Un siècle après Toutankhamon, les Egyptiens veulent sortir de l'ombre

Un artisan travaille dans un bazar d'albâtre dans le village d'al-Qurna (Gurna) sur la rive ouest du Nil en face de la ville de Louxor, dans le sud de l'Égypte, le 26 juillet 2022. Pendant des siècles, les habitants de Gournah ont vécu et fouillé l'ancienne nécropole de Thèbes, une ancienne capitale des pharaons dans l'Egypte ancienne, datant de 3100 av. Aujourd'hui, les ruines de Thèbes se trouvent parmi la ville moderne de Louxor, dans le sud de l'Égypte. (AFP).
Un artisan travaille dans un bazar d'albâtre dans le village d'al-Qurna (Gurna) sur la rive ouest du Nil en face de la ville de Louxor, dans le sud de l'Égypte, le 26 juillet 2022. Pendant des siècles, les habitants de Gournah ont vécu et fouillé l'ancienne nécropole de Thèbes, une ancienne capitale des pharaons dans l'Egypte ancienne, datant de 3100 av. Aujourd'hui, les ruines de Thèbes se trouvent parmi la ville moderne de Louxor, dans le sud de l'Égypte. (AFP).
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Publié le Jeudi 15 septembre 2022

Un siècle après Toutankhamon, les Egyptiens veulent sortir de l'ombre

  • L'égyptologie, née à l'époque coloniale, a créé "des inégalités structurelles" qui "résonnent aujourd'hui" encore
  • Les Egyptiens qui ont fouillé "ont fait tout le travail" mais ils "ont été oubliés"

QURNA: Sur la photo iconique, le Britannique Howard Carter inspecte le sarcophage de Toutankhamon et, dans l'ombre, se tient un Egyptien.

Ce cliché du début du XXe siècle illustre bien ce que furent deux siècles d'égyptologie selon les experts: d'un côté, le savant occidental qui découvre seul des trésors; de l'autre, des petites mains égyptiennes absentes de l'histoire de la révélation des secrets des pharaons.

L'égyptologie, née à l'époque coloniale, a créé "des inégalités structurelles" qui "résonnent aujourd'hui" encore, souligne la Britannique Christina Riggs, égyptologue à l'université de Durham.

Mais, alors que le monde célèbre le bicentenaire du déchiffrement de la pierre de Rosette par le Français Jean-François Champollion et le centenaire de la découverte du tombeau de l'enfant-pharaon Toutankhamon par Carter, en Egypte des voix s'élèvent pour mettre en lumière la contribution des Egyptiens dans ces explorations.

Manière de se réapproprier leur histoire, au même titre que la préservation du patrimoine dans leur pays ou la restitution réclamée de trésors estimés "volés" par les Occidentaux.

egypte
Au début du XXe siècle, sur fond d'anticolonialisme grandissant, l'héritage pharaonique sert à faire vibrer la corde nationaliste. La bataille culturelle devient politique. (AFP).

Les Egyptiens qui ont fouillé "ont fait tout le travail" mais ils "ont été oubliés", déplore Abdel Hamid Daramalli, chef de fouille à Qurna (sud) où il dit être né sur la tombe d'un scribe.

"C'est comme si personne n'avait cherché à comprendre l'Egypte antique avant" Champollion, qui le 27 septembre 1822 annonça avoir déchiffré la pierre de Rosette, abonde la chercheuse Heba Abdel Gawad, spécialiste de l'héritage égyptien.

« Anonymes »

Sur le fameux cliché, "l'Egyptien, pas nommé, pourrait être Hussein Abou Awad ou Hussein Ahmed Saïd", explique Mme Riggs.

Ces deux hommes ont été, avec Ahmed Gerigar et Gad Hassan, des piliers de l'équipe de Carter pendant près d'une décennie mais aucun expert ne peut aujourd'hui mettre un nom sur les visages photographiés.

"Les Egyptiens sont restés dans l'ombre, anonymes et transparents dans le récit de leur histoire", résume l'historienne.

Un nom cependant a émergé, celui des Abdel Rassoul.

Hussein d'abord qui alors enfant passe pour être celui qui a découvert involontairement la tombe de Toutankhamon, le 4 novembre 1922, sur la rive ouest du Nil dans la nécropole de Thèbes (aujourd'hui Louxor), à Qurna.

Les versions varient: il a trébuché dessus, son âne a trébuché dessus ou il a renversé un broc d'eau qui a mis au jour une pierre.

La mythologie locale dit aussi que ses ancêtres Ahmed et Mohammed ont découvert en 1871 les 50 momies de Deir el-Bahari, dont celle de Ramsès II.

Le petit-neveu de Hussein, Sayed Abdel Rassoul, que l'AFP a retrouvé à Qurna, éclate de rire à l'évocation de ces récits.

Est-ce "vraiment sensé" de croire qu'un gosse avec une jarre d'eau a pu faire une telle découverte ?, demande-t-il. De toutes façons, "si certains ont gardé des archives, pas nous", dit-il.

Christina Riggs rappelle pourtant que dans les rares cas où une découverte a été portée au crédit d'Egyptiens, il s'agissait d'"enfants" et de "pilleurs de tombes" quand ce n'étaient pas leurs "animaux".

"L'archéologie, c'est surtout de la géographie", explique Mme Abdel Gawad. Et dans ce domaine, dit-elle, les agriculteurs locaux ont un atout en main: "Ils connaissent le terrain et ses reliefs" et peuvent dire "en fonction des couches sédimentaires s'il y a des objets enterrés".

C'est ainsi que de génération en génération, le travail de fouille s'est transmis à Qurna, où vivent les Abdel Rassoul, et à Qift, au nord de Louxor où dans les années 1880 les habitants ont été formés à l'archéologie par le Britannique William Flinders Petrie.

L'arrière-grand-père de Mostafa Abdo Sadek fut l'un d'eux. Au début du XXe siècle, il s'est installé à 600 kilomètres au nord de Qift pour fouiller la nécropole de Saqqara, près des pyramides de Gizeh.

Lui, ses enfants et ses petits-enfants ont, durant un siècle, aidé à percer les mystères de dizaines de tombes, raconte à Saqqara l'arrière-petit-fils, lui-même archéologue réputé.

Mais eux "ont été lésés", poursuit Mostafa Abdo Sadek en brandissant des photos de ses ancêtres dont aucun nom n'apparaît aujourd'hui dans les livres d'histoire.

« Enfants de Toutankhamon »

"Les Egyptiens ont été effacés du récit historique à cause de l'occupation culturelle de l'Egypte des 200 dernières années", affirme Monica Hanna, doyenne du Collège d'archéologie d'Assouan.

Il faut prendre en compte "le contexte historique et social de l'Egypte sous occupation britannique", nuance Fatma Keshk, conférencière à l'Institut d'archéologie orientale du Caire.

Au début du XXe siècle, sur fond d'anticolonialisme grandissant, l'héritage pharaonique sert à faire vibrer la corde nationaliste. La bataille culturelle devient politique.

"Nous sommes les enfants de Toutankhamon", chante la diva Mounira al-Mahdiyya en 1922 - année de la découverte de la tombe de l'enfant-pharaon dans la Vallée des Rois et de l'indépendance de l'Egypte.

A coups de campagnes brocardant la mainmise des étrangers sur le patrimoine national, Le Caire parvient la même année à mettre fin au système de partage colonial qui garantissait aux Occidentaux la moitié des pièces mises au jour en échange du financement des fouilles.

Mais alors, l'Egypte antique a été dissociée de l'Egypte moderne et à partir de là "considérée comme une civilisation universelle'" dans un monde qui à l'époque "se résumait à l'Occident", analyse Mme Abdel Gawad.

Toutankhamon reste en Egypte mais le pays "perd les archives des fouilles", outil essentiel pour toute publication universitaire, au profit de la collection privée Carter, relate Mme Hanna. "Nous étions encore colonisés. Ils nous ont laissé les objets mais ont pris notre capacité à produire de la connaissance sur Toutankhamon."

Et quand la nièce d'Howard Carter décide de faire don de ces archives peu après la mort de l'archéologue britannique en 1939, elle choisit l'université d'Oxford plutôt que l'Egypte.

Oxford qui justement propose actuellement l'exposition "Toutankhamon: fouille dans les archives" pour mettre en lumière "les Egyptiens souvent oubliés des équipes archéologiques".

Une momie dans la maison 

A Qurna, Ahmed Abdel Rady, 73 ans, se rappelle avoir trouvé, enfant, une tête de momie dans un renfoncement de la maison installée dans un des tombeaux de la nécropole de Thèbes où il a grandi.

Ma mère, raconte-t-il à l'AFP, a éclaté en sanglots en me suppliant de traiter "cette reine" avec respect. Pour autant, poursuit-il, elle stockait oignons et têtes d'ail dans un sarcophage de granit.

Aujourd'hui, le village, n'est plus que ruines où, entre tombeaux et temples, les colosses de Memnon, construits il y a plus de 3.400 ans, semblent veiller sur les morts et les vivants.

En 1998, des bulldozers ont débarqué pour détruire les petites maisons de terre et de brique des 10.000 habitants, sous lesquelles reposaient des tombes datant pour la plupart de 1.500 à 1.200 avant JC.

Dans des affrontements avec la police, quatre habitants refusant d'être expulsés sont tués. C'est parce qu'ils sont profondément liés à l'héritage pharaonique que les habitants de Qurna ont tant protesté contre la démolition de leur village, assure Abdel Hamid Daramalli.

Mais la bataille pour l'histoire se fait aussi aux dépens des Egyptiens, en dépit même des critiques alors de l'Unesco. "Il fallait le faire" pour protéger le patrimoine, martèle le ministre des Antiquités de l'époque, Zahi Hawass.

En 2008, la quasi-totalité des maisons étaient rasées et leurs habitants relogés loin de leur gagne-pain autour des sites archéologiques et des terres de leur bétail.

Selon Monica Hanna, c'est leur réputation de "pilleurs de tombes" qui a mené les autorités à faire de Louxor un "musée à ciel-ouvert".

Sayed Abdel Rassoul en souffre depuis qu'il y a longtemps des membres de la famille ont été pris vendant des pièces archéologiques sous le manteau.

"Les Français, les Britanniques, tous volaient", dit son neveu Ahmed. "Et qui, au départ, a dit aux habitants de Qurna qu'ils pouvaient gagner de l'argent en vendant des pièces pharaoniques ?"

« Butin de guerre »

Au cours des siècles, un nombre inquantifiable d'antiquités sont sorties d'Egypte.

Certaines, comme l'Obélisque de Louxor à Paris ou le Temple de Debod à Madrid, ont été offertes par le gouvernement égyptien à des pays amis.

D'autres ont été envoyées dans les musées européens dans le cadre du système de partage colonial.

Et des centaines de milliers sont passées en contrebande vers "des collections privées à travers le monde", affirme Mme Abdel Gawad.

C'est la nouvelle croisade de l'ancien ministre Hawass, qui veut lancer en octobre une pétition pour la restitution de la pierre de Rosette, du buste de Nefertiti et du zodiaque de Dendérah, trois pièces sujettes à controverses depuis des décennies.

La pierre de Rosette, stèle gravée en 196 avant JC en grec ancien, égyptien démotique et hiéroglyphes, est exposée depuis 1802 au British Museum de Londres avec en cartel "prise en Egypte en 1801 par l'armée britannique".

Un porte-parole du British Museum assure à l'AFP que c'est "un cadeau diplomatique". Pour Mme Abdel Gawad, c'est "un butin de guerre".

Le buste de Néfertiti a atterri au Neues Museum de Berlin en vertu du partage colonial, affirme l'Allemagne. Pour M. Hawass, cette sculpture, peinte en 1340 avant JC et ramenée par des archéologues allemands en 1912, "a été sortie illégalement d'Egypte".

Le zodiaque de Dendérah, enfin, a rejoint Paris quand en 1820 le préfet Sébastien Louis Saulnier envoie une équipe desceller à l'explosif ce bas-relief d'un temple du sud de l'Egypte.

Cette représentation de la voûte céleste de plus de 2,5 mètres de largeur et de hauteur est accrochée à un plafond du Louvre depuis 1922, alors qu'une copie de plâtre la remplace à Dendérah. "C'est un crime", accuse Mme Hanna.

Ce qui était acceptable à l'époque, ajoute-t-elle, n'est plus "compatible avec l'éthique du XXIe siècle".


JO-2024: «si aucun Palestinien ne se qualifie», le CIO les invitera, déclare son président

Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
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  • Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive
  • Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo

LAUSANNE, Suisse : Les athlètes palestiniens devraient être «six à huit» aux JO de Paris, où le Comité international olympique les invitera s'ils ne parviennent pas à se qualifier, a indiqué vendredi son président Thomas Bach dans un entretien exclusif à l'AFP.

«Nous avons pris l'engagement clair que, si aucun athlète ne se qualifie sur le terrain, le comité national olympique (CNO) palestinien bénéficiera d'invitations», a annoncé le dirigeant. Interrogé sur l'ampleur de ces invitations, il a ensuite évalué le nombre de représentants palestiniens à «six ou huit» à Paris selon le résultat des qualifications, «qui sont encore en cours dans un certain nombre de disciplines».

Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive.

Mais la venue d'athlètes palestiniens à Paris restait une interrogation majeure puisque l'offensive militaire israélienne à Gaza, consécutive à l'attaque lancée par le Hamas le 7 octobre, a notamment détruit la plupart des infrastructures sportives.

Thomas Bach avait reçu la semaine dernière à Lausanne le président du CNO palestinien, Jibril Rajoub, promettant de poursuivre le soutien du CIO aux athlètes, mais aussi d'assurer la coordination des efforts internationaux pour reconstruire les installations détruites.

Si le patron de l'olympisme a appelé dès le début du conflit entre Israël et le Hamas à «une solution pacifique», il a aussi adopté un traitement très différent de celui de la guerre russe en Ukraine, qui a abouti à une série de sanctions contre le sport russe.

Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo. Par ailleurs, «il n'y a eu aucune violation de la Charte olympique, ni par le comité israélien ni par le comité palestinien», a insisté Thomas Bach vendredi, alors que le CNO russe avait placé sous son contrôle les organisations sportives de régions ukrainiennes occupées.


En Tunisie, des migrants survivent dans des champs d'oliviers en lorgnant l'Europe

Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
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  • Selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie «se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'UE»
  • Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés

EL AMRA: Des bâches en guise d'abri, des poulets décharnés comme nourriture, des milliers de migrants d'Afrique subsaharienne vivotent dans des champs d'oliviers en Tunisie, s'accrochant à l'espoir de traverser la Méditerranée vers l'Europe.

Ils sont environ 20.000 dans des campements de fortune près des localités rurales d'El Amra et Jebeniana, à entre 30 et 40 km au nord de la métropole de Sfax (centre), selon des sources humanitaires.

Ils ont construit de premiers abris à la mi-septembre après avoir été évacués du centre de Sfax. Des milliers d'autres les ont depuis rejoints dans des plantations d'oliviers, où ils guettent l'occasion d'embarquer clandestinement vers l'Italie, à partir de plages situées à une quinzaine de kms.

C'est le cas d'Ibrahim (nom d'emprunt), parti de Guinée Conakry il y a plus d'un an pour émigrer en Europe et "subvenir aux besoins de sa mère malade et son petit frère". Il est arrivé sous les oliviers il y a trois mois en plein hiver, après avoir marché 20 jours depuis la frontière algérienne.

"C'est vraiment difficile ici, même pour des courses, on y va en cachette. On peut sortir chercher du travail mais quand ils doivent te payer, ils appellent la police", explique à l'AFP, l'air épuisé, cet étudiant qui dit avoir 17 ans.

Depuis environ un an et un discours aux accents xénophobes du président tunisien Kais Saied contre l'immigration clandestine d'Afrique subsaharienne, des milliers de migrants employés informellement ont perdu leurs travail et logement.

En 2023, des dizaines de milliers ont pris la mer au péril de leur vie depuis la région de Sfax, épicentre des départs en Tunisie. "Nous sommes à quelques kilomètres de l'Europe", explique Ibrahim, en référence aux 150 kms qui le sépare des côtes italiennes.

«Solidarité»

Près d'El Amra, sous des bâches arrimées à des poteaux avec des tubes d'irrigation, ils dorment souvent à 5 ou 10. En majorité des hommes mais aussi des femmes et enfants, venant de Guinée, Cameroun, Sénégal, Soudan, Sierra Leone ou Nigeria, regroupés par langue.

Des femmes cuisinent une sorte de ragoût, un homme montre de maigres poules blanches, impropres à la consommation mais principale nourriture des migrants.

Cet hiver, "il a fait très froid mais on arrive à survivre grâce à la solidarité entre frères africains", note Ibrahim. "Si quelqu'un a de la nourriture et toi non, il t'en donne, les bâches on les a achetées avec notre argent (envoyé par certaines familles, ndlr) ou la mendicité".

Les migrants se souviennent d'une distribution alimentaire début avril par des ONG. Beaucoup réclament plus d'aide de l'Europe.

Mais selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie "se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'Union européenne".

Sur le plan sanitaire, Ibrahim est inquiet: "il y a beaucoup de naissances, des gens malades". "On a une naissance (de bébé migrant) par jour à l'hôpital de Jebeniana, beaucoup de femmes enceintes, pas de suivi", confirme une source humanitaire à Sfax.

"Je suis ici pour traverser (la mer, ndlr) avec ma fille de 4 mois, y a pas d'eau, pas de couches, on met du plastique sous ses fesses", explique Salima, 17 ans, décidée malgré tout à "patienter le temps qu'ils (les passeurs, ndlr) ouvrent" les départs, retardés par une mauvaise météo.

«A la nage»

Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés.

Près de Jebeniana, des journalistes de l'AFP ont vu des cartouches de gaz lacrymogènes et des bâches arrachées mais aussi des cabanes en phase de reconstruction.

"La police nous fatigue beaucoup, hier j'ai été chassé au niveau des boutiques (à El Amra)", raconte Sokoto (un surnom), 22 ans, parti de Guinée il y a trois ans, entré en janvier en Tunisie par la frontière algérienne.

Mohamed Bekri fait partie des habitants d'El Amra qui apportent un peu d'eau et de nourriture aux migrants. "C'est une démarche humanitaire, il y a des bébés de trois ou six mois", dit ce commerçant quinquagénaire.

"Enlever les tentes n'est pas la solution, il faut que l'Etat trouve une vraie solution. Ce n'était déjà pas une solution de les amener à El Amra où habitent 32 000 personnes", ajoute-t-il.

Malgré les tensions et la grande précarité, aucun des migrants rencontrés ne veut retourner au pays.

Pour Sokoto, "la marche arrière s'est cassée". "Je suis sorti pour aider ma famille, j'ai beaucoup souffert pour arriver ici, je ne rentre pas en Guinée même si je dois traverser à la nage".


Le Hamas «étudie» une contre-proposition de trêve israélienne

Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez  AFP)
Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez AFP)
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  • «Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza
  • Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire

TERRITOIRES PALESTINIENS : Le mouvement islamiste palestinien Hamas a annoncé samedi «étudier» une contre-proposition israélienne en vue d'une trêve dans les combats à Gaza associée à la libération d'otages, un nouveau développement dans les pourparlers que l'Egypte tente de relancer.

«Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste (nom donné à Israël, ndlr) à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza, Khalil al-Hayya.

«Le mouvement étudiera cette proposition et soumettra sa réponse une fois son étude terminée», a-t-il ajouté dans un communiqué publié tôt samedi.

Le Hamas avait indiqué dans un communiqué le 13 avril avoir remis sa réponse aux médiateurs égyptiens et qataris sur une proposition de trêve avec Israël dans la bande de Gaza, en insistant sur un cessez-le-feu permanent.

Sans rejeter explicitement le contenu du projet de trêve, le mouvement palestinien y réaffirmait ses «exigences», soit «un cessez-le-feu permanent», le retrait de l'armée israélienne «de toute la bande de Gaza», «le retour des déplacés dans leurs zones et lieux de résidence, et « l'intensification de l'entrée de l'aide humanitaire».

Or Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire.

Les détails de cette contre-proposition n'ont pas filtré mais la presse israélienne évoquait plus tôt cette semaine la libération possible, dans un premier temps, de 20 otages considérés comme des «cas humanitaires».

Cette contre-proposition intervient alors qu’une délégation égyptienne est arrivée vendredi en Israël pour discuter d'un «cadre global pour un cessez-le-feu» à Gaza, selon le média égyptien proche des renseignements Al-Qahera News, qui cite un haut responsable égyptien.

Selon des médias israéliens, la délégation doit tenter de relancer les négociations, au point mort depuis plusieurs semaines, et plaider pour un accord de trêve impliquant la libération de «dizaines» d'otages retenus à Gaza.

La guerre entre Israël et le Hamas sera également au centre des entretiens de hauts diplomates arabes et européens attendus ce weekend à Ryad, en Arabie saoudite, dont les chefs de la diplomatie d'Allemagne et de France.

- «Un missile, et un autre» -

Sur le terrain, dans la nuit de vendredi à samedi, des Palestiniens ont fait état de frappes israéliennes près de Rafah, où Israël se prépare à lancer une offensive terrestre en dépit des craintes de la communauté internationale.

De nombreuses capitales et organisations humanitaires redoutent un bain de sang dans cette ville, où s'entassent un million et demi de Palestiniens, pour beaucoup dans des camps de tentes, sans eau ni électricité.

La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée contre Israël par des commandos du Hamas, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent captives à Gaza, dont 34 sont mortes selon des responsables israéliens.

En représailles, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste, de même que les Etats-Unis et l'Union européenne. Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 34.356 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

Vendredi à la mi-journée, un correspondant de l'AFP a vu des appareils tirer des missiles sur une maison du quartier Al-Rimal de la ville de Gaza, dans le nord du territoire, et les corps d'un homme, d'une femme et d'un enfant être extraits des décombres.

«J'étais assis en train de vendre des cigarettes et soudain un missile est tombé, secouant toute la zone, suivi d'un autre missile, secouant à nouveau la zone. Nous nous sommes précipités pour voir ce qui s'était passé, et nous avons trouvé des martyrs, un homme, une femme et une petite fille», a également raconté à l'AFP un témoin qui n'a pas donné son nom.

Après six mois et demi de bombardements aériens, de tirs d'artillerie et de combats au sol, la guerre a dévasté Gaza où l'ONU estime à 37 millions de tonnes la masse des débris et gravats à déblayer.

- Liban, Yémen et Etats-Unis -

Le conflit a aussi migré à la frontière entre Israël et le Liban, où les échanges de tirs sont quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah, libanais, voire au Yémen, où les rebelles Houthis ciblent une partie du trafic maritime en mer Rouge en soutien à Gaza.

Israël a annoncé vendredi qu'un civil israélien travaillant sur un chantier avait été tué près de la frontière par des missiles tirés du sud du Liban.

«Dans la nuit, des terroristes ont tiré des missiles antichar» dans une zone contestée située à la frontière entre le Liban et le plateau syrien du Golan, annexé par Israël. Le Hezbollah affirme y avoir mené «une embuscade complexe» contre un convoi israélien  et avoir «détruit deux véhicules».

Dans la soirée, le groupe islamiste libanais Jamaa islamiya, proche du Hamas, a annoncé la mort de deux de ses cadres dans une frappe israélienne au Liban.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt avoir éliminé un des cadres de ce groupe, Mosab Khalaf, qu'elle accuse d'avoir «préparé un grand nombre d'attaques terroristes contre Israël».

Au Yémen, les rebelles Houthis ont revendiqué dans la nuit de vendredi à samedi des attaques ayant endommagé l'Andromeda star, un navire circulant en mer Rouge selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom).

Aux Etats-Unis, pays allié d'Israël, un mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise sur les campus, après être parti il y a plus d'une semaine de l'université Columbia à New York.