PARIS: Le Sénat à majorité de droite reprend mardi son rythme de croisière, avec le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi), qui porte un effort financier de 15 milliards d'euros, dont la moitié pour le cyber et le numérique.
Gérald Darmanin, qui en attend "une transformation profonde" de son ministère, ne devrait pas rencontrer de difficultés majeures pour cette première étape au Parlement.
"Il n'y a pas de grand schisme entre le Sénat et le ministère", a déclaré à l'AFP le corapporteur LR Marc-Philippe Daubresse.
La Lopmi a été raccourcie de moitié par rapport à sa version initiale qui avait été transmise au Parlement avant l'élection présidentielle.
Elle ne comprend pas la réforme controversée de la police judiciaire qui rencontre actuellement l'hostilité de nombreux enquêteurs et magistrats. Mais le sujet pourrait néanmoins animer les débats.
Pour l'essentiel, le projet de loi prévoit 15 milliards d'euros supplémentaires de budget en cinq ans, dont la moitié pour les investissements numériques. Le budget 2023 pour l'Intérieur s'inscrit déjà dans cette perspective, avec une hausse annoncée de +6% par rapport à 2022, à 22 milliards d'euros.
Gérald Darmanin espère que "la marche technologique" sera "toutes proportions gardées, semblable à ce que le ministère des Armées a connu à la fin de la conscription et au début de l'armée de métier".
Le texte comprend des effectifs supplémentaires de forces de l'ordre, avec la création de 11 unités de forces mobiles et de 200 nouvelles brigades de gendarmerie.
L'objectif est de permettre, comme souhaité par Emmanuel Macron, un doublement de la présence des forces de l'ordre sur le terrain d'ici 2030.
La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé une augmentation dans le cadre de cette loi de "8 500 postes de policiers et gendarmes" en cinq ans, dont "3 000 dès 2023".
Il s'agit notamment de préparer les deux grands événements sportifs internationaux que va accueillir la France en 2023 (Coupe du monde de rugby) et 2024 (jeux Olympiques et Paralympiques de Paris).
Pour lutter contre la cybercriminalité, le projet de loi permet les saisies d'actifs numériques. Concernant les "rançongiciels" (comme la demande de rançon de 10 milliards de dollars au Centre hospitalier de Corbeil-Essonne, victime d'une attaque informatique), il conditionne le remboursement par les assurances au dépôt d'une plainte par la victime.
Il prévoit par ailleurs de réprimer plus sévèrement l'outrage sexiste et comporte plusieurs mesures de simplification de la procédure pénale.
Rodéos et refus d'obtempérer
Parmi les modifications apportées en commission, les sénateurs ont adopté un amendement de M. Daubresse visant à "améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels: les violences faites aux élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains".
Selon cet amendement, les peines encourues en cas d'agression contre un élu seraient alignées sur celles prévues pour les agressions contre les forces de l'ordre.
Le Code de la route serait modifié pour punir plus sévèrement le refus d'obtempérer d'un conducteur: la peine encourue passerait de deux à trois ans d’emprisonnement et le montant de l'amende doublé à 30 000 euros.
L'amendement prévoit enfin de réprimer spécifiquement les rodéos urbains "qui exposeraient autrui à un risque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente". Les peines encourues seraient alors de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende (contre un an de prison et 15 000 euros hors circonstances aggravantes).
Autre modification notable: les sénateurs ont mis un bémol à la généralisation souhaitée par le gouvernement de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) à l'ensemble des délits passibles de moins d'un an de prison.
Par un amendement du corapporteur Loïc Hervé (Union centriste), ils ont restreint l'application de l'AFD à une "liste positive" d'une dizaine de nouveaux délits comme les tags, le délit d'entrave à la circulation, l'usage injustifié du signal d'alarme dans les trains...
L'AFD s'applique aujourd'hui à 10 délits, sa généralisation en concernerait "3 400", explique M. Hervé.
A l'issue de la première lecture par le Sénat, un vote solennel sera organisé le 18 octobre, puis les députés plancheront à leur tour sur le texte amendé.