Collectivités: le dialogue renoué avec l'exécutif à l'épreuve du budget

L'Assemblée nationale, devant laquelle le projet de loi est déposé en priorité, a quarante jours pour une première lecture, puis le Sénat 20 jours. Dix jours sont ensuite prévus pour la navette entre les deux chambres. (AFP)
L'Assemblée nationale, devant laquelle le projet de loi est déposé en priorité, a quarante jours pour une première lecture, puis le Sénat 20 jours. Dix jours sont ensuite prévus pour la navette entre les deux chambres. (AFP)
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Publié le Samedi 08 octobre 2022

Collectivités: le dialogue renoué avec l'exécutif à l'épreuve du budget

  • Confrontées à la flambée des prix de l'énergie, mais aussi à celle de l'alimentation dans les cantines scolaires, les collectivités tirent la sonnette d'alarme cet automne
  • Dans l'obligation de présenter des comptes à l'équilibre, les collectivités agitent la menace d'investissements repoussés à plus tard pour faire face à leurs factures, avec des conséquences immédiates sur la fragile croissance française

PARIS: Le budget 2023, dont l'Assemblée entame l'examen lundi, sera une épreuve de vérité pour le dialogue instauré par Elisabeth Borne depuis son arrivée à Matignon avec les collectivités, alarmées par l'impact financier de la crise énergétique.

Braquées par les économies de 10 milliards d'euros demandées par Emmanuel Macron au printemps pendant la campagne présidentielle, irritées par "l'effort" que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a exigé des collectivités en juillet, les associations d'élus ont trouvé jusqu'à présent chez la Première ministre une oreille attentive à leurs difficultés.

Confrontées à la flambée des prix de l'énergie, mais aussi à celle de l'alimentation dans les cantines scolaires, les collectivités tirent la sonnette d'alarme cet automne, d'autant qu'elles doivent faire face à la hausse du RSA ou celle du point d'indice des fonctionnaires, approuvées par le gouvernement.

Budget: les principaux acteurs à l'Assemblée nationale

L'hémicycle de l'Assemblée devrait faire le plein: vétérans ou jeunes loups, au sein de la majorité qui fait bloc ou parmi les oppositions chauffées à blanc, ils seront nombreux à partir de lundi pour des débats acharnés sur le projet de budget.

Le Maire et Attal au banc du gouvernement

"Concentré" dans ce temps de "grande incertitude" internationale, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire va être aux avant-postes pour défendre le budget, son sixième depuis 2017. Il avait déjà été sur le pont nuit et jour cet été sur le paquet de mesures en faveur du pouvoir d'achat. Cet ancien LR, qui soigne sa stature en vue de la prochaine présidentielle, avait alors principalement négocié des compromis avec la droite.

Son ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal, dont c'est le premier budget, le secondera. Cet ex-socialiste est "très attentif à l'ensemble des députés d'opposition" et "apprend vite", note une élue LR.

La majorité en formation tortue romaine

Il faut "garantir l'unité de la majorité présidentielle, d'autant plus dans la configuration nouvelle de l'Assemblée", prône Aurore Bergé, cheffe de file du groupe Renaissance, aux côtés des alliés MoDem et Horizons. Ces troupes sont appelées à siéger en continu, aucune voix ne devant manquer, et à mettre de côté leurs sensibilités, comme sur les collectivités ou les superprofits.

Mais "Aurore Bergé fait déjà ses coups en solo", avec par exemple son amendement pour réduire les droits de succession, tacle une source parlementaire. Le rapporteur général Jean-René Cazeneuve (Renaissance), courroie de transmission entre gouvernement et parlementaires, aura la dure tâche de tenir la bride et concilier les positions.

Patron des députés Horizons, Laurent Marcangeli espère une "dignité du débat" face aux "caricatures" de certaines oppositions. Alors que les macronistes ont souvent vu passer les flèches entre RN et gauche, ils ont bien l'intention cet automne de "pousser (leurs) positions".

Les partenaires particuliers de la droite

Emmenés par Olivier Marleix, les députés LR constituent depuis les législatives de juin le groupe pivot, celui qui peut apporter les voix manquantes à la majorité présidentielle. Ils ont eu droit à quelques échanges privilégiés avec Bercy, pour pousser leurs pistes d'économies ou des mesures en faveur des classes moyennes. La discrète Véronique Louwagie, commissaire aux Finances et voisine de circonscription de Bruno Le Maire, est à la manoeuvre.

L'enjeu des LR est d'obtenir gain de cause sur certains points, même s'ils ont déjà annoncé la couleur de leur vote final, contre l'ensemble du projet de loi de finances. L'exécutif pourrait leur envoyer quelques signaux, afin de s'attirer leurs faveurs pour la suite du quinquennat.

Le gouvernement discute avec d'autres élus de centre-droit, dont le vieux routier Charles de Courson (groupe Liot), fin connaisseur des arcanes du budget et qui porte haut les sujets des collectivités et des outre-mer.

Les députés RN isolés

Formant le premier groupe d'opposition, avec Marine Le Pen à leur tête, les 89 députés Rassemblement national ont eu le temps de se former et fourbir leurs armes. "Nous sommes pleinement entrés dans le paysage et allons monter au créneau", assure Sébastien Chenu, dont le groupe reste en quête de respectabilité et de crédibilité quant à son projet d'alternance.

Critiquant un "budget de soumission à la mondialisation, à l'inflation, à la guerre", ces élus espèrent notamment une taxation des surprofits. Mais se heurtent à ce qu'ils voient comme du "sectarisme", notamment à gauche: "Vous ne nous aimez pas, on ne vous aime pas non plus particulièrement la plupart du temps" mais "c'est incroyable qu'on n'arrive pas à travailler ensemble", s'indigne le trublion RN Jean-Philippe Tanguy. Les autres groupes politiques cherchent encore le juste ton vis-à-vis de l'extrême droite.

La Nupes à plusieurs voix

Les différents groupes de l'alliance de gauche (LFI, PS, écolo, PCF) sont unis dans la dénonciation d'un projet de budget soumis aux "règles libérales européennes", et insuffisant face à la crise écologique et sociale. Après une rentrée perturbée par les affaires Quatennens et Bayou, la séquence budgétaire est l'occasion de se refaire une santé.

Dans l'hémicycle, les stratégies peuvent cependant diverger, entre d'un côté la tentation des insoumis de faire de l'obstruction, et de l'autre la recherche de compromis par certains socialistes comme Valérie Rabault ou Christine Pires Beaune, ou des communistes. Cela se traduit par un groupe LFI très "vocal", quitte à passer pour les fauteurs de troubles et à agacer au sein de la Nupes. Selon un des partenaires, "il faut éviter une tendance hégémonique".

"Tout ça mis bout à bout, c’est 30 millions de dépenses supplémentaires dans mon département de Côte d'or", estime le président des départements de France, l'UDI François Sauvadet, qui en appelle "à la solidarité nationale".

Dans l'obligation de présenter des comptes à l'équilibre, les collectivités agitent la menace d'investissements repoussés à plus tard pour faire face à leurs factures, avec des conséquences immédiates sur la fragile croissance française.

David Lisnard, le président LR de l'Association des maires de France (AMF), accuse le gouvernement de vouloir "spolier" les collectivités.

Plus modérée sur la forme, la présidente de Régions de France, la PS Carole Delga, a estimé a 1 milliard l'impact de l'inflation l'année prochaine pour les régions, appelant le gouvernement à le compenser intégralement.

Depuis son arrivée à Matignon, Mme Borne a donné un nouveau ton aux relations avec les associations d'élus, en promettant un dialogue "riche, constant et transparent" qui tranche avec les tensions qui ont caractérisé le précédent quinquennat.

Emmanuel Macron a d'ailleurs reçu leurs présidents pour la première fois à l'Elysée début septembre, ouvrant un dialogue qui devrait se poursuivre une fois par semestre.

Le budget permettra de mesurer si ce changement sur la forme se confirme sur le fond.

Au Parlement, les collectivités peuvent compter sur d'importants relais au Sénat détenu par l'opposition de droite, mais aussi à l'Assemblée, où le gouvernement ne dispose plus que d'une majorité relative et où l'opposition peut déposer des amendements favorables aux territoires.

L'Association des petites villes de France (APVF) a d'ailleurs écrit cette semaine aux députés et aux sénateurs pour les appeler sans détour à utiliser "leur pouvoir d’amendement de façon à améliorer ce projet de budget qui, en l’état actuel, ne peut que contribuer à dégrader la situation financière des collectivités".

La discussion du budget, un marathon jusqu'à Noël au Parlement

Pour que la France soit dotée d'un budget au 1er janvier, le Parlement s'attelle chaque année à l'automne au volumineux projet de loi de finances, qui rassemble recettes et dépenses de l'Etat pour l'année à venir. Il dispose de 70 jours maximum pour l'adopter.

L'Assemblée nationale, devant laquelle le projet de loi est déposé en priorité, a quarante jours pour une première lecture, puis le Sénat 20 jours. Dix jours sont ensuite prévus pour la navette entre les deux chambres.

Concrètement cette année, les députés examinent à partir de lundi concomitamment un texte de programmation pour 2023-2027, et la première partie du projet de budget de l'Etat, jusqu'au 19 octobre en principe.

Cette première partie, sur laquelle est programmé sur le papier un vote solennel le 25 octobre, autorise notamment la perception des impôts et arrête les données générales de l’équilibre budgétaire. Deux débats se tiendront en outre, sur la dette (lundi 10) et les finances locales (vendredi 14).

Les discussions sur la seconde partie, c'est-à-dire les crédits pour les missions de l'Etat, démarreront le 27 octobre, pour environ deux semaines, et doivent être conclues par un vote global sur l'ensemble du projet de loi.

Le Sénat dominé par la droite prendra ensuite la main, en vue de séances à partir du 17 novembre et jusqu'au 6 décembre.

Députés et sénateurs tenteront ensuite de s'accorder sur une version commune du projet de budget, faute de quoi le texte fera une ultime navette - et c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot, option probable. La fin de cette course de fond est prévue au maximum le 18 décembre.

En cas de dépassement de ce délai, les mesures peuvent être mises en oeuvre par ordonnance gouvernementale.

Entre ces semaines denses d'examen, sera intercalé le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2023. La première lecture devant l'Assemblée se fera du 20 au 26 octobre, puis devant le Sénat du 7 au 12 novembre. L'adoption définitive de ce texte de loi, qui fixe les dépenses sociales telles les allocations, est en général plus rapide que celle du PLF.

Mais rien n'est sûr pour cette saison budgétaire à hauts risques, hypothéquée par le possible recours par l'exécutif à l'article 49.3 de la Constitution, permettant de faire adopter un texte sans vote. Cette arme permettrait de remédier à la majorité relative des macronistes à l'Assemblée et d'abréger les débats. Elle ne peut être utilisée devant le Sénat.

Des risques de «coupures»

Les élus de tous bords, y compris de la majorité, se sont récemment alarmés de la hausse de la facture énergétique, même si le gouvernement estime que "30.000 des 36.000 communes" bénéficieront du plafonnement à 15% de la hausse du prix de l'électricité en 2023.

Des villes moyennes "vont se retrouver face à un mur d’ici la fin de l’année", prévient Marie-Agnès Poussier-Winsbak, députée Horizons, la formation d'Edouard Philippe qui a fait de la défense des collectivités l'une de ses priorités.

Elisabeth Borne s'est engagée devant les sénateurs: "aucune collectivité (...)  ne sera laissée dans une impasse", a-t-elle affirmé, avant d'annoncer vendredi des dotations plus importantes que prévues.

Budget: derrière l'affrontement, les propositions

L'examen du budget dans l'hémicycle à partir de lundi promet des débats au mieux enflammés, au pire chaotiques, et chaque groupe politique entend défendre ses positions, jusqu'à un très probable 49.3.

- LR contre, mais intéressé -

Ils l'ont annoncé, les députés Les Républicains (LR) voteront contre le texte. Mais ils pourraient profiter de la volonté du gouvernement d'afficher une image d'ouverture, pour placer certains amendements dans le texte promis à un 49.3.

En plus de propositions classiques (repenser des règles de redistribution sociale, suppression de plafond d'heures supplémentaires), le groupe devrait proposer d'aller chercher, selon son estimation, 20 milliards d'euros en taillant dans les doublons au sein des agences de l'Etat.

Un amendement LR controversé contre "l'agribashing", qui vise notamment au portefeuille des associations comme L214, promet des débats intenses.

La position du groupe sera scrutée sur la sensible CVAE, impôt sur les entreprises finançant les collectivités, et que le gouvernement veut supprimer en deux ans.

En commission, les LR ont proposé de pérenniser une dotation aux collectivités de 107 millions d'euros pour compenser l'impact en 2023. Mais la gauche, qui veut maintenir la CVAE, espère bien que LR ira jusqu'à soutenir cette position, à un an des sénatoriales.

- Superprofits chez la Nupes...-

Écologistes, insoumis, socialistes et communistes la brandiront comme une priorité : une taxe sur les "superprofits" d'entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros, et dont le résultat imposable est au moins 1,25 fois supérieur au résultat moyen des années 2017-2019.

Les députés LFI présenteront aussi des amendements pour une TVA à 0% sur les produits de première nécessité, ou encore pour une taxe TICPE flottante sur les prix du carburant. Les communistes devraient soutenir une grille d'imposition avec plus de tranches, et s'attaquer à des niches fiscales, notamment autour du crédit impôt recherche.

Les socialistes vont proposer d'ouvrir l'aide pour les personnes hébergées en Ehpad à ceux qui ne paient pas d'impôt, ce qui pourrait concerner 300.000 personnes selon Christine Pires-Beaune.

Les Écologistes proposeront aussi l'exonération de TVA pour l'usage domestique des premiers 18,2 m3 d'eau. Ils reviendront à la charge pour légaliser l’utilisation de l’huile de friture usagée comme carburant.

-... et au RN -

Le groupe RN va proposer sa propre taxe sur les "superprofits". Le principe général est le même, instaurer une "contribution exceptionnelle sur les bénéfices exceptionnels de sociétés".

Mais ces députés visent spécifiquement les sociétés "pétrolières, gazières, de transport maritime de marchandises" et les "sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier", en prenant comme années de référence la période 2019-2021.

Le RN va également remettre sur la table la proposition de Marine Le Pen de baisser la TVA à 5,5% pour le gaz et l’électricité.

Le groupe d'extrême droite devrait aussi appeler au soutien des Chambres de commerce et d'industrie, dont une partie du financement est liée à la CVAE.

- La majorité face aux collectivités -

Élisabeth Borne a annoncé vendredi une hausse de la dotation globale de fonctionnement des collectivités, à 320 millions d'euros au lieu des 210 initiaux. Un amendement du rapporteur Jean-René Cazeneuve va aussi tenter de les rassurer, en instituant un "bouclier énergétique" pour le "bloc communal" (communes et intercommunalités).

Sur la suppression de la CVAE, la majorité n'a pas de certitudes: "je pense que ça peut passer", affirme un cadre de la majorité; "on va être battu en séance", s'inquiète un autre. En commission, Nadia Hai (Renaissance) a évoqué "un certain nombre de députés" qui s'interrogent sur le timing, évoquant l'idée d'une abrogation sur trois ans plutôt que deux.

Le groupe allié Horizons propose l'extension d'un prêt à taux zéro pour transformer son véhicule thermique en véhicule électrique.

Sur d'autres sujets, le groupe MoDem, autre partenaire de la majorité, va proposer un système de récompense via une remise de taxe pour les collectivités qui se montrent vertueuses dans la prévention des déchets, ou encore l'accès à un prêt à taux zéro pour des particuliers qui voudraient installer des panneaux photovoltaïques chez eux.

La revalorisation de la DGF (dotation globale de fonctionnement allouée par l'Etat aux collectivités, NDLR), initialement prévue à 210 millions d'euros, sera ainsi portée dans le budget à 320 millions, de sorte que "95% des collectivités verront leur dotation dotation se maintenir ou augmenter", a-t-elle indiqué.

Il s'agit de la première hausse depuis 13 ans de la DGF, dont le montant total avoisine les 27 milliards d'euros.

Par ailleurs, l'exécutif a décidé de permettre aux  collectivités en difficulté de demander dès la semaine prochaine un acompte sur l'aide de l'Etat prévue pour compenser l'augmentation de leurs dépenses.

Cette prise de conscience contraste avec une note confidentielle des services de l'Etat obtenue par l'AFP, qui souligne une situation financière "très favorable" pour les collectivités "en sortie de crise fin 2021". La guerre en Ukraine, la poussée de l’inflation et en particulier des prix de l’énergie sont entretemps passées par là.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.