La France dissout les «loups gris», un groupe ultra-nationaliste turc

Un soldat de l'armée française monte la garde alors qu’un policier passe devant un mur recouvert de graffitis pendant la nuit à Decines-Charpieu, près de Lyon (Photo, AFP)
Un soldat de l'armée française monte la garde alors qu’un policier passe devant un mur recouvert de graffitis pendant la nuit à Decines-Charpieu, près de Lyon (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 04 novembre 2020

La France dissout les «loups gris», un groupe ultra-nationaliste turc

  • Les loups gris ne sont pas un groupe officiellement organisé en France
  • Milli Gorus se trouve peut-être dans la ligne de mire du président français

ANKARA: Dans une démarche qui risque d'augmenter les tensions entre Ankara et Paris, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé lundi la dissolution en France du groupe ultra-nationaliste turc les «loups gris».

Le groupe est directement lié au Parti du mouvement nationaliste (MHP), un allié politique du gouvernement au pouvoir en Turquie.

Au cours du conflit en cours dans le Haut-Karabakh, où la France et la Turquie soutiennent des camps opposés, le groupe est devenu célèbre pour ses marches de «Chasse aux Arméniens» en France. Il aurait aussi vandalisé le mémorial du génocide arménien à l'extérieur de Lyon avec des graffitis à la gloire du nationalisme turc et du président Recep Tayyip Erdogan.

Pendant la marche, les membres du groupe ont menacé les Arméniens avec des slogans tels que «Nous allons les tuer». Quatre personnes ont été blessées à Lyon mercredi dernier lors d’affrontements entre les nationalistes turcs et les Arméniens qui protestaient contre les actions militaires de l’Azerbaïdjan.

La dissolution du groupe, réclamée par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme et le Conseil de coordination des organisations arméniennes en France, sera discutée mercredi par le conseil des ministres français.

Le groupe a été fondé dans les années 1960 en Turquie comme branche militante du MHP. Il avait pour mission de semer le chaos dans les rues dans les années 1970 et 1980, lors des combats contre les gauchistes et ont été également responsables de nombreux assassinats.

Leur salut – le pouce touchant le bout des deux doigts du milieu, et l'index et l'auriculaire levés – est considéré comme néofasciste et est interdit en Autriche depuis l’année dernière. Une interdiction similaire est envisagée en Allemagne.

Au mois d’août de cette année, le Conseil des affaires internationales de la Russie, un groupe de réflexion pro-Kremlin, a également qualifié le groupe d'organisation d’«extrémiste».

«Les loups gris» ont des branches actives dans les pays européens à forte population turque, comme l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France.

Samim Akgonul, politologue à l'université de Strasbourg en France, a déclaré que «les loups gris» ne sont pas l'organisation turque la plus visible en France, mais qu'ils sont actifs de temps en temps, en particulier lors de crises liées à la question arménienne, comme les lois commémoratives françaises reconnaissant le génocide arménien. «Historiquement, les partisans du parti d'extrême droite turc MHP sont organisés de manière autonome en Europe, indépendamment des organes officiels de la Turquie tels que l'Union islamique turque pour les affaires religieuses (DITIB) ainsi que la division européenne de la Direction des affaires religieuses de Turquie», a-t-il déclaré à Arab News.

Akgonul a aussi déclaré que depuis la coalition entre le parti au pouvoir pour la justice et le développement (AKP) et le MHP en Turquie en 2013, la mobilisation des «loups gris» en faveur de l'État turc et du président était devenue beaucoup plus fréquente, en particulier à Lyon et à Paris.

Mehmet Ali Agca, l'ultra-nationaliste turc qui a tenté d'assassiner le pape Jean-Paul II en 1981, était également lié au groupe.

Selon Akgonul, la raison principale de leur interdiction en France est leur récente activité contre les Franco-Arméniens à la suite d’un climat de violence générale.

Il a déclaré qu'ils étaient eux aussi des victimes collatérales de la terreur islamiste en France, et de la réaction du président Erdogan à ces actes de terreur.

Ni le gouvernement turc ni son partenaire nationaliste n'ont encore réagi à la déclaration du ministre français Darmanin concernant la dissolution du groupe.

L'expert turc Matthew Goldman, de l'Institut suédois de recherche à Istanbul, a constaté que les «loups gris» ne sont pas un groupe officiellement organisé en France et que l'annonce de Darmanin de «dissoudre» ce soi-disant groupe laisse de nombreuses questions sans réponse jusqu'à ce que les ministres discutent de la question mercredi.

«La politicienne d'extrême droite Marine Le Pen a accusé Darmanin d’utiliser des mots vides de sens, tweetant qu'il est insensé de prétendre dissoudre un groupe qui n'est pas réellement organisé. Au lieu de cela, elle a appelé à la fermeture de la Confédération islamique Milli Gorus, connectée directement à l'AKP, qui est une organisation officielle avec 70 mosquées en France», a-t-elle déclaré à Arab News.

Et comme le président français, Emmanuel Macron, veut rivaliser avec Le Pen pour montrer qu'il est dur à la fois avec la Turquie et l'islamisme, Goldman se demande s’il ne tournera pas ensuite son attention vers Milli Gorus.

La police allemande a récemment pris d'assaut une mosquée Milli Gorus à Berlin dans le cadre d'une enquête sur une fraude liée à un programme de subvention de la Covid-19, provoquant une réaction très vive d'Erdogan.

Goldman a déclaré que si les autorités françaises s'attaquent à Milli Gorus, cela susciterait probablement une forte riposte de la part d'Ankara.

«Les agressions des “loups gris”, qui réagissent à la fois à la guerre du Haut-Karabakh et au différend France-Turquie, semblent être le pire des deux mondes pour le public français: la violence des gangs de rue et la violence islamiste, même si les “loups gris” sont en réalité plus nationalistes qu'islamistes», a-t-il déclaré.

«Espérons que les autorités françaises soient en mesure de prévenir de nouvelles  violences, alors qu’elles luttent déjà pour contrôler la pandémie de coronavirus et les manifestations anticonfinement. La situation est propice aux conflits», a ajouté Goldman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.co


Le gouvernement présente sa trajectoire budgétaire légèrement ajustée

Le Premier ministre français François Bayrou dirige une conférence sur les finances publiques à Paris le 15 avril 2025. (Photo Alain JOCARD / AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou dirige une conférence sur les finances publiques à Paris le 15 avril 2025. (Photo Alain JOCARD / AFP)
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  • Après un déficit de 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024, le gouvernement entend réduire celui-ci à 5,4 % cette année au prix d'un effort budgétaire d'une cinquantaine de milliards d'euros
  • Après un déficit de 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024, le gouvernement entend réduire celui-ci à 5,4 % cette année au prix d'un effort budgétaire d'une cinquantaine de milliards d'euros.

PARIS : Mercredi, les ministères de l'Économie et des Comptes publics présenteront en conseil des ministres leur trajectoire budgétaire, légèrement ajustée par rapport à octobre, notamment en ce qui concerne la croissance, avec toujours l'objectif de ramener le déficit public sous le seuil de 3 % en 2029.

Après un déficit de 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024, le gouvernement entend réduire celui-ci à 5,4 % cette année au prix d'un effort budgétaire d'une cinquantaine de milliards d'euros, puis à 4,6 % en 2026 grâce à un nouvel effort d'environ 40 milliards d'euros, qui reposerait essentiellement sur une réduction des dépenses. 

Actuellement le plus élevé de la zone euro, le déficit continuerait de refluer ensuite pour atteindre 4,1 % du PIB en 2027, puis 3,4 % en 2028, selon le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) dont les principaux chiffres ont été dévoilés mardi lors d'une conférence de presse du Premier ministre François Bayrou.

Pour ces deux années, il s'agit d'un léger ajustement par rapport aux projections de respectivement 4,0 % et 3,3 % qui figuraient dans la trajectoire budgétaire de la France transmise en octobre par le précédent gouvernement à la Commission européenne.

L'objectif de repasser sous le plafond de 3 % autorisé par les règles budgétaires européennes est maintenu, mais il sera atteint plus tardivement que le reste de la zone euro, avec une cible à 2,8 % en 2029. 

Consulté sur le rapport d'avancement du PSMT, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) estime que « la prévision de déficit public pour 2025 peut être tenue, mais est loin d'être acquise ».

« Elle requiert une stricte maîtrise des dépenses directement pilotables par l'État et des dépenses sociales, ainsi que la confirmation du ralentissement récent de la dépense des collectivités locales », a prévenu l'organisme présidé par Pierre Moscovici.

Concernant la prévision de croissance, déjà rabotée à 0,7 % pour 2025, le gouvernement table sur une progression du PIB de 1,2 % en 2026 (contre 1,4 % en octobre), dans un environnement difficile marqué par l'incertitude politique en France, le conflit commercial déclenché par les États-Unis et la volonté de l'UE de se réarmer face à la Russie. 

- Comité d'alerte -

La croissance atteindrait ensuite 1,4 % en 2027 (contre 1,5 % prévus auparavant), puis 1,2 % en 2029.

Selon le HCFP, la prévision de croissance pour 2025 « n'est pas hors d'atteinte malgré l'accumulation des risques à la baisse », notamment dans le contexte international actuel.

Pour 2026, une progression de 1,2 % du PIB « supposerait que les incertitudes internationales s'atténuent et que l'ajustement budgétaire pèse peu sur l'activité », et donc « une accélération de la demande intérieure privée dont l'ampleur est loin d'être acquise ».

Mardi, après un « comité d'alerte », Bayrou a mis en garde les Français contre le « piège » de la dette qui menace « la survie de notre pays », sans proposer de remède immédiat et en écartant la piste des augmentations d'impôts l'an prochain. 

Il a annoncé que les « grands choix » du prochain budget seraient proposés avant le 14 juillet, c'est-à-dire avant les débats budgétaires au Parlement à l'automne.

La dette publique a atteint 113 % du PIB en 2024, pour un montant de 3 305,3 milliards d'euros. Seules la Grèce et l'Italie présentent un endettement plus lourd dans la zone euro.

Selon les projections gouvernementales, la dette continuerait de grimper jusqu'à 118,1 % du PIB en 2027, puis commencerait à refluer pour atteindre 117,2 % en 2029.

Par ailleurs, le HCFP juge la prévision d'inflation maintenue par le gouvernement à 1,4 % pour 2025 « un peu élevée ».


La Cour des comptes menace de ne plus certifier le budget de l'État ,si ses recommandations ne seront pas prises en compte

The President of the Court of Accounts (Cour des comptes), French state's financial watchdog, Pierre Moscovici (L) sits next to the National Assembly's finance committee president Eric Coquerel (R) prior to a hearing before the committee, in Paris at the National Assembly, France Parliament lower house, on April 16, 2025. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
The President of the Court of Accounts (Cour des comptes), French state's financial watchdog, Pierre Moscovici (L) sits next to the National Assembly's finance committee president Eric Coquerel (R) prior to a hearing before the committee, in Paris at the National Assembly, France Parliament lower house, on April 16, 2025. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
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  • le Premier président de la Cour des comptes, a menacé mercredi de refuser de certifier les comptes de l'État.
  • « Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées, mais devraient au contraire faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour être levées », a-t-il estimé.

PARIS : Pierre Moscovici, le Premier président de la Cour des comptes, a menacé mercredi de refuser de certifier les comptes de l'État si ses recommandations ne sont pas mieux écoutées, tout en reconnaissant que le budget de 2025 s'annonçait mieux que celui de 2024.

« J’aimerais vous faire part, non pas de ma mauvaise humeur, mais de ma très mauvaise humeur concernant les suites  ou plutôt l'absence systématique de suites données à l'acte de certification que nous publions annuellement », a lancé M. Moscovici devant la presse, puis à l'Assemblée nationale, en présentant divers documents dont la certification des comptes de l'État pour 2024.

« J'imagine la situation d'une entreprise dans laquelle le commissaire aux comptes certifierait les comptes avec de fortes réserves ou ne les certifierait pas, et où le conseil d'administration dirait : "On s'en fiche" », a assuré M. Moscovici. 

« Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées, mais devraient au contraire faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour être levées », a-t-il estimé.

Or, « pour la 19^e année consécutive, les comptes de l’État ne sont pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives », a-t-il souligné.

« En l'absence de progrès significatifs en 2025, la Cour pourrait être amenée à ne pas certifier les comptes », a affirmé M. Moscovici, qui a écrit en ce sens à Bercy cette semaine.

Le Premier président a une nouvelle fois exprimé de vives critiques à l'encontre du budget 2024, élaboré à l'automne 2023 avec des prévisions qui se sont avérées trop optimistes, sous la direction de Bruno Le Maire. Le déficit public annoncé à l'époque était de 4,4 % du PIB, mais il a finalement atteint 5,8 %. 

M. Moscovici a regretté l'absence d'une loi de finances rectificative début 2024, pour prendre en compte les dérapages déjà constatés en 2023. Il a dénoncé « la gestion erratique, le pilotage à vue, la succession de reports, gels, surgels, coups de rabot » qui ont émaillé l'année dernière.

Il a reconnu que la situation était « un peu mieux » pour 2025, même s'il a noté que « nous observons encore soit de légers biais optimistes, soit des risques qui ne sont pas tout à fait évalués ».

« Néanmoins, a-t-il salué, la prévision de croissance actuelle à 0,7 % n'est pas hors d'atteinte, même si les risques liés à la conjoncture internationale et à l'incertitude géopolitique sont élevés. »


Barrot estime également qu'« il nous faudra un jour ou l'autre revenir à un dialogue franc, lucide et exigeant »

Jean-Noël Barrot, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
Jean-Noël Barrot, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • « Je dis simplement que si nous voulons des résultats pour les Françaises et les Français, il nous faudra un jour ou l'autre revenir à un dialogue franc, lucide et exigeant » avec les autorités algériennes, a déclaré Jean-Noël Barrot.
  • Le dialogue est « la seule manière de résoudre durablement les tensions », a-t-il ajouté, jugeant « irresponsables » ceux qui prônent autre chose que le dialogue.

PARIS : La France a démontré sa capacité « à répliquer sans hésiter et avec fermeté » face à l'Algérie, mais elle devra « à terme » reprendre le dialogue avec Alger « dans l'intérêt des Français », a estimé mercredi le ministre français des Affaires étrangères sur France Inter.

« Je dis simplement que si nous voulons des résultats pour les Françaises et les Français, il nous faudra un jour ou l'autre revenir à un dialogue franc, lucide et exigeant » avec les autorités algériennes, a déclaré Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'annonce par l'Élysée de l'expulsion de 12 agents consulaires algériens, en représailles à des mesures similaires prises par l'Algérie.

Alors que des critiques s'élèvent en France sur la ligne jugée trop modérée du ministre français des Affaires étrangères, ce dernier a défendu la méthode. 

« Nous avons intérêt à avoir une relation normale avec l'Algérie, à sortir des tensions pour que nous puissions expulser les Algériens en situation irrégulière, que nous puissions avoir un dialogue sur le renseignement, sur la lutte contre le terrorisme, et que nous puissions aussi obtenir la libération de notre compatriote Boualem Sansal, aujourd'hui détenu arbitrairement en Algérie », a-t-il dit.

Le dialogue est « la seule manière de résoudre durablement les tensions », a-t-il ajouté, jugeant « irresponsables » ceux qui prônent autre chose que le dialogue.

« Il fallait donner sa chance au dialogue », a-t-il déclaré après s'être rendu début avril à Alger où il a rencontré son homologue Ahmed Attaf ainsi que le président Abdelmadjid Tebboune.

« Nous avons obtenu des engagements », a-t-il déclaré.