Collectivités: le dialogue renoué avec l'exécutif à l'épreuve du budget

L'Assemblée nationale, devant laquelle le projet de loi est déposé en priorité, a quarante jours pour une première lecture, puis le Sénat 20 jours. Dix jours sont ensuite prévus pour la navette entre les deux chambres. (AFP)
L'Assemblée nationale, devant laquelle le projet de loi est déposé en priorité, a quarante jours pour une première lecture, puis le Sénat 20 jours. Dix jours sont ensuite prévus pour la navette entre les deux chambres. (AFP)
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Publié le Samedi 08 octobre 2022

Collectivités: le dialogue renoué avec l'exécutif à l'épreuve du budget

  • Confrontées à la flambée des prix de l'énergie, mais aussi à celle de l'alimentation dans les cantines scolaires, les collectivités tirent la sonnette d'alarme cet automne
  • Dans l'obligation de présenter des comptes à l'équilibre, les collectivités agitent la menace d'investissements repoussés à plus tard pour faire face à leurs factures, avec des conséquences immédiates sur la fragile croissance française

PARIS: Le budget 2023, dont l'Assemblée entame l'examen lundi, sera une épreuve de vérité pour le dialogue instauré par Elisabeth Borne depuis son arrivée à Matignon avec les collectivités, alarmées par l'impact financier de la crise énergétique.

Braquées par les économies de 10 milliards d'euros demandées par Emmanuel Macron au printemps pendant la campagne présidentielle, irritées par "l'effort" que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a exigé des collectivités en juillet, les associations d'élus ont trouvé jusqu'à présent chez la Première ministre une oreille attentive à leurs difficultés.

Confrontées à la flambée des prix de l'énergie, mais aussi à celle de l'alimentation dans les cantines scolaires, les collectivités tirent la sonnette d'alarme cet automne, d'autant qu'elles doivent faire face à la hausse du RSA ou celle du point d'indice des fonctionnaires, approuvées par le gouvernement.

Budget: les principaux acteurs à l'Assemblée nationale

L'hémicycle de l'Assemblée devrait faire le plein: vétérans ou jeunes loups, au sein de la majorité qui fait bloc ou parmi les oppositions chauffées à blanc, ils seront nombreux à partir de lundi pour des débats acharnés sur le projet de budget.

Le Maire et Attal au banc du gouvernement

"Concentré" dans ce temps de "grande incertitude" internationale, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire va être aux avant-postes pour défendre le budget, son sixième depuis 2017. Il avait déjà été sur le pont nuit et jour cet été sur le paquet de mesures en faveur du pouvoir d'achat. Cet ancien LR, qui soigne sa stature en vue de la prochaine présidentielle, avait alors principalement négocié des compromis avec la droite.

Son ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal, dont c'est le premier budget, le secondera. Cet ex-socialiste est "très attentif à l'ensemble des députés d'opposition" et "apprend vite", note une élue LR.

La majorité en formation tortue romaine

Il faut "garantir l'unité de la majorité présidentielle, d'autant plus dans la configuration nouvelle de l'Assemblée", prône Aurore Bergé, cheffe de file du groupe Renaissance, aux côtés des alliés MoDem et Horizons. Ces troupes sont appelées à siéger en continu, aucune voix ne devant manquer, et à mettre de côté leurs sensibilités, comme sur les collectivités ou les superprofits.

Mais "Aurore Bergé fait déjà ses coups en solo", avec par exemple son amendement pour réduire les droits de succession, tacle une source parlementaire. Le rapporteur général Jean-René Cazeneuve (Renaissance), courroie de transmission entre gouvernement et parlementaires, aura la dure tâche de tenir la bride et concilier les positions.

Patron des députés Horizons, Laurent Marcangeli espère une "dignité du débat" face aux "caricatures" de certaines oppositions. Alors que les macronistes ont souvent vu passer les flèches entre RN et gauche, ils ont bien l'intention cet automne de "pousser (leurs) positions".

Les partenaires particuliers de la droite

Emmenés par Olivier Marleix, les députés LR constituent depuis les législatives de juin le groupe pivot, celui qui peut apporter les voix manquantes à la majorité présidentielle. Ils ont eu droit à quelques échanges privilégiés avec Bercy, pour pousser leurs pistes d'économies ou des mesures en faveur des classes moyennes. La discrète Véronique Louwagie, commissaire aux Finances et voisine de circonscription de Bruno Le Maire, est à la manoeuvre.

L'enjeu des LR est d'obtenir gain de cause sur certains points, même s'ils ont déjà annoncé la couleur de leur vote final, contre l'ensemble du projet de loi de finances. L'exécutif pourrait leur envoyer quelques signaux, afin de s'attirer leurs faveurs pour la suite du quinquennat.

Le gouvernement discute avec d'autres élus de centre-droit, dont le vieux routier Charles de Courson (groupe Liot), fin connaisseur des arcanes du budget et qui porte haut les sujets des collectivités et des outre-mer.

Les députés RN isolés

Formant le premier groupe d'opposition, avec Marine Le Pen à leur tête, les 89 députés Rassemblement national ont eu le temps de se former et fourbir leurs armes. "Nous sommes pleinement entrés dans le paysage et allons monter au créneau", assure Sébastien Chenu, dont le groupe reste en quête de respectabilité et de crédibilité quant à son projet d'alternance.

Critiquant un "budget de soumission à la mondialisation, à l'inflation, à la guerre", ces élus espèrent notamment une taxation des surprofits. Mais se heurtent à ce qu'ils voient comme du "sectarisme", notamment à gauche: "Vous ne nous aimez pas, on ne vous aime pas non plus particulièrement la plupart du temps" mais "c'est incroyable qu'on n'arrive pas à travailler ensemble", s'indigne le trublion RN Jean-Philippe Tanguy. Les autres groupes politiques cherchent encore le juste ton vis-à-vis de l'extrême droite.

La Nupes à plusieurs voix

Les différents groupes de l'alliance de gauche (LFI, PS, écolo, PCF) sont unis dans la dénonciation d'un projet de budget soumis aux "règles libérales européennes", et insuffisant face à la crise écologique et sociale. Après une rentrée perturbée par les affaires Quatennens et Bayou, la séquence budgétaire est l'occasion de se refaire une santé.

Dans l'hémicycle, les stratégies peuvent cependant diverger, entre d'un côté la tentation des insoumis de faire de l'obstruction, et de l'autre la recherche de compromis par certains socialistes comme Valérie Rabault ou Christine Pires Beaune, ou des communistes. Cela se traduit par un groupe LFI très "vocal", quitte à passer pour les fauteurs de troubles et à agacer au sein de la Nupes. Selon un des partenaires, "il faut éviter une tendance hégémonique".

"Tout ça mis bout à bout, c’est 30 millions de dépenses supplémentaires dans mon département de Côte d'or", estime le président des départements de France, l'UDI François Sauvadet, qui en appelle "à la solidarité nationale".

Dans l'obligation de présenter des comptes à l'équilibre, les collectivités agitent la menace d'investissements repoussés à plus tard pour faire face à leurs factures, avec des conséquences immédiates sur la fragile croissance française.

David Lisnard, le président LR de l'Association des maires de France (AMF), accuse le gouvernement de vouloir "spolier" les collectivités.

Plus modérée sur la forme, la présidente de Régions de France, la PS Carole Delga, a estimé a 1 milliard l'impact de l'inflation l'année prochaine pour les régions, appelant le gouvernement à le compenser intégralement.

Depuis son arrivée à Matignon, Mme Borne a donné un nouveau ton aux relations avec les associations d'élus, en promettant un dialogue "riche, constant et transparent" qui tranche avec les tensions qui ont caractérisé le précédent quinquennat.

Emmanuel Macron a d'ailleurs reçu leurs présidents pour la première fois à l'Elysée début septembre, ouvrant un dialogue qui devrait se poursuivre une fois par semestre.

Le budget permettra de mesurer si ce changement sur la forme se confirme sur le fond.

Au Parlement, les collectivités peuvent compter sur d'importants relais au Sénat détenu par l'opposition de droite, mais aussi à l'Assemblée, où le gouvernement ne dispose plus que d'une majorité relative et où l'opposition peut déposer des amendements favorables aux territoires.

L'Association des petites villes de France (APVF) a d'ailleurs écrit cette semaine aux députés et aux sénateurs pour les appeler sans détour à utiliser "leur pouvoir d’amendement de façon à améliorer ce projet de budget qui, en l’état actuel, ne peut que contribuer à dégrader la situation financière des collectivités".

La discussion du budget, un marathon jusqu'à Noël au Parlement

Pour que la France soit dotée d'un budget au 1er janvier, le Parlement s'attelle chaque année à l'automne au volumineux projet de loi de finances, qui rassemble recettes et dépenses de l'Etat pour l'année à venir. Il dispose de 70 jours maximum pour l'adopter.

L'Assemblée nationale, devant laquelle le projet de loi est déposé en priorité, a quarante jours pour une première lecture, puis le Sénat 20 jours. Dix jours sont ensuite prévus pour la navette entre les deux chambres.

Concrètement cette année, les députés examinent à partir de lundi concomitamment un texte de programmation pour 2023-2027, et la première partie du projet de budget de l'Etat, jusqu'au 19 octobre en principe.

Cette première partie, sur laquelle est programmé sur le papier un vote solennel le 25 octobre, autorise notamment la perception des impôts et arrête les données générales de l’équilibre budgétaire. Deux débats se tiendront en outre, sur la dette (lundi 10) et les finances locales (vendredi 14).

Les discussions sur la seconde partie, c'est-à-dire les crédits pour les missions de l'Etat, démarreront le 27 octobre, pour environ deux semaines, et doivent être conclues par un vote global sur l'ensemble du projet de loi.

Le Sénat dominé par la droite prendra ensuite la main, en vue de séances à partir du 17 novembre et jusqu'au 6 décembre.

Députés et sénateurs tenteront ensuite de s'accorder sur une version commune du projet de budget, faute de quoi le texte fera une ultime navette - et c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot, option probable. La fin de cette course de fond est prévue au maximum le 18 décembre.

En cas de dépassement de ce délai, les mesures peuvent être mises en oeuvre par ordonnance gouvernementale.

Entre ces semaines denses d'examen, sera intercalé le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2023. La première lecture devant l'Assemblée se fera du 20 au 26 octobre, puis devant le Sénat du 7 au 12 novembre. L'adoption définitive de ce texte de loi, qui fixe les dépenses sociales telles les allocations, est en général plus rapide que celle du PLF.

Mais rien n'est sûr pour cette saison budgétaire à hauts risques, hypothéquée par le possible recours par l'exécutif à l'article 49.3 de la Constitution, permettant de faire adopter un texte sans vote. Cette arme permettrait de remédier à la majorité relative des macronistes à l'Assemblée et d'abréger les débats. Elle ne peut être utilisée devant le Sénat.

Des risques de «coupures»

Les élus de tous bords, y compris de la majorité, se sont récemment alarmés de la hausse de la facture énergétique, même si le gouvernement estime que "30.000 des 36.000 communes" bénéficieront du plafonnement à 15% de la hausse du prix de l'électricité en 2023.

Des villes moyennes "vont se retrouver face à un mur d’ici la fin de l’année", prévient Marie-Agnès Poussier-Winsbak, députée Horizons, la formation d'Edouard Philippe qui a fait de la défense des collectivités l'une de ses priorités.

Elisabeth Borne s'est engagée devant les sénateurs: "aucune collectivité (...)  ne sera laissée dans une impasse", a-t-elle affirmé, avant d'annoncer vendredi des dotations plus importantes que prévues.

Budget: derrière l'affrontement, les propositions

L'examen du budget dans l'hémicycle à partir de lundi promet des débats au mieux enflammés, au pire chaotiques, et chaque groupe politique entend défendre ses positions, jusqu'à un très probable 49.3.

- LR contre, mais intéressé -

Ils l'ont annoncé, les députés Les Républicains (LR) voteront contre le texte. Mais ils pourraient profiter de la volonté du gouvernement d'afficher une image d'ouverture, pour placer certains amendements dans le texte promis à un 49.3.

En plus de propositions classiques (repenser des règles de redistribution sociale, suppression de plafond d'heures supplémentaires), le groupe devrait proposer d'aller chercher, selon son estimation, 20 milliards d'euros en taillant dans les doublons au sein des agences de l'Etat.

Un amendement LR controversé contre "l'agribashing", qui vise notamment au portefeuille des associations comme L214, promet des débats intenses.

La position du groupe sera scrutée sur la sensible CVAE, impôt sur les entreprises finançant les collectivités, et que le gouvernement veut supprimer en deux ans.

En commission, les LR ont proposé de pérenniser une dotation aux collectivités de 107 millions d'euros pour compenser l'impact en 2023. Mais la gauche, qui veut maintenir la CVAE, espère bien que LR ira jusqu'à soutenir cette position, à un an des sénatoriales.

- Superprofits chez la Nupes...-

Écologistes, insoumis, socialistes et communistes la brandiront comme une priorité : une taxe sur les "superprofits" d'entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros, et dont le résultat imposable est au moins 1,25 fois supérieur au résultat moyen des années 2017-2019.

Les députés LFI présenteront aussi des amendements pour une TVA à 0% sur les produits de première nécessité, ou encore pour une taxe TICPE flottante sur les prix du carburant. Les communistes devraient soutenir une grille d'imposition avec plus de tranches, et s'attaquer à des niches fiscales, notamment autour du crédit impôt recherche.

Les socialistes vont proposer d'ouvrir l'aide pour les personnes hébergées en Ehpad à ceux qui ne paient pas d'impôt, ce qui pourrait concerner 300.000 personnes selon Christine Pires-Beaune.

Les Écologistes proposeront aussi l'exonération de TVA pour l'usage domestique des premiers 18,2 m3 d'eau. Ils reviendront à la charge pour légaliser l’utilisation de l’huile de friture usagée comme carburant.

-... et au RN -

Le groupe RN va proposer sa propre taxe sur les "superprofits". Le principe général est le même, instaurer une "contribution exceptionnelle sur les bénéfices exceptionnels de sociétés".

Mais ces députés visent spécifiquement les sociétés "pétrolières, gazières, de transport maritime de marchandises" et les "sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier", en prenant comme années de référence la période 2019-2021.

Le RN va également remettre sur la table la proposition de Marine Le Pen de baisser la TVA à 5,5% pour le gaz et l’électricité.

Le groupe d'extrême droite devrait aussi appeler au soutien des Chambres de commerce et d'industrie, dont une partie du financement est liée à la CVAE.

- La majorité face aux collectivités -

Élisabeth Borne a annoncé vendredi une hausse de la dotation globale de fonctionnement des collectivités, à 320 millions d'euros au lieu des 210 initiaux. Un amendement du rapporteur Jean-René Cazeneuve va aussi tenter de les rassurer, en instituant un "bouclier énergétique" pour le "bloc communal" (communes et intercommunalités).

Sur la suppression de la CVAE, la majorité n'a pas de certitudes: "je pense que ça peut passer", affirme un cadre de la majorité; "on va être battu en séance", s'inquiète un autre. En commission, Nadia Hai (Renaissance) a évoqué "un certain nombre de députés" qui s'interrogent sur le timing, évoquant l'idée d'une abrogation sur trois ans plutôt que deux.

Le groupe allié Horizons propose l'extension d'un prêt à taux zéro pour transformer son véhicule thermique en véhicule électrique.

Sur d'autres sujets, le groupe MoDem, autre partenaire de la majorité, va proposer un système de récompense via une remise de taxe pour les collectivités qui se montrent vertueuses dans la prévention des déchets, ou encore l'accès à un prêt à taux zéro pour des particuliers qui voudraient installer des panneaux photovoltaïques chez eux.

La revalorisation de la DGF (dotation globale de fonctionnement allouée par l'Etat aux collectivités, NDLR), initialement prévue à 210 millions d'euros, sera ainsi portée dans le budget à 320 millions, de sorte que "95% des collectivités verront leur dotation dotation se maintenir ou augmenter", a-t-elle indiqué.

Il s'agit de la première hausse depuis 13 ans de la DGF, dont le montant total avoisine les 27 milliards d'euros.

Par ailleurs, l'exécutif a décidé de permettre aux  collectivités en difficulté de demander dès la semaine prochaine un acompte sur l'aide de l'Etat prévue pour compenser l'augmentation de leurs dépenses.

Cette prise de conscience contraste avec une note confidentielle des services de l'Etat obtenue par l'AFP, qui souligne une situation financière "très favorable" pour les collectivités "en sortie de crise fin 2021". La guerre en Ukraine, la poussée de l’inflation et en particulier des prix de l’énergie sont entretemps passées par là.


Tensions diplomatiques: Paris réplique à Alger, sans fermer la voie de la négociation

Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les chefs d'État du G7 et les chefs de délégation des pays d'outre-mer au Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l'Italie, à Savelletri, le 14 juin 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les chefs d'État du G7 et les chefs de délégation des pays d'outre-mer au Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l'Italie, à Savelletri, le 14 juin 2024. (AFP)
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  • L’esprit de dialogue qui a prévalu pendant quelques jours s’est soudain émoussé, à la faveur du rapport de force diplomatique
  • L’Algérie a expulsé douze agents diplomatiques servant auprès de l’ambassade de France à Alger, en riposte à la mise en examen et au placement en détention à Paris de trois ressortissants algériens

PARIS: Entre Paris et Alger, l’ambiance est à nouveau à l’orage, après un semblant d’embellie de très courte durée.

L’esprit de dialogue qui a prévalu pendant quelques jours s’est soudain émoussé, à la faveur du rapport de force diplomatique.

Ce changement brutal survient après l’expulsion par l’Algérie de douze agents diplomatiques servant auprès de l’ambassade de France à Alger, en riposte à la mise en examen et au placement en détention à Paris de trois ressortissants algériens, dont un agent consulaire.

Les trois Algériens sont accusés d’avoir participé à la séquestration de l’opposant algérien Amir Boukhors, influenceur surnommé Amir DZ.

De son côté, Alger estime que cette mise en accusation est l’œuvre du ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, accusé de vouloir rabaisser l’Algérie.

C’est d’ailleurs ce qui a dicté aux autorités algériennes le choix des agents français expulsés, qui sont tous en charge de la sécurité et, par conséquent, rattachés au ministère de l’Intérieur.

Se disant «consterné» par la décision algérienne, le palais de l’Élysée a fait savoir dans un communiqué que la France «procédera symétriquement» à l’expulsion de douze agents diplomatiques algériens servant sur son territoire.

Sur un ton sec et direct, le communiqué soutient que la décision d’Alger «méconnaît les règles élémentaires de nos procédures judiciaires» et qu’elle est «injustifiée et incompréhensible».

Il indique, par ailleurs, que Paris a également décidé de rappeler son ambassadeur en Algérie, Stéphane Romatet, pour consultation.

Tout au long de la journée d’hier (mardi), les spéculations allaient bon train sur une possible rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Le rapprochement esquissé récemment, à la suite d’un échange téléphonique entre les deux présidents – français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune – ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique française, y compris dans les rangs de la majorité.

Mais tel n’a pas été le choix du président français, qui continue à vouloir maintenir une porte de sortie honorable, et éviter les désagréments d’une rupture nette au niveau des intérêts des deux pays et de leurs peuples.

En effet, dès l’annonce des expulsions par l’Algérie, Macron avait exprimé la nécessité de tout mettre en œuvre, dans les 48 heures imparties, pour obtenir des autorités algériennes un retour sur cette décision.

Paris indique cependant que, malgré les échanges entre le ministre des Affaires étrangères français Jean-Noël Barrot et son homologue algérien Ahmed Attaf, aucune évolution de position n’a été constatée.

Les autorités françaises regrettent profondément cette situation, d’autant plus qu’elle intervient à un moment où les deux chefs d’État avaient exprimé leur volonté commune de relancer un dialogue exigeant et constructif.

Cependant, Paris constate que les autorités algériennes ont fait le choix d’instrumentaliser une décision judiciaire française, prise de manière totalement indépendante, prenant ainsi la responsabilité d’une dégradation brutale des relations bilatérales.

Face à cette situation, la France fera tout pour défendre ses intérêts, notamment en matière de sécurité et de coopération migratoire, tout en rappelant à l’Algérie ses engagements internationaux, en particulier ceux qui découlent de conventions bilatérales entre les deux pays.

Néanmoins, côté français on laisse la porte ouverte en soulignant que le président de la République appelle les autorités algériennes à faire preuve de responsabilité et à revenir au dialogue qu’il avait lui-même initié avec son homologue algérien le 31 mars dernier.

Commentant cette dégradation, une source diplomatique française estime que les autorités algériennes ne peuvent pas continuer à saborder les efforts et la volonté d’aller de l’avant affichée par le président français depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

Cette même source rappelle que si le rapprochement avec l’Algérie ne fait pas l’unanimité en France, les Algériens aussi sont appelés à accorder leurs violons, d’autant plus qu’une large frange de l’institution militaire algérienne reste elle aussi farouchement hostile à l’harmonisation.

En attendant des jours meilleurs, Paris écarte des répercussions économiques négatives et assure que la procédure reste circonscrite à la sphère diplomatique.

La visite prévue à Alger par le garde des Sceaux Gérald Darmanin est donc suspendue, de même que le sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu en Algérie.


Macron va effectuer un déplacement de cinq jours dans l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron applaudit lors d'une cérémonie visant à récompenser les artisans et les fonctionnaires qui ont contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame au palais de l'Élysée à Paris, le 15 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron applaudit lors d'une cérémonie visant à récompenser les artisans et les fonctionnaires qui ont contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame au palais de l'Élysée à Paris, le 15 avril 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron va effectuer à partir de lundi un déplacement de cinq jours à Mayotte pour faire le point sur la reconstruction de l'archipel
  • Ce déplacement sera centré sur la stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Elysée

PARIS: Emmanuel Macron va effectuer à partir de lundi un déplacement de cinq jours à Mayotte pour faire le point sur la reconstruction de l'archipel, ravagé par le cyclone Chido, à La Réunion ainsi qu'à Madagascar et à l'île Maurice afin d'ancrer les deux départements français dans leur environnement régional.

Ce déplacement sera centré sur la stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Elysée.

"Cet espace régional doit s'organiser avec l'ensemble de ses territoires. Il y a un avenir commun à bâtir", a souligné un conseiller du président français, qui assistera au cinquième sommet de la Commission de l'océan Indien à Madagascar.

Le chef de l'Etat est attendu lundi matin à Mayotte, où il avait promis de revenir après son déplacement de décembre, au lendemain du passage du cyclone Chido.

"Il avait alors donné des échéances pour le rétablissement de l'eau, des communications, des infrastructures élémentaires et dit qu'il reviendrait pour lancer le temps de la reconstruction", a indiqué un conseiller.

Le chef de l'Etat aura des échanges avec la population, les élus ainsi qu'une séquence dédiée au secteur agricole afin de "voir comment on a réparé et fait en sorte que les séquelles, blessures, fractures révélées par le cyclone sont en voie de résolution", a indiqué l'Elysée.

Un projet de loi sur la reconstruction de Mayotte sera "présenté prochainement en conseil des ministres", a également précisé un conseiller, sans donner de date mais en rappelant que l'objectif était d'avoir une adoption du texte avant la fin de la session parlementaire à l'été.

"Mayotte doit être plus belle demain qu'elle n'a été même avant le cyclone parce qu'il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité", a souligné l'Elysée.

A La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, Emmanuel Macron va aussi échanger mardi et mercredi sur les effets du cyclone Garance, qui a fait cinq morts en février et provoqué 180 millions d'euros de dégâts sur l'agriculture locale.

Il sera aussi "au côté des Réunionnais" en pleine épidémie de chikungunya qui a fait six morts sur l'île depuis le début de l'année.

L'intégration de Mayotte à la Commission de l'océan Indien - qui réunit Madagascar, l'île Maurice, L'Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France - sera à l'ordre du jour du sommet de l'organisation jeudi, a confirmé l'Elysée.

"Mayotte peut avoir un rôle central dans le canal du Mozambique" tout comme la Réunion, qui abrite un important port militaire, est un "hub sur les trajets maritimes", a résumé l'Elysée.


En France, l’image des États-Unis se dégrade et alimente des appels au boycott

Une photo montre des bornes de recharge Tesla endommagées et détruites, brûlées le jour d'un appel à une journée mondiale d'action contre le constructeur américain de voitures électriques Tesla, à Saint-Chamond, dans le centre de la France, le 29 mars 2025. (AFP)
Une photo montre des bornes de recharge Tesla endommagées et détruites, brûlées le jour d'un appel à une journée mondiale d'action contre le constructeur américain de voitures électriques Tesla, à Saint-Chamond, dans le centre de la France, le 29 mars 2025. (AFP)
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  • La confiance s’est émoussée, au point qu’il est dorénavant nécessaire de s’atteler à l’élaboration d’une autonomie stratégique européenne affirmée
  • En France, cela a nourri le sentiment d’un abandon, d’une rupture dans le pacte transatlantique en vigueur depuis près de soixante-dix ans

PARIS: Au volant de sa Tesla, dans Paris, Adrien ne se sent plus à l’aise, et songe sérieusement à l’échanger contre une voiture de marque européenne.

Les regards que lui jettent de nombreux passants qui défilent devant lui aux feux rouges se font de plus en plus pesants.

D’ailleurs, lui-même éprouve une certaine gêne lors de ses déplacements avec sa voiture, considérée comme un bijou de la technologie automobile tout en étant écologique.

Cadre supérieur dans la finance, Adrien est aux premières loges pour constater les dégâts provoqués sur les marchés par la politique du président américain Donald Trump.

Il a donc du mal à continuer à se déplacer dans un engin de marque américaine, qui plus est, propriété du proche conseiller du président américain, Élon Musk.

À l’instar de ce dernier, une majorité de Français exprime aujourd’hui une réticence croissante, voire une franche hostilité à l’égard des États-Unis.

Un sondage de l’institut IFOP montre que la cote de sympathie de ce pays s’est érodée de 40 points, pour atteindre son niveau le plus bas, soit 23 pour cent de sympathisants, depuis l’arrivée au pouvoir de Trump.

Longtemps perçus comme allié naturel et ami, les États-Unis voient aujourd’hui leur image se dégrader en France.

Ce glissement s’inscrit dans une véritable dynamique, alimentée par deux facteurs majeurs: le désengagement militaire américain d’un côté et, de l’autre, l’offensive commerciale, qui porte un sérieux coup d’arrêt au libre échange.

Résultat: une défiance croissante, des appels au boycott et une volonté diffuse de reconquête économique et culturelle.

Le désengagement militaire amorcé en 2010, lorsque les États-Unis ont entamé un retrait progressif de leurs forces en Europe au profit d’un recentrage stratégique sur la région indo-pacifique, est aujourd’hui perçu comme une véritable fracture géostratégique.

Combiné à la logique d’«America First» brandie par Trump, ce désengagement met les Européens face à leurs responsabilités, notamment en Afrique ou en Europe de l’Est, et les incite à augmenter leurs dépenses militaires et à se forger une politique de défense, qui leur est propre.

La confiance s’est émoussée, au point qu’il est dorénavant nécessaire de s’atteler à l’élaboration d’une autonomie stratégique européenne affirmée, loin de l’ombre américaine.

En France, cela a nourri le sentiment d’un abandon, d’une rupture dans le pacte transatlantique en vigueur depuis près de soixante-dix ans, mais c’est sur le terrain économique que la rupture est la plus visible.

L’administration Trump a ouvert les hostilités par une salve d’augmentations des droits de douane, sanctions unilatérales et bras de fer sur les exportations.

Ce protectionnisme américain est vécu en France comme une attaque directe contre les intérêts européens, même si l’administration américaine a tenté d’adoucir le ton, en suspendant l’entrée en vigueur des droits de douanes. Le mal est fait.

Le soupçon d’un partenaire peu fiable persiste et se traduit par des appels croissants au boycott des produits américains.

Sur les réseaux sociaux, des groupes comme «Boycott USA» ou «Achetez français», rassemblent des dizaines de milliers de membres, avec pour mot d’ordre: réduire la dépendance aux marques américaines, de Coca-Cola à Google.

Un rejet autant idéologique que pratique, au nom d’un patriotisme économique renaissant, qui dépasse le simple cadre commercial et reflète une mutation de la relation transatlantique, où la fascination d’hier laisse place à la résistance citoyenne, et au patriotisme économique.

Autrefois symbole du monde libre, l’Amérique est actuellement perçue comme un géant intrusif et méprisant, qui impose ses normes, et ses lois extraterritoriales à l’ensemble de la planète.

C’est un tournant qui s’opère, puisque pour de nombreux Français il ne s’agit plus seulement d’acheter local, mais de défendre une forme de souveraineté économique, culturelle, et technologique.

Un tournant qui semble s’installer dans la durée, au regard des évolutions inhérentes à la politique américaines et ses rapports avec le monde.

À ce sujet, le journaliste spécialisé dans l’analyse économique François Lenglet, avance dans une tribune publiée par le quotidien Le Figaro, un constat des plus pessimistes estimant que «la période de mondialisation libre-échangiste se referme et nous ne la reverrons plus de notre vivant». Boycottons en masse, coupons tout ce qui