PARIS: "On n'a pas fini de trembler pour la démocratie": la presse internationale accueille dimanche avec soulagement la victoire annoncée de Joe Biden et note la "sortie sans dignité" de Donald Trump, mais s'inquiète de la tâche écrasante qui attend le nouveau président et sa colistière Kamala Harris.
"Une nouvelle aube pour l'Amérique", affirme le journal britannique The Independent, soulignant la réussite de Mme Harris, première femme à accéder à la vice-présidence.
"Joe l'endormi réveille l'Amérique", raille le Sunday Times en référence au surnom péjoratif dont Donald Trump affublait son rival pendant la campagne.
Le Sunday Telegraph reprend pour sa part directement les mots de M. Biden: "Il est temps que l'Amérique guérisse".
"Quelle libération, quel soulagement : les voix sont comptées, les jours de Donald Trump aussi. Joe Biden hérite d’une charge lourde comme aucun autre de ses prédécesseurs : il doit unir l’Amérique", note également le quotidien allemand de gauche Süddeutsche Zeitung.
"Au cours de ses presque cinq décennies de vie publique, peu de gens pensaient que Biden pouvait y arriver. Ses trois tentatives de conquérir la Maison Blanche ont été largement jugées peu crédibles", souligne la chaîne publique australienne ABC.
"Mais Biden a toujours semblé avoir foi en lui-même. Et maintenant il est le nouveau président des Etats-Unis", conclut ABC.
La "fin de quatre ans de règne erratique"
Joe Biden "met fin à quatre ans de règne erratique de Donald Trump", écrit le grand journal du dimanche sud-africain The Sunday Times.
La tâche qui attend le ticket démocrate s'annonce néanmoins écrasante, note l'hebdomadaire allemand Die Zeit (centre).
"Joe Biden va devoir trouver rapidement des réponses aux menaces qui planent sur l’économie et au danger aigu de la pandémie. Qu’il puisse, à lui seul, réconcilier le pays est improbable. Que Donald Trump accepte la défaite est impensable. On n’a pas encore fini de trembler pour la démocratie", prévient-il.
Le plus grand quotidien suédois Dagens Nyheter (libéral) estime lui aussi que la victoire de M. Biden est "douce-amère".
"Biden va avoir du mal à guérir l'Amérique" et sa promesse de ramener le pays à la normalité s'annonce comme une "mission impossible".
Reste que le candidat a réussi à reconquérir les électeurs populaires de la "ceinture de la rouille" dans le Nord-Est, qui avaient auparavant voté Trump et aidé le parti à en conquérir de nouveaux dans le Sud-Ouest, ce qui "pourrait modifier la géographie électorale des Etats-Unis dans un avenir prévisible", souligne-t-il encore.
Le journal conservateur Svenska Dagbladet relève également que "l'élection est terminée mais (que) le conflit perdure".
"tâche monumentale"
"La moitié du pays, du moins la moitié de ceux qui ont voté, pourrait avoir un sentiment durable que quelque chose ne va pas après des mois de batailles et d'appels à remettre en cause l'élection; que le système électoral est truqué et qu'on ne peut pas s'y fier; que ça ne sert à rien de voter; que la démocratie américaine ne marche pas de toute façon; que la seule personne en qui ils peuvent avoir confiance est le type qui dit qu'on lui a volé l'élection".
"Biden affronte la tâche monumentale de rebâtir la confiance sur la scène mondiale", souligne le Japan Times.
Au Moyen-Orient, comme le site pro-gouvernemental saoudien Okaz, les journaux s'interrogent sur les répercussions de ce changement de casting à la Maison-Blanche sur la région et surtout les relations avec l'Iran, bête noire à la fois de Ryad et de Donald Trump.
Le quotidien saoudien Asharq Al-Awsat rappelle que le mandat du président en exercice avait largement favorisé l'axe Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Egypte et Bahreïn, face à l'Iran.
En Iran, les journaux affichent une position contrastée. Pour les médias conservateurs, le changement de locataire à la Maison Blanche, n'est que de façade.
"L'Amérique a changé son masque"
"L'Amérique a changé son masque", affirme Khorasan, "L'ennemi démasqué est parti, l'ennemi masqué arrive", renchérit Resalat. Les titres proches des milieux réformistes comme Aftab-e Yazd y voient un "nouveau chapitre pour l'Amérique".
"Votre succès est notre succès" écrit l'éditorialiste du journal centriste Yediot Aharonot en Israël, confiant que le nouveau locataire de la Maison-Blanche restera favorable à Israël, même s'il rouvre un dialogue avec l'Iran.
De nombreux médias reviennent par ailleurs sur le parcours exceptionnel de Mme Harris, qui pour le journal australien Sydney Morning Herald a "mis en miettes le plafond de verre".
"Son identité noire lui a permis de parler de façon personnelle au cours d'une année de remise en question de la brutalité policière et du racisme systémique. En tant que femme jamais élue au plus haut poste d'un gouvernement américain, elle donne de l'espoir aux femmes qui ont été abattues par la défaite d'Hillary Clinton il y a quatre ans", conclut le quotidien.
Mme Harris est "une femme forte, symbole du renouveau et redoutée par Trump", renchérit le journal espagnol de centre-droit El Mundo.
Trump "sans dignité"
Le tabloïd allemand Bild, tout en saluant la victoire de Biden, choisit aussi de souligner la "sortie sans dignité" de Donald Trump, qui refuse de reconnaître sa défaite et promet de continuer à se battre.
Le quotidien australien Daily Telegraph, propriété du magnat Rupert Murdoch, relève aussi qu'il "ne va tout simplement pas accepter l'humiliation d'être apparemment battu par un rival qu'il percevait comme faiblard et à peine digne d'être combattu".
"Il a préparé le terrain pendant des mois à des réclamations de fraude électorale et il ne va pas renoncer à cette stratégie maintenant, souligne-t-il.
Au Caire, le quotidien gouvernemental al-Akhbar croit à des "violations" lors des élections et affirme qu’"il est temps que les Etats-Unis cessent de nous donner des leçons de démocratie".
Le journal brésilien Folha de Sao Paulo note que la défaite de Trump constitue une "punition pour les attaques à l'encontre de la civilisation" et met en garde contre la "leçon" que cela représente pour son homologue brésilien Jair Bolsonaro.
"Le reflet de nos propres failles"
Le journal français L'Est Républicain voit également dans les fractures américaines "un reflet grossissant de nos propres failles".
"Les fractures américaines ressemblent à celles que l'on a eues, en France, tout le loisir d'ausculter durant la crise des Gilets jaunes. Si l'exemple américain peut nous servir, tâchons exceptionnellement de ne pas l'imiter".
En Grande-Bretagne, le quotidien régional Ayrshire Daily News, implanté dans une région qui accueille l'un des nombreux clubs de golf de Trump, choisit pour sa part une approche purement locale de l'information: "Le propriétaire du club de golf de South Ayrshire perd l'élection 2020", titre-t-il.