PARIS : Retraites, travail, immigration: gardant son cap à droite, Emmanuel Macron veut accélérer ses réformes, même les plus controversées, tout en affichant sa volonté d'«apaiser» et de «protéger» les Français confrontés à un contexte économique et social inflammable.
Au cours de ses prises de parole cette semaine, le chef de l'Etat a affirmé qu'il n'aurait «pas d'état d'âme» à mener à bien les réformes jugées indispensables, même si elles sont impopulaires. Il a ainsi appelé le gouvernement et ses soutiens à être «déterminés et radicaux pour traiter les problèmes du pays».
Pour lui, la réforme des retraites «s'impose», la création de richesse par le travail est «le seul moyen de financer» le modèle social français, et une réforme de l'immigration et de l'asile est nécessaire pour «mettre fin à une politique à la fois «inefficace et inhumaine».
Ce discours résolu «permet à Emmanuel Macron de dire que, malgré les difficultés et les crises, il ne renonce pas aux réformes même si, in fine, il ne les fait pas toujours», relève Benjamin Morel, maître de conférences à Paris II.
Depuis 2017, le réformisme est «l'ADN» revendiqué du macronisme. Mais le président est souvent placé sur la défensive face à ceux, notamment à droite, qui dénoncent un immense fossé «entre les beaux discours et les actes» selon la formule de Bruno Retailleau, le chef de file des sénateurs LR.
- «Le chef et le programme» -
«Ce qui fait le macronisme, qui n'a pas de profondeur historique, c’est le chef et le programme. Emmanuel Macron peut donc difficilement renoncer à une réforme. Car une réforme enterrée, c’est un désaveu pour lui», explique Benjamin Morel.
La réforme des retraites en est le meilleur exemple. Promise au début du premier quinquennat, adoptée dans la douleur puis interrompue en mars 2020 à cause du Covid, elle revient aujourd'hui en force, provoquant déjà des remous alors que ses contours et son calendrier ne sont pas encore formellement posés.
Emmanuel Macron a assuré jeudi que le gouvernement allait mener la réforme «par la concertation sociale et en cherchant les compromis».
Dans le même temps, certains membres de la majorité souhaitent qu'elle soit adoptée dès cet automne dans le cadre du projet de loi de budget de la Sécurité sociale (PLFSS), quitte à activer l'article 49.3
Un scénario qui provoque une vive opposition des syndicats et de la gauche, et qui pourrait mettre au pied au mur les LR, favorables à cette réforme mais contraints d'afficher leur opposition pour continuer à exister.
A cet égard les sénateurs, majoritairement de droite, sur lesquels le gouvernement veut s'appuyer en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée, votent chaque année une réforme des retraites dans le PLSS.
- «Incertitude» -
L'immigration et l'assurance-chômage sont aussi «des sujets sur lesquels il y a des accords partiels potentiels avec LR», relève le politologue Bruno Cautrès. A cet égard, le chef de l'Etat poursuit son entreprise d'assèchement de la droite, en quête d'un chef et d'une ligne.
Mais «ça ne rend pas plus lisible le problème lié au deuxième mandat : quelle est sa direction? comment il prend appui sur les résultats du premier ? Lesquels ? etc». «On a quelque part perdu le narratif du macronisme», «on recherche un peu l'agilité, la vista du premier mandat», estime le chercheur du Cevipof.
D'autant que le chef de l'Etat «entretient lui-même un climat d'incertitude sur ses objectifs», relève-t-il, face aux crises multiples, énergétique et climatique, qui obligent l'exécutif à prolonger les mesures visant à amortir la flambée de prix.
Si immigration et assurance-chômage «sont des réformes moins problématiques pour lui» dans l'opinion, «il peut y avoir néanmoins une mobilisation sociale sur ces sujets-là si vous avez une inflation galopante et des gens qui n'arrivent pas se nourrir», prévient Benjamin Morel.
Emmanuel Macron a aussi lancé une autre réforme, a priori plus consensuelle, sur la fin de vie, qui fera l'objet d'une convention citoyenne.
De quoi «multiplier les débats et éviter la focalisation de l'opinion sur des sujets qui pourraient cristalliser la colère», note M. Morel.