WASHINGTON: Une lourde mallette de cuir, surnommée "ballon de foot", et une carte d'identification, appelée le "biscuit"... En quelques minutes, où qu'il se trouve, le président des Etats-Unis peut décider de déclencher une frappe nucléaire.
Si la Constitution américaine donne au Congrès le pouvoir de déclarer la guerre, elle attribue au président le titre de "commandant en chef", dont découle aujourd'hui sa compétence en matière nucléaire.
Le président américain peut évidemment mener des consultations avant de décider d'une frappe. Mais lui seul peut utiliser le "football", le "ballon de foot".
Chaque fois que Joe Biden se déplace, un militaire chargé de cette lourde mallette en cuir noir le suit, en hélicoptère, en avion, en voiture, jusque dans l'ascenseur.
Avec l'avion Air Force One et "The Beast", la Cadillac blindée du président des Etats-Unis, cette mallette est l'attribut par excellence du pouvoir présidentiel.
Place Rouge
Depuis sa première apparition pendant la présidence de John Fitzgerald Kennedy, le "football" a sillonné les Etats-Unis et le monde - passant même par la Place Rouge, lors de la rencontre en 1988 entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev.
Le contenu de la valisette d'une vingtaine de kilos, renforcée d'acier, est confidentiel. Mais, à la lecture de divers témoignages et articles de presse, une chose est sûre: elle ne contient pas de gros bouton rouge, plutôt des codes ainsi que des listes de cibles et de stratégies.
Pour activer la procédure, le président doit s'identifier avec un "biscuit", code imprimé sur un support en plastique de la taille d'une carte de crédit, dont il ne se sépare jamais... en théorie.
Car l'histoire est évidemment riche d'incidents plus ou moins vérifiés. Jimmy Carter aurait oublié sa carte dans la poche d'un costume envoyé au nettoyage à sec. Ou, plus dramatique: lorsque Ronald Reagan est hospitalisé après une tentative d'assassinat en 1981, la carte reste dans les effets mis de côté à la hâte par le personnel médical, avant que la police fédérale (FBI) ne la retrouve.
Ces codes permettent à l'état-major militaire de savoir que c'est bien le président qui est à l'origine de l'ordre.
La commande serait ensuite transmise à un sous-marin ou à un centre de lancement terrestre, et exécutée en quelques minutes.
Les Etats-Unis disposent, selon un inventaire de la revue scientifique "Bulletin of Atomic Scientists", de 3.708 ogives nucléaires dont 1.744 actuellement déployées.
Garde-fou
Le feu nucléaire ne reste jamais sans décisionnaire. Quand Joe Biden a subi une anesthésie pour un examen médical en novembre 2021, la vice-présidente Kamala Harris en a été, brièvement, la maîtresse.
Les emportements de Donald Trump - qui s'était vanté sur Twitter d'avoir un "bouton nucléaire plus gros" que celui de la Corée du Nord - ont évidemment relancé le débat sur cette responsabilité écrasante.
Si l'ordre du président est conçu comme incontestable et irréversible, ce n'est pas lui qui, concrètement, déclenche la frappe nucléaire. La "chaîne de commandement" dont il est le premier maillon est humaine.
"Nous y pensons beaucoup", avait dit en 2017 John Hyten, ancien chef du centre de commandement nucléaire de l'armée américaine. "Si (l'ordre est) illégal, que se passe-t-il à votre avis? Je dis "M. le président, c'est illégal."
La Constitution américaine prévoit un garde-fou ultime avec son 25e amendement: en cas d'incapacité physique ou mentale du "commandant en chef", il est remplacé par le vice-président.
Il faut, pour simplifier, que le vice-président et une majorité de ministres constatent l'incapacité et en informent le pouvoir législatif. Et le président peut la contester.
Ce parcours institutionnel obligé contraste avec la rapidité de la procédure nucléaire, conçue à l'origine pour répondre à une attaque soviétique massive.
Joe Biden a hérité du pouvoir nucléaire d'une manière totalement inédite. Donald Trump ayant boudé la cérémonie d'investiture, impossible de transmettre physiquement la mallette et la procédure d'identification.
Le républicain est donc, selon la presse américaine, parti pour sa résidence de Floride avec le militaire porteur du "football" et avec son "biscuit". Tandis que le président élu s'est vu remettre les mêmes attributs, mais encore inactifs.
Le pouvoir nucléaire a changé de main le 20 janvier 2021 à midi pile, quand Joe Biden est devenu le 46ème président des Etats-Unis.