PARIS: Emmanuel Macron l'a qualifiée lui-même d'"immense chantier". Le président présente mardi lors d'un déplacement aux Sables-d'Olonne (Vendée) sa réforme du lycée professionnel dont l'objectif est de le "ré-arrimer avec le monde du travail" malgré l'opposition des syndicats.
Accompagné du ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye et de la ministre chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels Carole Grandjean, le chef de l'Etat est arrivé à la mi-journée au lycée professionnel Eric Tabarly des Sables-d'Olonne, lycée des métiers du nautisme, de l'automobile et de l'industrie.
Il devait y rencontrer l'équipe éducative, les élèves ainsi que des chefs d'entreprise engagés dans les formations de l'établissement.
Lors de cette visite, le président de la République doit présenter "ses ambitions pour la voie professionnelle" et "son projet pour les lycées professionnels", avec "trois axes d'action": "comment rendre plus attractifs les lycées professionnels, comment améliorer l'insertion professionnelle et comment améliorer la poursuite d'études des jeunes de la voie professionnelle", a indiqué l'Elysée.
Emmanuel Macron avait appelé fin août, devant les recteurs d'académie, à une "transformation profonde" de la voie professionnelle, avec la volonté de "ré-arrimer très en profondeur et en amont le lycée professionnel avec le monde du travail", développer "les temps de stage d'au moins 50%" et mieux les rémunérer, recruter davantage de professeurs issus du monde professionnel...
Pour cette réforme, déjà inscrite dans son programme de campagne, il avait dit vouloir s'appuyer sur "ce que l'on a réussi à faire à travers la réforme de l'apprentissage" qui a vu le nombre d'apprentis augmenter fortement.
Pour justifier cette réforme, l'Elysée s'appuie sur des chiffres: alors qu'environ 630.000 élèves sont scolarisés en lycée professionnel (près d'un tiers des lycéens), les débouchés ne sont pas à la hauteur des attentes en termes d'insertion dans l'emploi.
"On n'est pas complètement rassuré par cette nouvelle réforme car il faut définir les contours et connaître les conséquences, et là on manque d'information", a déclaré Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du principal syndicat des chefs d'établissement (SNPDEN), lors d'une conférence de presse de rentrée.
Selon lui, "les questions de l'organisation générale d'une année scolaire, du statut des enseignants, de la formation, de la place de l'enseignement général avec l'évolution des volumes horaires doivent être abordées. On veut une vraie concertation et surtout une vraie mise à plat de la précédente réforme (de 2018) qui n'a même pas eu lieu", a-t-il affirmé.
Parmi les élèves de lycées professionnels sortis d'études en 2019, seulement 41% de ceux issus d'un CAP et 53% de ceux issus d'un bac pro étaient en emploi après deux ans, selon les chiffres de la Depp, l'agence des statistiques du ministère de l'Education.
«Menace forte»
"Tout cela nous pousse à vouloir apporter des réponses", souligne-t-on à l'Elysée, pour qui il s'agit de "travailler au renforcement de cette voie", mal-aimée du système éducatif français, "pour en faire une vraie voie de réussite".
Mais les syndicats de l'enseignement professionnel s'inquiètent.
Réunis en intersyndicale fin août, fait rare pour l'enseignement professionnel, ils ont dénoncé une "menace forte" et un "projet de désorganisation de la voie professionnelle scolaire" et se réuniront à nouveau le 22 septembre en vue d'une éventuelle mobilisation.
L'annonce de cette réforme "a profondément sidéré, voire inquiété et parfois même provoqué une forme de colère de la part des personnels", indique Sigrid Gérardin, secrétaire générale du syndicat Snuep-FSU.
"L'augmentation de 50% des stages, je crois que c'est l'élément qui choque le plus les collègues parce que c'est diminuer d'autant la présence des élèves dans nos établissements", a-t-elle ajouté jeudi lors d'une conférence de presse.
"Aujourd'hui, les lycées professionnels forment à des métiers. Si ce projet advient, ils vont se transformer en réalité en centres de formatage à l'emploi".
Or le lycée professionnel sort d'une réforme, lors du précédent quinquennat, avec l'organisation en "familles de métiers", des heures de co-intervention entre enseignants ou encore la réalisation d'un "chef-d'œuvre" en lien avec le futur métier. De quoi susciter une forte appréhension à l'idée d'un nouveau chantier.
Dans une interview au Point, le ministre du Travail Olivier Dussopt se veut rassurant, soulignant que la réforme "ne doit évidemment pas se faire au détriment de l'enseignement général que l'on doit à ces jeunes".
Mais "la feuille de route énoncée reste floue pour le moment", regrette l'intersyndicale. Et pour elle, "nos élèves n'ont pas besoin de plus d'entreprise mais de plus d'école, plus de culture et d'enseignement général, bref de plus de bases scolaires".