l’écriture. Je ressens une lumière sacrée dans les lettres de la calligraphie arabe. »

Mais Al-Rashedi pense également que, pendant de nombreuses années, la calligraphie est restée figée dans une ornière, sans être touchée par l’innovation ou la créativité modernes.

--
3punt 6. (Fourni)

« Beaucoup de calligraphes ont littéralement affirmé que la calligraphie arabe avait atteint sa limite et que personne ne pouvait y ajouter quoi que ce soit de nouveau », dit-il. « Une telle idée est incorrecte. »

En effet, Al-Rashedi a inventé sa propre forme de calligraphie arabe, qu’il appelle « 3punt ». (Il explique que le nom fait référence à la taille des lettres, qui sont écrites à l’aide de trois stylos différents.)

« Cela repose sur l’idée de réduire l’épaisseur des lettres. Habituellement, un seul stylo est utilisé en calligraphie arabe. Mais j’ai découvert que l’épaisseur traditionnelle de l’écriture arabe et l’utilisation d’un seul stylo empêchent l’ajout de nouvelles formes d’écriture au système. »

Basée sur un ensemble de règles strictes, la calligraphie 3punt d’Al-Rashedi contient 55 « sous-types d’écriture », explique-t-il. Elle possède une légèreté et une élégance propres, avec des lignes fluides et soigneusement chorégraphiées en écriture arabe fine.

En fin de compte, Al-Rashedi estime que la calligraphie arabe est une question de liens.  

« Si nous regardons l’écriture latine ou chinoise, sur des lettres comme ‘n’, ‘e’ ou ‘r’, elles se composent de parties distinctes. Mais avec la calligraphie arabe, vous pouvez connecter six ou sept lettres d’un seul trait », dit-il. « Sans aucun doute, l’écriture arabe — en tant que forme d’art — est supérieure à d’autres types d’écriture. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Inauguration d'une exposition Christian Dior à Riyad

Une exposition célébrant la vie et l'œuvre du couturier Christian Dior est désormais ouverte au  Musée national d'Arabie saoudite dans le cadre du festival Riyadh Season de cette année. (Photo fournie)
Une exposition célébrant la vie et l'œuvre du couturier Christian Dior est désormais ouverte au  Musée national d'Arabie saoudite dans le cadre du festival Riyadh Season de cette année. (Photo fournie)
Short Url
  • «Christian Dior: couturier du rêve» est une collaboration entre la maison de couture française et l'Autorité générale pour le divertissement d'Arabie saoudite
  • L'événement, qui se tient jusqu'au 2 avril, explore l'héritage de Dior et de ses successeurs à travers un récit inédit

RIYAD: Une exposition célébrant la vie et l'œuvre du créateur de mode Christian Dior est désormais ouverte au Musée national d'Arabie saoudite dans le cadre du festival Riyadh Season de cette année.

«Christian Dior: couturier du rêve», une exposition couvrant plus de 75 ans de créativité et de design, ainsi que les œuvres qu'il a inspirées, est une collaboration entre la maison de couture française et l'Autorité générale pour le divertissement d'Arabie saoudite.

--
«Christian Dior: couturier du rêve» est une collaboration entre la maison de couture française et l'Autorité générale pour le divertissement d'Arabie saoudite. (Photo fournie)

L'événement, qui se tient jusqu'au 2 avril, explore l'héritage de Dior et de ses successeurs à travers un récit inédit spécialement conçu pour l'exposition par l'historienne de l'art Florence Muller et la scénographe Nathalie Crinière.

--
L'exposition couvre plus de 75 ans de créativité et de design et le travail que Dior a inspiré. (Photo fournie)

Parmi les points forts de l'exposition figurent des hommages à certains des grands classiques de Dior, tels que Miss Dior et J'adore, ainsi qu'un hommage au sac Lady Dior, sous la forme du projet Dior Lady Art.

Faisal Bafarat, directeur général de l'Autorité générale pour le divertissement, a officiellement inauguré l'exposition mercredi. Les billets sont disponibles sur la plateforme WeBook.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La diva libanaise Fairouz souffle ses 90 bougies

La diva libanaise Fairuz se produit lors d'un rare concert à Beyrouth le 7 octobre 2010. (AFP)
La diva libanaise Fairuz se produit lors d'un rare concert à Beyrouth le 7 octobre 2010. (AFP)
Short Url
  • Dernière légende vivante de la chanson arabe, Fairouz a soufflé jeudi ses 90 bougies alors que son pays, le Liban qu'elle a tant célébré, est plongé dans une guerre meurtrière entre le Hezbollah et Israël
  • Les internautes ont enflammé la Toile en diffusant les chansons de la diva, rare symbole d'unité nationale dans le pays divisé, alors que les médias de tous bords lui rendaient hommage

BEYROUTH: Dernière légende vivante de la chanson arabe, Fairouz a soufflé jeudi ses 90 bougies alors que son pays, le Liban qu'elle a tant célébré, est plongé dans une guerre meurtrière entre le Hezbollah et Israël.

Les internautes ont enflammé la Toile en diffusant les chansons de la diva, rare symbole d'unité nationale dans le pays divisé, alors que les médias de tous bords lui rendaient hommage.

En 2020, le président français Emmanuel Macron, en visite à Beyrouth, s'était rendu au domicile de Fairouz et l'avait décorée de la Légion d'honneur.

"A celle qui incarne l'âme de cette région avec dignité, un bel anniversaire", a-t-il écrit jeudi sur son compte Instagram.

"La voix de Fairouz est mon pays", a pour sa part écrit sur Facebook le célèbre compositeur libanais Marcel Khalifé.

Après s'être produite pendant plus d'un demi-siècle de Beyrouth à Las Vegas, en passant par Paris et Londres, la star n'apparait plus en public depuis plus d'une décennie.

"Quand vous regardez le Liban aujourd'hui, vous voyez qu'il ne ressemble aucunement au Liban que je chante", regrettait la diva dans une interview au New York Times en 1999, en allusion aux décennies de guerres et de destructions.

Au plus fort de la guerre civile, elle avait chanté "Je t'aime, Ö Liban, mon pays" ("Bhebbak ya Lebnane"), une chanson devenue iconique.

Fairouz a exalté son Liban natal mais également l'amour, la liberté et la Palestine.

Elle a donné vie aux paroles de grands poètes arabes --les Libanais Gibrane Khalil Gibrane, Saïd Akl ou l'Egyptien Ahmed Chawki--, tandis que ses chants patriotiques se sont incrustés dans la mémoire des Libanais et du reste du monde arabe.

Nouhad Haddad de son vrai nom, elle est née en 1934 dans une modeste famille chrétienne qui habitait le quartier de Zokak el-Blatt, visé lundi par une frappe israélienne.

Engagée à la radio, le compositeur Halim al-Roumi, impressionné, lui donne son surnom.

Dans les années 1950, elle épouse le compositeur Assi Rahbani qui, avec son frère Mansour, révolutionne la chanson et la musique arabe traditionnelles en mêlant morceaux classiques occidentaux, russes et latino-américains à des rythmes orientaux, sur une orchestration moderne.

C'est après ses premiers concerts au Festival international de Baalbeck, au milieu des ruines de ce site libanais antique près duquel s'abattent actuellement les bombes israéliennes, que la carrière de Fairouz s'envole.

Adulée par les aînés, elle devient l'icône des jeunes lorsque son fils Ziad, enfant terrible de la musique libanaise, lui composera des chansons influencées par des rythmes de jazz.