ABU DHABI: Alors que la santé et la sécurité sont les premiers sujets de préoccupation des Français vivant à l’étranger, les transformations économiques font que de plus en plus de Français n’ont pas de sécurité sociale à l’étranger ou s’assurent a minima, et pour cause: coût élevé des assurances maladie pour les résidents étrangers, manque de confiance et manque d’information.
La crise sanitaire et économique a provoqué le retour de beaucoup de Français expatriés. Au 1er janvier 2022, le nombre d’inscrits au registre des Français établis hors de France s’élevait à 1 614 772, en baisse de 4,2% par rapport à l’année précédente (chiffres du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français), même si la présence française globale à l’étranger est estimée à environ 3 millions de personnes. Depuis, cette tendance s’est inversée et le profil des expatriés est en train de changer. «Les entreprises veulent réduire les coûts de plus en plus, or envoyer un Français en contrat expatrié coûte très cher», explique Amelia Lakrafi, députée de la 10e circonscription des Français établis hors de France, dans un entretien accordé à Arab News en français. «En plus d’un salaire souvent important, il faut prévoir en général le logement en famille, le retour en France avec la famille et les frais de scolarité des enfants dans un lycée français à l’étranger. Dans le monde globalisé, les grands groupes trouvent leurs ressources au niveau du top management bien souvent sur place et préfèrent les employer sous contrat local.»
La CFE, une spécificité française
Avec la digitalisation et le télétravail, les modes de vie nomades se sont aussi popularisés, notamment chez les moins de trente ans. «On constate que beaucoup des jeunes de moins de trente ans ne sont pas assurés parce que dans beaucoup de pays ce n’est pas une obligation», déplore Mme Lakrafi. En cas d’accident, le manque de couverture sociale peut engendrer des frais d’hospitalisation importants qu’il faut bien tôt ou tard rembourser.
Pourtant, les Français disposent d’une solution qui leur permet d’être affiliés à la sécurité sociale française tout en résidant à l’étranger: la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Organisme de sécurité sociale à adhésion volontaire créé en 1978, la CFE propose une protection sociale, allant de la couverture santé à la retraite et la prévoyance pour les salariés à l’étranger.
Pour Éric Pavy, directeur général de la CFE, venu présenter la caisse aux Français des Émirats, c’est la seule solution qui offre des garanties de service public en termes de facilité d’accès: on peut y adhérer sans questionnaire médical et sans limite d’âge par exemple. «La CFE permet aussi de bénéficier de la carte vitale et du tiers payant en France; elle garantit aussi l’accès aux mêmes soins, aux mêmes tarifs que ceux réservés aux résidents.»
En outre, en cas de retour en France, «la grande différence entre vous et quelqu’un qui n’a jamais adhéré à la CFE est que vous serez considérés comme étant restés affiliés à la sécurité sociale, et donc vous n’aurez aucune carence avant d’être attachés de nouveau au régime obligatoire français», ajoute-t-il.
Par ailleurs, sur les trois millions de Français expatriés dans le monde, seulement quelque deux cent mille adhèrent à la CFE. «C’est peu», déplore Amelia Lakrafi. Les tarifs élevés de la CFE sont une des raisons de la non-adhésion. «Beaucoup disent que c’est trop cher. Cependant, plus les Français connaîtront la caisse et y adhéreront, plus on pourra baisser les prix, c’est de l’économie d’échelle», constate-t-elle. Si la moitié de ces trois millions de Français de l’étranger résident en Europe et n’ont pas donc besoin d’adhérer à la CFE, grâce aux mécanismes européens de coordination, il reste que «dans d’autres pays comme le Maroc ou les Émirats, on trouve davantage de personnes couvertes», explique Éric Pavy.
La Covid-19 a marqué un coup d’arrêt, voire un recul dans les adhésions à la CFE. «Du côté des entreprises, nous avons constaté un grand mouvement de retour en France des salariés. Du côté des adhésions individuelles, on a eu un bref ralentissement au début de la Covid, notamment au printemps 2020, la période la plus dure avec des confinements très stricts. Depuis plus d’un an, l’activité a repris. On est à +3 ou +4% d’adhérents individuels sur un an; c’est donc assez encourageant», ajoute le directeur de la CFE.
Offre pour les Français des EAU
En proie toutefois à de nombreuses critiques – tarifs élevés, remboursements lents et à des tarifs insuffisants –, la caisse a entamé sa réforme en 2019, en essayant d’apporter plus de transparence à son fonctionnement. «Les tarifs ont été simplifiés et dépendent maintenant de l’âge et de la situation familiale. Nous proposons aussi une nouvelle ligne de produits, explique M. Pavy, à l’instar d’une couverture à tarif réduit pour les moins de trente ans, ou d’une couverture spéciale pour les expatriés qui vivent à l'étranger et se soignent en France lors de courts ou longs séjours. Elle s’adresse aux personnes satisfaites de leur couverture locale, pour seulement vingt euros par mois.»
«Aussi, nous avons développé récemment un produit dédié aux Français des Émirats arabes unis, parce que la législation aux Émirats a évolué et impose maintenant d’avoir une couverture de santé locale. Or la CFE est une assurance française. Il fallait donc se conformer à la réglementation. Pour cela, nous avons trouvé un partenaire local, Dubai Insurance, et une complémentaire santé avec un réseau de soins et d’établissements partenaires qui font du tiers payant à cent pour cent, le MSH. Nous l’avons lancé depuis deux ans et nous enregistrons des adhésions avec une très forte progression ces derniers mois.»
Les préoccupations sociales: point commun des Français
Les préoccupations principales des 150 mille Français des 49 pays de la 10e circonscription, qui comprend les Émirats arabes unis, sont «la santé, la sécurité, l’économie et le business, suivis des écoles françaises et de la proximité avec les élus», constate Amelia Lakrafi. «L’ordre d’importance change en fonction du pays, mais les priorités restent les mêmes. À Dubaï on se sent en sécurité. Mais dans un pays comme le Tchad, la sécurité est la préoccupation numéros un.
«En Afrique, ce sera donc la peur de ne pas trouver de soins ou des soins de qualité, tandis que dans les pays du Golfe, ce sera le coût élevé des soins ou les cotisations des assurances locales revues à la hausse si vos frais médicaux sont importants. Cela est un frein même pour rester dans le pays. Alors il faut trouver des solutions, et la caisse CFE en est une… Ce n’est pas la seule, mais pour moi c’est la meilleure, parce que l’État est à bord. La CFE n’a pas vocation à faire des bénéfices, elle doit juste arriver à l’équilibre. Elle peut venir en aide aux Français le plus démunis dans la catégorie “Aidée”, qui peut les couvrir moyennant des cotisations très faibles. Mais de manière générale, la CFE est considérée comme chère. Elle est pourtant très compétitive au regard des autres assurances dans le Golfe», estime l’élue française qui vient d’entamer son deuxième mandat dont l’un des chantiers principaux sera la solidarité.